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naturelle, surtout en littérature: je n'arrive à quelque chose qu'avec de longs efforts; je refais vingt fois la même page, et j'en suis toujours mécontent: mes manuscrits et mes épreuves sont, par la multitude des corrections et des renvois, de véritables broderies dont j'ai moi-même beaucoup de peine à retrouver le fil1. Je n'ai pas la moindre confiance en moi; peut-être même ai-je trop de facilité à recevoir les avis qu'on veut bien me donner; il dépend presque du premier venu de me faire changer ou supprimer tout un passage: je crois toujours que l'on juge et que l'on voit mieux que moi.

Pour accomplir ma tâche, je me suis environné de toutes les Disquisitions des Scoliastes; j'ai lu toutes les traductions françaises, italiennes et latines que j'ai pu trouver. Les traductions latines, par la facilité qu'elles ont à rendre littéralement les mots, et à suivre les inversions, m'ont été très utiles.

J'ai quelques amis que depuis trente ans je suis accoutumé à consulter : je leur ai encore proposé mes doutes dans ce dernier travail; j'ai reçu leurs notes et leurs observations; j'ai discuté avec eux les points difficiles; souvent je me suis rendu à leur opinion; quelquefois ils sont revenus à la mienne. Il m'est arrivé, comme

1 C'est l'excuse pour les fautes d'impression si nombreuses dans mes ouvrages. Les compositeurs fatigués se trompent, malgré eux, par la multitude des changemens, des retranchemens ou des additions. On trouvera à la fin de ces volumes un ERRATA: j'y ai signalé les fautes les plus frappantes. Je remarque que dans la traduction de Louis Racine (1755) l'ERRATA a deux pages.

à Louis Racine, que des Anglais m'ont avoué ne pas comprendre le passage sur lequel je les interrogeais. Heureux encore une fois ces esprits qui savent tout et n'ont besoin de personne ; moi, faible, je cherche des appuis et je n'ai point oublié le précepte du maître :

Faites choix d'un censeur solide et salutaire
Que la raison conduise et le savoir éclaire,
Et dont le crayon sûr d'abord aille chercher

L'endroit que l'on sent faible et qu'on se veut cacher.

Dans tout ce que je viens de dire, je ne fais point mon apologie, je cherche seulement une excuse à mes fautes. Un traducteur n'a droit à aucune gloire; il faut seulement qu'il montre qu'il a été patient, docile et laborieux.

Si j'ai eu le bonheur de faire connaître Milton à la France, je ne me plaindrai pas des fatigues que m'a causées l'excès de ces études : tant il y a cependant que, pour éviter de nouveau l'avenir probable d'une vie fidèle, je ne recommencerais pas un pareil travail; j'aimerais mieux mille fois subir toute la rigueur de cet avenir.

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BOOK THE FIRST.

LIVRE PREMIER.

THE VERSE.

"THE measure is English Heroick Verse without Rime, as that of Homer in Greek, and of Virgil in Latin; Rime being no necessary Adjunct or true Ornament of Poem or good Verse, in longer Works especially, but the Invention of a barbarous Age, to set off wretched matter and lame Metre; graced indeed since by the use of some famous modern Poets, carried away by Custom, but much to their own vexation, hindrance, and constraint, to express many things otherwise, and for the most part worse, then else they would have expressed them. Not without cause, therefore, some both Italian and Spanish Poets of prime note have rejected Rime both in longer and shorter Works, as have also, long since, our best English Tragedies; as a thing of itself, to all judicious ears, trivial and of no true musical delight, which consists only in apt Numbers, fit quantity of Syllables, and the sense variously drawn out from one verse into another, not in the jingling sound of like endings, a fault avoided by the learned Ancients both in Poetry and all good Oratory. This neglect then of Rime so little is to be taken for a defect, though it may seem so perhaps to vulgar Readers, that it rather is to be esteem'd an example set, the first in English, of ancient liberty recover'd to Heroick Poem from the troublesome and modern bondage of Riming.

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VERS.

Le vers héroïque anglais consiste dans la Mesure sans rime, comme le vers d'Homère en grec et de Virgile en latin : la rime n'est ni une adjonction nécessaire, ni le véritable ornement d'un poème ou de bons vers, spécialement dans un long ouvrage; elle est l'invention d'un âge barbare, pour relever un méchant sujet ou un mètre boiteux. A la vérité elle a été embellie par l'usage qu'en ont fait depuis quelques fameux poètes modernes, cédant à la coutume; mais ils l'ont employée à leur grande vexation, gêne et contrainte, pour exprimer plusieurs choses (et souvent de la plus mauvaise manière) autrement qu'ils ne les auraient exprimées. Ce n'est donc pas sans cause que plusieurs poètes du premier rang, italiens et espagnols, ont rejeté la rime des ouvrages longs ou courts. Ainsi a-t-elle été bannie depuis long-temps de nos meilleures tragédies anglaises, comme une chose d'elle-même triviale, sans vraie et agréable harmonie pour toute oreille juste. Cette harmonie naît du convenable nombre, de la convenable quantité des syllabes, et du sens passant avec variété d'un vers à un autre vers; elle ne résulte pas du tintement de terminaisons semblables; faute qu'évitaient les doctes anciens, tant dans la poésie que dans l'éloquence oratoire. L'omission de la rime doit être comptée si peu pour un défaut (quoiqu'elle puisse paraître telle aux lecteurs vulgaires), qu'on la doit regarder plutôt comme le premier exemple offert en anglais de l'ancienne liberté rendue au poème héroïque affranchi de l'incommode et moderne entrave de la rime.

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