PAGES OUBLIÉES → 101010 Cantique sur la naissance de Notre-Seigneur Par Mr DE RACAN Le poète Racan (1) composa un cantique de Noël pour chanter à la messe de minuict. Ce fut un heureux prélude à ses Bergeries : Maintenant que l'astre doré Celuy qui limite le cours Un bien-heureux enfantement Ce Roy des astres adoré (1) Racan (Honorat de Bueil, chevalier, sicur de), né le 5 février 1589, à Champmarin, commune d'Aubigné, arrondissement de La Flèche, mort en 1670, Ces petits bras emmaillottez Voyez que son divin pouvoir De tous ces miracles divers O Dieu protecteur des humains, Ceux que la grâce a mis au port. Tout le XVIIe siècle a su par cœur ce Noël et l'a chanté sur un air de cour fait par Antoine Boësset, compositeur de ballets. Nous sommes loin déjà, avec Racan, des vieux Noëls rustiques de nos campagnes fléchoises et mancelles. A noter, qu'après quarante années de popularité, un vers de ce cantique fut condamné par les « Révérends Pères Docteurs de la Sorbonne »>: Dieu de luy-mesme est créateur. Racan le remplaça par le suivant : Dieu de son corps est créateur (1). (1) Cette correction n'existe pas encore dans le recueil où nous avons voulu prendre le texte exact du Noël : Les délices de la poésie française ou Dernier recueil des plus beaux vers de ce temps, dédié à « Je l'ay changé, comme vous le voyez, écrit-il, << avec beaucoup moins de force qu'il n'étoit, et ay << mieux aymé passer en cette occasion pour bon «chrestien que pour bon poëte. Je conseille ceux qui «<le chantent et retiennent par cœur d'en faire de «mesme et de suivre entièrement les sentimens de « l'Esglise. »> G. S. *M. Louis Arnould, le distingué professeur de l'Université de Poitiers, qui, dans une étude bien connue de nos lecteurs, a mis en si belle lumière la vie et l'œuvre de Racan, continue de rendre au poète des Bergeries l'hommage qui lui est dù. Par ses soins, un comité s'est formé dans le but d'élever un buste au poète à Saint-Paterne (Touraine). Toutes les cotisations, même les plus minimes, seront accueillies avec reconnaissance par le Président du Comité (M. Robert Gascher, rue Saint-Michel, 26, Tours, ou M. Louis Arnould, Château-d'Eau, 4, Poitiers). Une brochure illustrée <«< Racan en Touraine » sera immédiatement envoyée à tout souscripteur. CHRONIQUE M. ET Mme BOTREL AU LUDE La petite ville du Lude eut, au mois de septembre dernier, la fierté de posséder et la joie d'entendre le célèbre Barde breton, accompagné de sa « Douce », en coiffe de dentelle. Venu passer quelques jours chez des amis, pour y prendre un peu de repos, Botrel voulut bien consentir à donner, pendant sa courte villégiature dans notre localité, un concert de charité (il n'en donne pas d'autres) au profit des œuvres paroissiales. La simple annonce d'un « concert donné par Botrel » produisit dans tout le Lude une impression << sensationnelle ». Les places pour la soirée furent promptement retenues, et l'on put voir, au moment de la solennité », la mine déconfite des retardataires ne pouvant pénétrer dans la salle comble ». La déception de ces derniers ne fut pourtant pas complète, car, rassemblés au nombre de deux à trois cents sur la place des Halles, ils purent entendre quand même, et applaudir, la voix chaude et puissante du Barde leur parvenant assez distinctement par les fenêtres ouvertes. L'apparition sur la scène de M. et Mme Botrel fut saluée par d'unanimes applaudissements; mais les bravos devinrent plus nourris et plus prolongés avec l'intérêt croissant des chansons choisies et le geste plus animé et plus expressif des chanteurs. Le succès fut complet avec la pièce Fleur d'Ajonc, qui termina brillamment cette soirée inoubliable. Les chansons de Botrel, malgré leur « déjà connu », pour la plupart, soulèvent toujours les applaudissements les plus sincères; mais, quand l'auteur luimême les chante avec son entrain chaleureux et sa conviction communicative, l'enthousiasme éclate parmi les auditeurs. C'est ce que nous avons constaté au Lude, où les démonstrations sympathiques du public ont prouvé, une fois de plus, à l'apôtre patriote et moralisateur de la Bretagne que ses idées, qu'elles soient chantées, simplement déclamées ou artistement mises en scène, sont également goûtées et justement appréciées. Les châtelains du Lude ne furent pas les derniers à complimenter Botrel pour son œuvre, et l'accueil qu'ils lui firent décida le Barde à composer une poésie de circonstance, qu'il inscrivit lui-même sur le registre présenté par Mme la Marquise de Talhouët « à tous les amis qui voudront bien y inscrire leurs noms. >> On nous blâmerait certainement de ne pas faire connaître ces stances improvisées : LE LUDE L'admirable château du Lude Dans l'azur dresse son front blanc (1) Et laisse le Loir nonchalant Baiser son pied solide et rude; On sent que le Passé prospère, Le formidable et fier Passé, Dans ce géant Berceau de pierre; (1) Allusion à la façade Louis XVI qui vient d'être restaurée et dont la blancheur est forcément éclatante. 1 |