תמונות בעמוד
PDF
ePub

De la terre des vivants,

Comme la feuille séchée

Qui, de sa tige arrachée,

Devient le jouet des vents.

Comme un tigre impitoyable, Le mal a brisé mes os;

Et sa rage insatiable

Ne me laisse aucun repos.
Victime faible et tremblante,
A cette image sanglante,
Je soupire nuit et jour;
Et, dans ma crainte mortelle,
Je suis comme l'hirondelle
Sous les griffes du vautour.

Ainsi de cris et d'alarmes
Mon mal semblait se nourrir;
Et mes yeux noyés de larmes
Étaient lassés de s'ouvrir.

Je disais à la nuit sombre:
O nuit, tu vas dans ton ombre
M'ensevelir pour toujours!
Je redisais à l'aurore:
Le jour que tu fais éclore

Est le dernier de mes jours!

Mon âme est dans les ténèbres,

Mes sens sont glacés d'effroi :
Écoutez mes cris funèbres,
Dieu juste, répondez-moi.
Mais enfin sa main propice
A comblé le précipice
Qui s'entr'ouvrait sous mes pas:
Son secours me fortifie,

Et me fait trouver la vie

Dans les horreurs du trépas.

Seigneur, il faut que la terre.
Connaisse en moi vos bienfaits.
Vous ne m'avez fait la guerre
Que pour me donner la paix.
Heureux l'homme à qui la grâce
Départ ce don efficace

Puisé dans ses saints trésors;
Et qui, rallumant sa flamme,
Trouve la santé de l'âme

Dans les souffrances du corps!

C'est pour sauver la mémoire De vos immortels secours; C'est pour vous, pour votre gloire, Que vous prolongez nos jours. Non, non, vos bontés sacrées Ne seront point célébrées Dans l'horreur des monuments; La mort aveugle et muette Ne sera point l'interprète De vos saints commandements.

Mais ceux qui de sa menace,
Comme moi, sont rachetés,
Annonceront à leur race
Vos célestes vérités.

J'irai, Seigneur, dans vos temples
Réchauffer par mes exemples
Les mortels les plus glacés,
Et, vous offrant mon hommage,
Leur montrer l'unique usage
Des'jours que vous leur laissez.

[ocr errors]

ÉPIGRAMMES

Le traducteur qui rima l'Iliade,
De douze chants prétendit l'abréger:

Mais par son style, aussi triste que fade,
De douze, en sus, il a su l'allonger.

Or, le lecteur, qui se sent affliger,

Le donne au diable, et dit, perdant haleine:

Hé! finissez, rimeur à la douzaine !

Vos abrégés sont longs au dernier point.
Ami lecteur, vous voilà bien en peine:
Rendons-les courts en ne les lisant point,

Est-on héros pour avoir mis aux chaînes
Un peuple ou deux? Tibère eut cet honneur.
Est-on héros en signalant ses haines
Par la vengeance? Octave eut ce bonheur.
Est-on héros en règnant par la peur?
Séjan fit tout trembler, jusqu'à son maître.
Mais de son ire éteindre le salpêtre,
Savoir se vaincre, et réprimer les flots
De son orgueil, c'est ce que j'appelle être
Grand par soi-même; et voilà mon héros!

Ce monde-ci n'est qu'une œuvre comique
Où chacun fait des rôles différents.

Là, sur la scène, en habit dramatique,
Brillent prélats, ministres, conquérants.

Par nous, vil peuple, assis aux derniers rangs,
Troupe futile et des grands rebutée,

Par nous, d'en bas, la pièce est écoutée.
Mais nous payons, utiles spectateurs;
Et, quand Ja farce est mal représentée,
Pour notre argent nous sifflons les acteurs.

LAMOTTE-HOUDART

1672 -1731

Une des périodes les plus ignorées de la littérature française est celle qui embrasse les trente premières années du XVIIIe siècle. Les grands poëtes classiques sont morts; les splendeurs du règne de Louis XIV s'éteignent dans la tristesse et le néant; les beaux esprits de la Régence ne semblent occupés que de plaisirs et de débauches; on dirait que la séve de l'intelligence s'arrête épuisée. Mais, en France surtout, la vie de l'esprit ne cesse jamais; sous une mort apparente croissent et se développent des germes inconnus; la pensée revêt des formes nouvelles appropriées à des hommes nouveaux. Le commencement du XVIII siècle fut un de ces moments de transition, et, par les résultats qui en devaient sortir, l'un des plus intéressants que présente notre histoire.

Tandis que la duchesse du Maine faisait de sa cour de Sceaux le temple des galanteries délicates et des gracieuses frivolités, quelques sociétés d'hommes choisis commençaient à mêler aux conversations sur les lettres et les arts des discussions nouvelles sur l'homme et ses destinées, sur les peuples et les gouvernements. Ils s'exerçaient à l'observation exacte, à l'analyse des faits, à la précision scientifique du langage; ils appliquaient la doctrine du doute c'était le berceau de l'esprit philosophique. En même temps, Voltaire, qui devait donner son nom à son siècle et à ce mouvement nouveau des idées, préparait sa réputation par la Henriade et par la tragédie d'OEdipe.

L'influence et l'autorité littéraires appartenaient alors à deux hommes. qui étaient loin de prévoir la supériorité de Voltaire : c'était Fontenelle et Lamotte-Iloudart. Liés de l'amitié la plus étroite, ils dirigèrent dans la même voie leur vie et leur talent. Tous deux, sans estimer, sans

« הקודםהמשך »