De la terre des vivants, Comme la feuille séchée Qui, de sa tige arrachée, Devient le jouet des vents. Comme un tigre impitoyable, Le mal a brisé mes os; Et sa rage insatiable Ne me laisse aucun repos. Ainsi de cris et d'alarmes Je disais à la nuit sombre: Est le dernier de mes jours! Mon âme est dans les ténèbres, Mes sens sont glacés d'effroi : Et me fait trouver la vie Dans les horreurs du trépas. Seigneur, il faut que la terre. Puisé dans ses saints trésors; Dans les souffrances du corps! C'est pour sauver la mémoire De vos immortels secours; C'est pour vous, pour votre gloire, Que vous prolongez nos jours. Non, non, vos bontés sacrées Ne seront point célébrées Dans l'horreur des monuments; La mort aveugle et muette Ne sera point l'interprète De vos saints commandements. Mais ceux qui de sa menace, J'irai, Seigneur, dans vos temples ÉPIGRAMMES Le traducteur qui rima l'Iliade, Mais par son style, aussi triste que fade, Or, le lecteur, qui se sent affliger, Le donne au diable, et dit, perdant haleine: Hé! finissez, rimeur à la douzaine ! Vos abrégés sont longs au dernier point. Est-on héros pour avoir mis aux chaînes Ce monde-ci n'est qu'une œuvre comique Là, sur la scène, en habit dramatique, Par nous, vil peuple, assis aux derniers rangs, Par nous, d'en bas, la pièce est écoutée. LAMOTTE-HOUDART 1672 -1731 Une des périodes les plus ignorées de la littérature française est celle qui embrasse les trente premières années du XVIIIe siècle. Les grands poëtes classiques sont morts; les splendeurs du règne de Louis XIV s'éteignent dans la tristesse et le néant; les beaux esprits de la Régence ne semblent occupés que de plaisirs et de débauches; on dirait que la séve de l'intelligence s'arrête épuisée. Mais, en France surtout, la vie de l'esprit ne cesse jamais; sous une mort apparente croissent et se développent des germes inconnus; la pensée revêt des formes nouvelles appropriées à des hommes nouveaux. Le commencement du XVIII siècle fut un de ces moments de transition, et, par les résultats qui en devaient sortir, l'un des plus intéressants que présente notre histoire. Tandis que la duchesse du Maine faisait de sa cour de Sceaux le temple des galanteries délicates et des gracieuses frivolités, quelques sociétés d'hommes choisis commençaient à mêler aux conversations sur les lettres et les arts des discussions nouvelles sur l'homme et ses destinées, sur les peuples et les gouvernements. Ils s'exerçaient à l'observation exacte, à l'analyse des faits, à la précision scientifique du langage; ils appliquaient la doctrine du doute c'était le berceau de l'esprit philosophique. En même temps, Voltaire, qui devait donner son nom à son siècle et à ce mouvement nouveau des idées, préparait sa réputation par la Henriade et par la tragédie d'OEdipe. L'influence et l'autorité littéraires appartenaient alors à deux hommes. qui étaient loin de prévoir la supériorité de Voltaire : c'était Fontenelle et Lamotte-Iloudart. Liés de l'amitié la plus étroite, ils dirigèrent dans la même voie leur vie et leur talent. Tous deux, sans estimer, sans |