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On f'est fait, il eft vrai, le généreux effort
D'envoyer moins fouvent les frères à la mort;
On brûle moins d'Hébreux dans les murs de Lisbonne
Et même le Mouphti, qui rarement raisonnè,
Ne dit plus aux chretiens que le Sultan foumet:
Renonce au vin, barbare, et crois à Mahomet!
Mais du beau nom de chien çe Mouphti nous ha

nore;

Dans le fond des enfers il nous envoie encore.
Nous le lui rendons bien: nous damnons à la fois
Le Peuple circoncis vainqueur de tant de rois.
Londres, Berlin, Stockholm et Genève; et vous
même,

Vous étes, & grand Roi! compris dans l'anathême.
En vain par des bienfaits fignalant vos beaux jours
A l'humaine raifon vous donnez des fecours,
Aux beaux arts des palais, aux pauvres des afiles,
Vous peuplez les déferts, vous les rendez fertiles!
De fort favans efprits jurent fur leur falut

Que vous êtes fur terre un fils de Belzebub,

Les vertus des païens etaient, dit-on, des crimes,
Rigueur impitoyable! odieufes maximes!
Gazetier clandeftin, dont la platte âcreté
Damne le genre humain de pleine autorité,
Tu vois d'un oeil ravi les mortels tes femblables,
Pétris des mains de DIEU pour le plaifir des diables,
N'es-tu pas fatisfait de condamner au feu

Nos meilleurs citoyens, Montagne, et Montesquieu?
Penfes tu que Socrate, et le jufte Ariftide,
Solon, qui fut de Grecs et l'exemple et le guide,
Penfes-tu que Trajan, Marc-Aurèle, Titus,
Noms chêris, noms facrés, que tu n'as jamais lus
Aux fureurs des démons font livrés en partage
Par le Dieu bienfefant dont ils etaient l'image?
Et que tu feras, toi, de rayons couronné,
D'un choeur de cherubins au ciel environné,
Pour avoir quelque tems, chargé d'une béface,
Dormi dans lignorance, et croupi dans la crafle?
Sois fauvé, j'y confens: mais l'immortel Newton,
Mais le favant Leibnitz, et le fage Addiffon

Voltaire.

Voltaire. Et ce Locke, en un mot, dont la main courageufe
A de l'efprit humain pofé la borne heureuse;
Ces efprits qui femblaient de DIEU même éclairés
Dans des feux éternels feront-ils dévorés?

Porte un arrêt plus doux, prends un ton plus modefte,
Ami, ne préviens point le jugement céleste;
Refpecte ces mortels, pardonne à leur vertu :
Ils ne t'ont point damné; pourquoi les damnes-tu?
A la religion discrètement fidelle,

Sois doux, compatiffant, fage, indulgent comme elle,
Et fans noyer autrui fonge à gagner le port:
La clémence a raifon; et la colère a tort.

Dans nos jours paffagers de peines, de mifères,
Enfans du même Dieu, vivons du moins en frères,
Aidons-nous l'un et l'autre à porter nos fardeaux;
Nous marchons tous courbés fous le poids de nos

maux;

Mille ennemis cruels affiégent notre vie,

Toujours par nous maudite, et toujours fi chérie:
Notre coeur égaré, fans guide et fans appui,
Eft brûlé de défirs, ou glacé par l'ennui.

Nul de nous n'a vécû fans connaitre les larmes;
De la fociété les fecourables charmes

Confolent nos douleurs au moins quelques inftans:
Reméde encor trop faible à des maux fi conftans!
Ah n'empoisonnons pas la douceur qui nous refte!
Je crois voir des forçats dans un cachot funefte
Se pouvant fecourir, l'un fur l'autre acharnés
Combattre avec les fers dont ils font enchâinés.

DE

DE LA MODERATION EN TOUT.

A Mr. Helvetius.

Tout vouloir eft d'un fou; l'excès eft son par

tage;

La modération eft le tréfor du fage.

Il fait régler fes goûts, fes travaux, fes plaifirs,
Mettre un bout à fa courfe, un terme à fes défirs,
Nul ne peut avoir tout. L'amour de la fcience
A guidé ta jeuneffe au fortir de l'enfance;
La Nature eft ton livre, et tu prétends y voir
Moins ce qu'on a penfé, que ce qu'il faut favoir.
La Raifon te conduit; avance à fa lumière,
Marche encor quelques pas, mais borne ta carrière.
Au bord de l'infini ton cours doit f'arrêter;.
Là commence un abîme; il le faut refpecter.

Réaumur, dont la main fi fayante et fi fûre
A percé tant de fois la nuit de la Nature,
M'apprendra-t-il jamais, par quels fubtils refforts
L'éternel Artifan fait végéter les corps?
Pourquoi l'afpic affreux, le tigre, le panthère,
N'ont jamais adouci leur cruel caractère,
Et que, reconnaiffant la main qui le nourrit,,
Le chien meurt en léchant le maitre qu'il chérit?
D'où vient qu' avec cent pieds, qui femblent inuti-
les,

Cet infecte tremblant trâine fes pas débiles?
Pourquoi ce ver changeant le bâtit un tombeau,
S'enterre, et reffufcite avec un corps nouveau;
Et le front couronné, tout brillant d'étincelles,
S'élance dans les airs en déployant fes ailes?
Le fage Du Fäi, *) parmi ses plants divers,
Végétaux raffemblés des bouts de l'univers,
Me dira-t-il, pourquoi la tendre fenfitive
Se flétrit fous nos mains, honteuse et fugitive?

Pour

*) Directeur du jardin et du cabinet d'histoire naturelle du

Roi.

Voltaire.

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Pour découvrir un peu ce qui fe passe en moi,!
Je m'en vais confulter le médécin du roi:

Sans doute il en fait plus que fes doctes confreres.
Je veux favoir de lui, par quels fecrets mystéres
Ce pain, cet aliment dans mon corps digéré,
Se transforme en un lait doucement préparé?
Comment, toujours filtré dans fes routes certaiñes,
En longs ruiffeaux de pourpre il court enfler mes
veines,

A mon corps languiffant rend un pouvoir nouveau
Fait paipiter mon coeur, et penser mon cerveau?
II lève au ciel les yeux, il f'incline, il f'écrie:
Demandez-le à ce DIEU qui nous donna la vie.

Courriers de la phyfique, *) Argonautes nou.

veaux,

Qui franchiffez les monts, qui traverfez les eaux,
Ramenez des climats foumis aux trois couronnes
Vos perches, vos fecteurs, et fur-tout deux Lapon-

nes:

Vous avez confirmés dans ces lieux pleins d'ennui
Ce que Newton connut fans fortir de chez lui.
Vous avez arpenté quelque faible partie
Des flancs toujours glacés de la terre applatie.
Dévojlez ces refforts qui font la pefanteur.
Vous connaissez les lois qu'établit fon auteur.
Parlez, enfeignez-moi, comment fes mains fécon-

des

Font tourner tant de cieux, graviter tant de mon
des:

Pourquoi, vers le foleil notre globe entrâiné:
Se meut autour de foi fur fon axe incliné:
Parcourant en douze ans les céleftes demeures,
D'où vient que Jupiter a fon jour de dix heures?

Vous

*) Meffieurs de Maupertuis, Clairault, le Monnier etc. állès, rent en 1736 à Tornéa mésurer un degré du méridien, et ramenèrent deux Laponnes. Les trois couronnes font les arines de la Suède, à qui Tornéa appartient.

Vous ne le favez point: votre favant compas
Mefure l'univers, et ne le connait pas.
Je vous vois deffiner, par un art infaillible
Les dehors d'un palais à l'homme inacceffible:
Les angles, les côtés font marqués par vos traits;
Le dedans à vos yeux eft fermé pour jamais.
Pourquoi donc m'affliger, fi ma débile vue
Ne peut percer la nuit fur mes yeux répandue?
Je n'imiterai point ce malheureux favant, *)
Qui des feux de l'Etna fcrutateur imprudent,
Marchant fur des monceaux de bitume et de cendre,
Fut confumé du feu qu'il cherchait à comprendre.

Modérons-nous fur-tout dans notre ambition:
C'eft du coeur des humains la grande paffion..
L'empesé magiftrat, le financier fauvage,
La prude aux yeux dévots, la coquette volage,
Vont en pofte à Verfaille effuyer des mépris,
Qu'ils reviennent foudain rendre en Pofte à Paris.
Les libres habitans des rives du Permefle
Ont faifi quelquefois cette amorce traitreffe
Platon va raisonner à la cour de Denis,
Racine Janfenifte eft auprès de Louis.
L'auteur voluptueux, qui célébra Glycère,
Prodigue au fils d'Octave un encens mercenaire.
Moi-même, renonçant à mes premiers deffeins, **)
J'ai véçu, je l'avoue, avec des fouverains.

Mon vaiffeau fit naufrage au mer de ces Sirenes;
Leur voix flatta mes fens, ma main porta leur châi-

nes;

On me dit: je vous aime; et je crus comme un fot
Qu'il était quelque idée attachée à ce mot..
J'y fus pris. J'affervis au vain défir de plaire'
La mâle liberté qui fait mon caractère;
Et perdant la raifon dont je devais m'armer,
J'allai m'imaginer qu'un roi pouvait aimer."

Que

• Empedo:le.

**) L'auteur ajouta ces vers, après fon départ de Berlin.

Voltaire.

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