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KERKABON.

Et son honneur? J'entends celui de d'Assas. Ignorez-vous que l'honneur est plus cher à un brave militaire que la vie; qu'il forme la partie la plus précieuse de son être moral; et que, si l'on entend par amour-propre ce sentiment si naturel qui nous porte à nous considérer nous-mêmes dans toutes nos actions, d'Assas ne fit qu'obéir à ce principe en sauvant son honneur aux dépens de ses jours.

FREEMAN.

Vous ne croyez donc pas à la vertu?

KERKABON.

J'y crois d'autant plus, que ce mot ne présente pas à mon esprit une idée vague, et que je n'ignore pas en quoi elle consiste.

FREEMAN.

Eh quoi! vous croyez que l'amour-propre est la cause de nos vertus?

KERK ABON.

Sans doute. Mais écartons d'abord ce terme d'amour-propre, qui se prend par les personnes irréfléchies dans un sens différent de sa véritable acception. Disons l'amour de soi. C'est de ce principe, éclairé par la raison et fondé sur la nature, que dérive tout ce qu'il y a de beau et de moral dans la vie humaine. La nature nous a mieux traités que nous ne le pensons; c'est elle qui a mis dans notre cœur ces douces affections qui nous attachent à notre famille, à nos amis, à nos concitoyens, enfin à tous les êtres qui lèvent comme nous un regard sublime vers le ciel. Le remords, qui poursuit le meurtrier dans les ténèbres, le remords incorruptible, qui jonche d'épines le lit de pourpre, et rend amer le repas fastueux du crime opulent; l'amour de la gloire, source des hautes pensées et des grandes actions; l'instinct, qui nous fait voler au secours de l'homme menacé d'un danger imminent; la raison, qui nous apprend à distinguer le bien et le mal; tous les bons sentiments dont nous sommes animés forment

une partie de nous-mêmes; nous ne pouvons nous en détacher. Quand nous obéissons à l'action qu'ils exercent sur nous, nous éprouvons une satisfaction paisible, une volupté intérieure qui nous rend heureux, et qui est la première récompense de la vertu. Interrogez cette mère dévouée; elle paraît abandonner tous les plaisirs, et se sacrifier pour un enfant qui ne peut l'entendre, mais qui peut lui sourire. Demandez -lui si ce n'est pas là le bonheur. Ce qui vous semble un sacrifice, une abnégation absolue de soi-même, est pour elle une jouissance véritable, une félicité sans bornes. Son enfant, c'est elle. Ainsi, nous agissons toujours par un intérêt personnel, même dans les actions qui paraissent les plus désintéressées. Mais d'où vient que ce même principe produit tant de calamités? C'est qu'il est mal entendu; c'est qu'il est obscurci par les passions mauvaises ; c'est que l'homme s'est identifié avec une foule d'objets dont la jouissance ne peut constituer un bonheur réel. Ces hommes qui passent devant vous, quelle croyez-vous que soit leur existence? L'un ne respire que l'espérance

passionnée de la fortune, c'est un joueur; l'autre existe dans le coffre-fort qui renferme ses richesses, c'est un avare; celui-ci, dans l'idée toujours active du pouvoir et des honneurs, c'est un ambitieux; celui-là dans les applaudissements d'une tourbe insensée, c'est un charlatan. C'est donc l'amour de soi, appliqué à des objets indignes de ce sentiment, qui rend les hommes coupables, malheureux, et qui trouble le repos des sociétés. Qu'est-ce que la vertu? C'est l'amour de soi, placé dans de nobles sentiments, et produisant des résultats utiles. Éclairez donc les hommes, vous les rendrez meilleurs; apprenez-leur à ne s'identifier qu'avec les choses approuvées par la raison et par la nature. Surveillez dès l'enfance les progrès de cette précieuse identité; apprenez-leur à s'aimer dans leur patrie, dans leurs familles, dans l'honneur, dans l'exercice des vertus propres à leur condition; vous aurez des magistrats incorruptibles, des guerriers humains et intrépides, de bons pères de famille, de chastes épouses, des riches bienfaisants, des citoyens. honnêtes et industrieux.

Kerkabon allait continuer son discours, lorsque nous fûmes interrompus par l'arrivée du major Floranville. Il nous avait aperçus de loin, et nous aborda pour nous montrer, d'un air mystérieux, une jeune femme assise au pied de la statue de Diane. Je ne sais ce qu'il me dit à l'oreille d'un air très satisfait de lui-même; j'étais occupé des idées du philosophe breton, et, quoique ses raisonnements ne me parussent pas sans réplique, ils m'excitaient à penser, et c'est dans cette disposition d'esprit que je revins à mon loge

ment.

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