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peuples. Dans quel trouble ne seraient pas tous les États, sans règle, sans assurance, toujours à la veille d'être envahis! L'état naturel serait bien préférable à la société civile.

La prescription assure la tranquillité du genre humain. C'est la plus sage de toutes les règles, lorsque le droit qu'elle acquiert est ancien. Une couronne qu'un prince ne devait d'abord qu'à son épée doit demeurer dans la suite, à titre de succession légitime, aux descendants d'un conquérant, pourvu que le droit de conquête ait été suivi de l'acquiescement des peuples, et qu'une possession tranquille l'ait rendu légitime. La république romaine, après avoir été agitée par les factions de Cinna, de Marius, de Sylla, de Pompée, de César, des triumvirs, crut devoir, pour le bien de la paix, se choisir un maître (1). Mais qu'était-ce que le premier empereur romain, si ce n'est un sujet révolté contre sa patrie, qui lui avait ravi la liberté, et l'avait assujettie à la tyrannie? Le choix qu'on en fit était-il bien libre? Dans la suite des empereurs, combien ne trouve-t-on pas d'usurpateurs! Tous les empires et tous les royaumes de l'Europe n'ont-ils pas été formés des débris de l'empire romain? Depuis même cette grande révolution, des royaumes héréditaires sont devenus électifs (1), des royaumes électifs sont devenus hé

(1) Pacis interfuit ut ab uno regeretur. (2) L'empire d'Allemagne.

réditaires (1); quelques-uns sont redevenus électifs (2). Pour ne parler que des exemples récents, n'avons-nous pas vu de nos jours arracher une couronne de dessus la tête d'un prince légitime (3) pour la mettre sur celle de son gendre (4), qui l'a fait passer à une maison étrangère (5)? Et ne voyons - nous pas aussi dans l'Europe une république florissante (6), qui ne doit son origine qu'à la révolte de ses peuples?

II y a encore une raison particulière qui rend plus fort le droit de prescription des souverains sur celui des simples particuliers; c'est que la souveraineté étant un bien qui dérive immédiatement de la nation, dès que celle-ci ne réclame pas son ancien souverain, surtout si elle en a la force, elle est censée s'accommoder du nouveau, et lui accorder tacitement la propriété de la souveraineté, à l'exclusion de l'ancien propriétaire, qui n'a eu ni assez de courage ni assez de force pour la conserver.

J'avoue cependant que la question est souvent difficile à décider, et que la résolution du cas est douteuse, surtout lorsque la prescription est fondée sur un long silence. Personne n'ignore

(1) Le Danemarck, la Suède, la Hongrie.

(2) La Suède.

(3) Jacques II, roi d'Angleterre.

(4) Le prince d'Orange, sous le nom de Guillaume III. (5) La maison de Brunswick.

(6) La Hollande.

combien il est dangereux pour l'ordinaire à un État faible de laisser entrevoir seulement quelque prétention sur les possessions d'un monarque puissant. Il est donc alors difficile de fonder une légitime présomption d'abandonnement sur un long silence.

Ajoutez que le conducteur de la société n'ayant pas ordinairement le pouvoir d'aliéner ce qui appartient à l'État, son silence ne peut faire préjudice à la nation ou à ses successeurs, quand même il suffirait à faire présumer un abandonnement de sa part.

Il sera question alors de voir si la nation a négligé de suppléer au silence de son conducteur, si elle y a participé par une approbation tacite. Voyez BURLAMAQUI, tom. VII, 3o part., chap. vi; WATTEL, liv. II, chap. Ix; GROTIUS, liv. II, chap. II; PUFFENDORF, liv. III, chap. I.

LEÇON XX.

La guerre en général; droit du souverain sur les sujets à cet égard.

La matière du droit de la guerre est également importante et étendue; elle mérite par conséquent d'être traitée avec exactitude. C'est une maxime fondamentale du droit de la nature et des gens, que les particuliers et les États doivent vivre entre eux dans un état d'union et de so

ciété ; 'qu'ils ne doivent se faire aucun mal, ni se causer aucun dommage, et qu'au contraire chacun doit exercer envers autrui les devoirs d'humanité. Lorsque les hommes pratiquent ces devoirs les uns envers les autres, on dit qu'ils sont dans un état de paix. Cet état est sans doute plus conforme à la nature humaine, le plus capable de la conserver, celui dont l'établissement et le maintien est le but principal des lois de la nature.

L'état opposé à cet état d'union et de paix est ce qu'on appelle la guerre, qui, dans le sens le plus général, n'est autre chose que l'état de ceux qui tâchent de vider leurs différends par les voies de la force, considérés comme tels. J'ai dit que c'est là le sens le plus général, car dans un sens le plus réservé, l'usage ordinaire a restreint la signification du mot de guerre à celle qui se fait entre des puissances souveraines.

La guerre dans cette dernière signification est de trois espèces: offensive, qui se porte sur les terres de l'ennemi; défensive, que l'on soutient sur son propre terrain; et civile, lorsque les membres d'une même société s'arment les uns contre les autres. La première est la moins dure; elle met les propriétés des citoyens à l'abri du ravage et de l'incendie, et sauve leurs familles de l'insulte. La seconde, plus fâcheuse, expose à tous ces maux; la troisième est la plus cruelle. L'effort qui brise les liens de la société, ceux même du sang, anime la fureur; elle la rend plus barbare.

Quoique l'état de la paix et d'une bienveillance

mutuelle soit sans doute plus naturel à l'homme et le plus convenable aux lois qu'il doit suivre, la guerre ne laisse pas d'être permise dans de certaines circonstances, et quelquefois même d'être nécessaire, soit à l'égard des particuliers, soit à l'égard des nations. C'est ce que nous avons déjà suffisamment prouvé en établissant les droits que la nature donne à l'homme pour sa propre conservation, et les moyens qu'il peut légitimement employer pour cela. Tous les principes que nous avons établis là-dessus à l'égard des particuliers conviennent également et même à plus forte raison aux nations.

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La loi de Dieu ne recommande pas moins au corps des nations de travailler à leur conservation qu'aux hommes en particulier; il est donc juste qu'elles puissent employer la force contre ceux qui, se déclarant leurs ennemis violent envers elles la loi de la sociabilité, leur refusent ce qui leur est dû, cherchent à leur enlever leurs avantages et à les détruire. Il est donc du bien même de la société que l'on puisse réprimer efficacement la malice de ceux qui en renversent les fondements; sans cela le genre humain deviendrait la victime du brigandage et de la licence, et le droit de faire la guerre est à proprement parler le moyen le plus puissant de maintenir la paix entre les hommes.

Il faut donc tenir pour constant que le souverain, entre les mains duquel on a remis l'in

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