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neille pouvoit-il tenir contre le jeune Racine? Rouffeau eft, fans doute, admira ble dans fes vers, fon ftyle eft fublime & parfaitement foutenu, fes penfées fe lient bien: il pouffe fa verve avec la même force depuis le début jufqu'à la fin: je le veux: mais a-t-il toujours affez de ce pliant, de cette foupleffe qui donne la grace & qui fait jouer les membres avec facilité? L'a-t-il fouvent? Sa force n'eft-elle jamais que de la force? Pour en juger facilement, qu'on le compare avec les endroits de Quinault qui approchent de l'ode. Qu'on compare l'ode qui commence par ces mots: J'ai vu mes triftes journées, qui eft, fans contredit, une de celles où il y a le plus de moëleux, avec le chœur de Racine dans Efther: Pleurons & gémillons. C'est le même fentiment qui règne dans l'un & dans l'autre morceau : les deux poètes ont tiré l'un & l'autre, beau coup de chofes de l'Ecriture fainte. Il ne fera point difficile de fentir ce que nous difons, & on verra que fi M. Rouffèau a eu un grand nombre des parties néceffaires pour former les grands lyriques; il y en a quelques-unes qu'il n'a point euës, ou qu'il n'a euës que dans un dégré ordinaire.

QUAND on veut trouver les défauts des grands écrivains, il faut les chercher dans l'excès de la qualité qui fait leur caractère. propre. On met toujours trop de ce qui ne coûte rien. Si c'eft la force qui domine chez eux, ils feront quelquefois durs. Si

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c'est

c'eft la grandeur, ils feront quelquefois ou trés & romanefques. S'ils veulent être fins, délicats, ils feront de tems en tems fubtils & rafinés. Doux, ils feront moux, lâches, prefque infipides. Homère nous a peint cette vérité dans fes Héros. Leurs caractères font dans une vertu; & leurs vices dans l'excès de cette vertu.

Nous ne citerons de lui aucun morceau, parce qu'il eft affez connu, & que d'ailleurs nous n'avons déjà que trop de citations (a).

VII.

On examine le pfeaume 103 fur la création du monde.

ON ne nous pardonneroit pas de terminer cette partie, fans avoir donné aucun exemple du lyrique facré, qui l'emporte infiniment fur tous les profanes. David, difoit S. Jerôme, peut nous tenir lieu de tous les Grecs & de tous les Latins: David Simonides nofter, Pindarus, Alcæus, Flaccus quoque. C'est là qu'on trouve le beau idéal de l'ode, réalifé. Le grand, le doux, le trifte, le véhément, tout y eft dans la plus haute perfection. Que feroitce fi nous pouvions le goûter parfaitement

&

(a) ON a les meil-primé, chez Defaint & leures pièces de cet au- Saillant, rue Saint-Jean teur dans un petit vo- de Beauvais. lume élégamment im

& dans la langue originale, qui eft la plus énergique de toutes les langues?

Nous aurions placé ici le fameux cantique de Moïfe fur le paffage de la Mer rouge, tel que l'a donné M. Rollin, d'après M. Herfan. Le public en eût été mieux fervi: mais comme il a été examiné fur les règles de l'Eloquence, nous avons cru qu'il falloit en donner un autre morceau qui fût examiné fur les règles de la poéfie lyrique.

LE poète facré exprime dans le Pfeaume 103 fon admiration & fa reconnoiffance à la vue des ouvrages de Dieu. Ainfi la matière du poème eft le fentiment d'admiration; & l'objet de cette admiration eft la fageffe, la puiffance & la bonté de Dieu pour le genre humain.

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Début.

MON ame, beniffez le Seigneur.,, BENIR, c'eft louër, célébrer, remer cier un bienfaiteur.. David annonce le fentiment qui l'anime & qu'il va préfenter dans tout fon cantique. Mais comme ce fentiment tient aux objets qui le produifent; il préfente ces objets, pour préfenter en même tems le fentiment. On va les voir dans les tableaux fuivans, que nous avons

1. Benedic anima mea Domino.

féparés exprès, afin qu'on les vit avec plus de facilité & plus de netteté.

'Dieu environné de gloire. 1.99 Tablean.

Le ciel

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,,QUE votre grandeur a d'éclat ô mon Dieu! Quelle gloire, quelle majefté vous environne! Vous êtes entouré de lumière comme d'un vêtement.

IL faut que l'imagination s'arrête visà-vis de cette peinture, pour en fentir la magnificence. Le prophète voit Dieu avec toute fa gloire: il lui paroit environné de feux & de rayons éclatans: c'est le vêtement qui le couvre.

DAVID aïant fixé d'abord fes yeux fur Dieu même, & voulant parcourir fes ouvrages, devoit commencer par le ciel où brille fur-tout fa gloire: c'eft le second tableau.

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C'EST vous qui avez tendu, le ciel com& Dieu me un pavillon, dont les caux fupérieu-. qui y res font le toît. Vous montez fur les nuregne.2. Tablean.,, ées: vous marchez fur les aîles des vents: les orages font vos miniftres, & le feu brûlant exécute vos ordres. L'UNIVERS, fi on le compare à la gran

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رو

-Domine Deus meus, magnificatus es vehe

menter.

2 Confeffionem & decorem induifti, amictus lumine ficut veftimento.

3. Extendens cœlum ficut pellem: qui tegis aquis fuperiora ejus.

4. Qui ponis nubem afcenfum tuum, qut ambulas fuper pennas ventorum.

grandeur de celui qui l'a créé, n'eft qu'une tente qu'il a faite avec la plus grande facilité. Les eaux celeftes, c'est-à-dire, les nuages, felon quelques interprètes, forment une voûte immense un plafond de criftal qui l'embellit. C'est la fignification propre du terme hébreux. C'eft fous

ce dais fuperbe que Dieu vole d'un bout à l'autre de l'Univers, & qu'il y promène fa gloire. Les nuées lui fervent de chariot: quand il veut defcendre, il les abbaiffe; & les vents fout fes courfiers, c'eft fur leurs. alles qu'il marche. Il envoie fes miniftres, qui font les orages & le feu.. Faut-il foulever les flots, deffécher les mers, porter aux climats arides d'abondantes rofées ? Les vents partent & obéiffent. Faut-il dé vorer des villes adultères, confumer des nations rébelles? Le feu defcend & Dieu est vengé.

TENDRE le ciel eft d'une énergie admirable. Il peint la chofe, l'action & la facilité de celui qui agit. Vous montez fur les nuées, comme fur un char de triomphe. Mais quel char, qui porte Dieu dans le vague des airs! Marcher fur les ailes pour dire, être traîné par des courfiers aîlés:

5. Qui facis angelos tuos fpiritus, & miniftros tuos ignem urentem.

6. Qui fundalii terram fuper ftabilitatem fu. am: non inclinabitur in feculum fæculi.

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