תמונות בעמוד
PDF
ePub

DE LA

CONSTITUTION

DE L'ANGLETERRE,

ET DES CHANGEMENS PRINCIPAUX QU'ELLE A ÉPROUVÉS, TANT DANS SON ESPRIT QUE DANS SA FORME.

ON

INTRODUCTION.

Na tant écrit, depuis quelques années, sur la Constitution de l'Angleterre, qu'il semble qu'il n'y a plus rien à en dire. Plusieurs peuples l'ont adoptée à la place de celles qu'ils avoient reçues de leurs pères, et l'on doit croire qu'ils l'ont examinée auparavant avec toute l'attention possible. Une foule de publicistes l'ont commentée; et il n'y a pas un étranger qui, en rendant compte d'un voyage de quinze jours à Londres, n'ait consacré un chapitre ou deux à cette fameuse Constitution. Ils l'ont presque tous regardée comme le chef-d'œuvre de l'esprit humain; et quelques-uns d'entre eux sont près d'insinuer qu'il a fallu que les Anglais fussent doués d'un génie politique particulier, pour avoir pu l'inventer.

[ocr errors]

De tous les étrangers qui ont commenté avec admiration la Constitution anglaise, c'est le Genevois De Lolme qui est le plus connu. Son livre a eu de la vogue, même en Angleterre. Les Anglais furent charmés des éloges qu'il prodiguoit à leur Constitution, et ils furent disposés à croire que tous ses raisonnemens étoient justes, puisqu'il louoit tant un ordre politique qui les rendoit heureux. Les Anglais en général, et justement parce qu'ils se trouvent bien de l'observation de leurs usages, s'occupent fort peu de théories en fait de gouvernement; leurs auteurs politiques (dont les recherches ont presque toujours un but pratique), quand ils quittent l'examen des faits pour s'élever à des considérations générales, expliquent souvent fort mal l'origine et la nature de leurs propres institutions, faute de les avoir comparées avec celles des autres peuples qui avoient autrefois le même sys'ème de gouverne

ment. La plupart d'entre eux, imaginant faussement que leur Constitution a toujours été particulière à leur île, ne se donnent pas la peine d'étudier celles de leurs voisins, et, se privant ainsi de plusieurs sources de lumières, se trompent eux-mêmes, et induisent en erreur les étrangers qui les consultent. Ils ressemblent aux gens qui savent très-bien leur langue par usage, mais, n'en ayant pas approfondi les principes, sont de mauvais maîtres pour la

montrer aux autres.

Tous les auteurs qui ont suivi De Lolme, l'ont copié plus ou moins; et, comme lui, trompés par des mots et par de fausses apparences, ils ne parlent que de la forme extérieure de la Constitution anglaise, et ne disent jamais un mot de l'esprit qui l'anime. Ils répètent tous la même théorie sur les trois pouvoirs qui concourent, par leur opposition, à former le meilleur gouvernement possible. Ils veulent appliquer à la politique les lois de la mécanique, et prétendent expliquer la marche du gouvernement le plus compliqué, par une théorie absurde, même en physique. Deux pouvoirs égaux et opposés, appliqués à une machine, deviendroient nuls, et la laisseroient mouvoir au gré d'un troisième, qui n'auroit rien pour le contrarier. Ou bien, si trois pouvoirs égaux tiroient une machine en trois sens différens, elle ne marcheroit pas du tout. Mais une mauvaise comparaison ne prouve rien contre l'existence d'un fait. Ecoutons donc les assertions de ces messieurs.

La Constitution anglaise, selon eux, n'est autre chose que la monarchie, l'aristocratie et la démocratie, existant à la fois comme pouvoirs indépendans et souverains; et c'est des combinaisons différentes de ces trois pouvoirs que résultent les diverses beautés de cette Constitution. Tantôt les trois pouvoirs sont en opposition mutuelle; tantôt c'est l'aristocratie et la démocratie qui s'attaquent, et alors la royauté, en balançant l'une avec l'autre, les met d'accord; tantôt, au contraire, l'aristocratie et la démocratie se réunissent contre la royauté; mais alors celle-ci, armée de son veto, comme d'une baguette magique, leur ôte le mouvement et la parole. Cette trinité politique, dont la volonté générale naît des volontés opposées des pouvoirs qui la composent, si elle existoit réellement, seroit un vrai mystère, égal à tous ceux que la religion nous enseigne. Mais comme, en politique, il ne s'agit pas de foi, et qu'au contraire il faut rejeter toute doctrine qui n'est pas basée sur des faits avérés, il est bon d'examiner attentivement la composition de ces pouvoirs, qu'on dit si opposés, avant de croire à ce prétendu mystère.

Je suis loin de vouloir discuter toutes les doctrines, ou relever

Voyez Blackstone, qui, dans son premier volume, ne dit sur les trois pouvoirs du parlement que des lieux communs que De Lolme a répétés.

toutes les erreurs de De Lolme et des autres commentateurs de la Constitution anglaise: c'est encore moins mon projet de faire un nouveau commentaire sur cette Constitution. Je me contenterai d'examiner quelques-unes de leurs doctrines principales, comme celles de l'union mystérieuse des trois pouvoirs, de la stabilité particulière du pouvoir royal en Angleterre, à cause de l'opposition presque constante de deux autres pouvoirs de la Constitution, de l'efficacité du veto, pour défendre la royauté contre l'attaque réunie de l'aristocratie et de la démocratie, et de la sécurité pour la liberté publique, résultant de la qualité négative du pouvoir royal, comme partie de la législature, puisqu'il n'a que le droit de refuser, mais n'a pas celui de proposer une loi quelconque. Cette discussion me conduira à examiner le véritable esprit de cette Constitution, aujourd'hui.

L'amour seul de la vérité suffiroit pour donner envie de savoir si ces doctrines sont conformes aux faits; mais il peut y avoir aussi quelque utilité dans un pareil examen. Les théories de Blackstone et de De Lolme n'ont eu aucune influence sur les institutions anglaises, qui existoient et produisoient du bien, pour des raisons très-différentes de celles que ces auteurs supposoient; mais ces théories pourroient égarer les peuples qui seroient tentés d'imiter les institutions anglaises; et peut-être pourroit-on citer des constitutions nouvellement formées qui se ressentent des fausses doctrines de ces publicistes. Les faux systèmes des grammairiens qui expliquent mal la nature des mots et des idiotismes de leurs propres langues, influent rarement sur la pratique de ces langues dans les pays où on les parle; mais ils font un mal réel en trompant les étrangers qui étudient ces langues, ou qui veulent en transporter les beautés dans les leurs.

La meilleure manière de montrer le peu de solidité des doctrines des théoristes, sur la Constitution anglaise, me paroît être de donner une courte esquisse de l'histoire de cette Constitution, depuis son origine jusqu'à nos jours. On verra, par ce moyen, que l'esprit politique des Anglais n'a pas été plus profond que celui des autres peuples; qu'ils n'ont jamais prévu l'effet des modifications de leurs institutions, lesquelles ont été les résultats des circonstances, et quelquefois d'un heureux hasard; et que tout le mérite de leurs législateurs a consisté dans un grand attachement à leurs anciens usages, et une forte aversion pour toutes les innovations qui n'étoient pas absolument nécessaires. De cette manière, leurs institutions primitives ont reçu les développemens que le temps pouvoit amener, et sont enfin arrivées au degré de perfection dont elles étoient susceptibles. Toutes les institutions humaines, comme toutes les langues, ont le germe d'une certaine perfection qui se développe avec le temps, si elles ne sont pas détruites ou arrêtées dans leurs progrès, par les efforts des hommes. Tandis

que, dans toutes les autres monarchies de l'Europe, les anciennes institutions ont été souvent modifiées sans raison, ou changées arbitrairement, les institutions anglaises, toujours respectées, se sont perfectionnées lentement d'elles-mêmes. Voilà la véritable raison de la supériorité de la Constitution de l'Angleterre sur presque toutes celles des autres pays de l'Europe; et voilà aussi pourquoi il est si difficile de l'imiter. Elle n'est qu'un ensemble d'usages politiques, mis en harmonie, par le temps et l'expérience des hommes, avec les usages moraux et même physiques de la nation anglaise: il faut un tact bien délicat pour distinguer la bonté absolue d'un usage isolé, de ceux auxquels il est ordinairement associé, et surtout pour l'ajuster à des usages totalement différens.

Origine de la Constitution Anglaise.

Dès les temps les plus reculés de la monarchie anglaise, et aussitôt que les différens petits royaumes saxons furent réunis en un seul, on trouve un grand conseil national, composé des prélats et principaux seigneurs, avec des gens de justice. Les rois les consultoient dans toutes les grandes affaires; et ils formoient à la fois une cour politique et judiciaire. Cette cour nationale ressembloit beaucoup à celle qui existoit, à la même époque, en France et dans plusieurs autres pays de l'Europe, où la similitude des circonstances avoit produit des institutions semblables. En France, comme en Angleterre, le conseil national étoit entièrement aristocratique; le peuple n'y avoit aucune voix, et les membres étoient choisis par les rois à leur gré, parmi les grands officiers de la couronne, et autres personnages considérables du royaume. Guillaume-le-Conquérant, en perfectionnant le système féodal, dont les élémens aristocratiques existoient depuis long-temps en Angleterre, ne fit aucun changement essentiel aux institutions saxonnes. changea l'ancien nom saxon de thane, en celui de baron ou chevalier; et il divisa tout le territoire de l'Angleterre en plusieurs milliers de fiefs de chevaliers. Le grand conseil national, appelé toujours en latin magnum concilium, changea peu à peu son nom saxon de

[ocr errors]

'M. de Boulainvilliers, qui a mieux traité que personne, de l'origine des anciens conseils nationaux de France, séduit par son système absurde, de vouloir faire de tous les Francs, des nobles, et de tous les Gaulois, des serfs, prétend que, sous la première race des rois de France, tout Franc avoit voix consultative dans les assemblées des champs de mars et de mai. Mais cette assertion est évidemment fausse; et quoique aucun Franc ne fût esclave, le peuple franc, sous la première race, étoit aussi peu consulté dans la formation des lois que le peuple gaulois, ou que le peuple français sous la seconde

race.

I

wittenagemot, pour celui de parlement; mais sa composition resta à peu près la même qu'anciennement. Les comtes, ou gouverneurs des provinces, les barons et les chevaliers relevant du roi, avec les prélats et principaux juges, étoient les seules personnes qui avoient le droit d'en être membres; et, si l'autorité des rois normands fut plus grande que celle des derniers rois saxons, les principes généraux du gouvernement étoient à peu près les mêmes. Le gouvernement anglo-normand, comme celui de la France, étoit une monarchie tempérée, sans règles fixes, par le pouvoir des seigneurs et principaux ecclésiastiques, et surtout par la pauvreté des monarques et la nature de leurs forces militaires. Les rois, n'ayant d'autres armées que celles de leurs barons, ni d'autres revenus que ceux de leurs domaines, n'étoient rien moins qu'absolus; mais leurs pouvoirs étoient bornés plutôt par des obstacles physiques que par des limitations morales. Selon les doctrines modernes, ils étoient despotiques, car ils réunissoient souvent en leurs personnes, les pouvoirs législatif, judiciaire et militaire; mais, dans le fait, ils étoient loin de l'être, puisqu'ils ne pouvoient faire exécuter leurs ordonnances qu'avec le consentement de leurs barons. Ils étoient donc obligés de consulter ceux-ci avant d'entreprendre aucune affaire importante, sous peine de voir méconnoître leur autorité. Cette obligation étoit plutôt l'effet des circonstances, que le résultat d'aucune convention; et les rois s'en dispensoient plus ou moins, selon le degré de pouvoir que leur position particulière leur permettoit d'acquérir. Guillaume-leConquérant et ses successeurs immédiats étoient assez forts pour contenir la puissance de leurs barons, et les empêcher de se rendre indépendans de la couronne, en formant de petites souverainetés féodales, comme cela arriva en France et en Allemagne : mais les grands barons anglais, restés dans le rang de sujets, formèrent un corps puissant, animé du même esprit, et devinrent un frein puissant à l'autorité royale.

Ressemblance des anciens Parlemens de l'Angleterre et
de la France.

Le parlement ou grande cour nationale des rois de France, au .commencement de la seconde race, étoit parfaitement pareil au conseil national des rois saxons de l'Angleterre à la même époque; il y avoit de même une très grande ressemblance dans l'organisation intérieure des deux royaumes. Mais, en France, presque aussitôt que le système féodal fut entièrement formé, et que les barons et chevaliers relevant de la couronne, de même que les ducs et les

Le mot parlement ne fut pas très-commun avant Henri III.

« הקודםהמשך »