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Cantique sur la naissance de Notre-Seigneur
Jésus-Christ

Par Mr DE RACAN

Le poète Racan (1) composa un cantique de Noël pour chanter à la messe de minuict. Ce fut un heureux prélude à ses Bergeries :

Maintenant que l'astre doré
Par qui le monde est esclairé
A cédé la place aux estoilles,
Par un miracle nompareil
La nuict au milieu de ses voiles
A veu naistre un nouveau soleil.

Celuy qui limite le cours
Des siècles, des ans et des jours,
Qui toutes choses délibère :
Se dépouillant de sa grandeur
S'est vestu de nostre misère
Pour nous vestir de sa splendeur.

Un bien-heureux enfantement
Remplit l'enfer d'estonnement,
Réjouist les âmes captives;
Et rend le Jourdain glorieux
De voir naistre dessus ses rives
Le Roy de la terre et des cieux.

Ce Roy des astres adoré
N'est point né dans un lieu paré,
Où la pompe estalle son lustre;
Un haillon luy sert au besoin,
Et n'a pour daiz ny pour balustre
Qu'une crèche pleine de foin.

(1) Racan (Honorat de Bueil, chevalier, sicur de), né le 5 février 1589, à Champmarin, commune d'Aubigné, arrondissement de La Flèche, mort en 1670,

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Ces petits bras emmaillottez
Sont ces mesmes bras redoutez
Du ciel, de l'onde et de la terre;
Ils se sont à nostre ayde offerts,
Et ne s'arment plus du tonnerre
Que pour foudroyer les enfers.

Voyez que son divin pouvoir
Surpasse tout humain scavoir
De quiconque le considère;
Dieu de luy-mesme est créateur,
Une vierge enfante son père,
Et l'œuvre produit son auteur.

De tous ces miracles divers
Dont les cieux parent l'univers
Voit-on rien de tel en nature?
L'homme s'allie à l'Eternel,
Le Créateur est Créature
Pour estre juge et criminel.

O Dieu protecteur des humains,
Qui, par de si puissantes mains,
Nous as retiré de l'orage,
Sois à jamais nostre support,
Et ne laisse point au naufrage

Ceux que la grâce a mis au port.

Tout le XVIIe siècle a su par cœur ce Noël et l'a chanté sur un air de cour fait par Antoine Boësset, compositeur de ballets. Nous sommes loin déjà, avec Racan, des vieux Noëls rustiques de nos campagnes fléchoises et mancelles.

A noter, qu'après quarante années de popularité, un vers de ce cantique fut condamné par les « Révérends Pères Docteurs de la Sorbonne »>:

Dieu de luy-mesme est créateur.

Racan le remplaça par le suivant :

Dieu de son corps est créateur (1).

(1) Cette correction n'existe pas encore dans le recueil où nous avons voulu prendre le texte exact du Noël : Les délices de la poésie française ou Dernier recueil des plus beaux vers de ce temps, dédié à

« Je l'ay changé, comme vous le voyez, écrit-il, << avec beaucoup moins de force qu'il n'étoit, et ay << mieux aymé passer en cette occasion pour bon «chrestien que pour bon poëte. Je conseille ceux qui «<le chantent et retiennent par cœur d'en faire de «mesme et de suivre entièrement les sentimens de « l'Esglise. »>

G. S.

*M. Louis Arnould, le distingué professeur de l'Université de Poitiers, qui, dans une étude bien connue de nos lecteurs, a mis en si belle lumière la vie et l'œuvre de Racan, continue de rendre au poète des Bergeries l'hommage qui lui est dù. Par ses soins, un comité s'est formé dans le but d'élever un buste au poète à Saint-Paterne (Touraine). Toutes les cotisations, même les plus minimes, seront accueillies avec reconnaissance par le Président du Comité (M. Robert Gascher, rue Saint-Michel, 26, Tours, ou M. Louis Arnould, Château-d'Eau, 4, Poitiers). Une brochure illustrée <«< Racan en Touraine » sera immédiatement envoyée à tout souscripteur.

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CHRONIQUE

M. ET Mme BOTREL AU LUDE

La petite ville du Lude eut, au mois de septembre dernier, la fierté de posséder et la joie d'entendre le célèbre Barde breton, accompagné de sa « Douce », en coiffe de dentelle.

Venu passer quelques jours chez des amis, pour y prendre un peu de repos, Botrel voulut bien consentir à donner, pendant sa courte villégiature dans notre localité, un concert de charité (il n'en donne pas d'autres) au profit des œuvres paroissiales.

La simple annonce d'un « concert donné par Botrel » produisit dans tout le Lude une impression << sensationnelle ».

Les places pour la soirée furent promptement retenues, et l'on put voir, au moment de la solennité », la mine déconfite des retardataires ne pouvant pénétrer dans la salle comble ». La déception de ces derniers ne fut pourtant pas complète, car, rassemblés au nombre de deux à trois cents sur la place des Halles, ils purent entendre quand même, et applaudir, la voix chaude et puissante du Barde leur parvenant assez distinctement par les fenêtres ouvertes.

L'apparition sur la scène de M. et Mme Botrel fut saluée par d'unanimes applaudissements; mais les bravos devinrent plus nourris et plus prolongés avec l'intérêt croissant des chansons choisies et le geste plus animé et plus expressif des chanteurs. Le succès

fut complet avec la pièce Fleur d'Ajonc, qui termina brillamment cette soirée inoubliable.

Les chansons de Botrel, malgré leur « déjà connu », pour la plupart, soulèvent toujours les applaudissements les plus sincères; mais, quand l'auteur luimême les chante avec son entrain chaleureux et sa conviction communicative, l'enthousiasme éclate parmi les auditeurs.

C'est ce que nous avons constaté au Lude, où les démonstrations sympathiques du public ont prouvé, une fois de plus, à l'apôtre patriote et moralisateur de la Bretagne que ses idées, qu'elles soient chantées, simplement déclamées ou artistement mises en scène, sont également goûtées et justement appréciées.

Les châtelains du Lude ne furent pas les derniers à complimenter Botrel pour son œuvre, et l'accueil qu'ils lui firent décida le Barde à composer une poésie de circonstance, qu'il inscrivit lui-même sur le registre présenté par Mme la Marquise de Talhouët « à tous les amis qui voudront bien y inscrire leurs

noms. >>

On nous blâmerait certainement de ne pas faire connaître ces stances improvisées :

LE LUDE

L'admirable château du Lude

Dans l'azur dresse son front blanc (1)

Et laisse le Loir nonchalant

Baiser son pied solide et rude;

On sent que le Passé prospère,

Le formidable et fier Passé,
Sommeille, doucement bercé

Dans ce géant Berceau de pierre;

(1) Allusion à la façade Louis XVI qui vient d'être restaurée et

dont la blancheur est forcément éclatante.

1

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