תמונות בעמוד
PDF
ePub

héritier que lui, ne se faisait un plaisir de suppléer à ses besoins, ou plutôt à ses fantaisies.

Il fait peu de cas des livres, et en parle souvent d'une manière un peu leste, ce qui donne. de l'humeur à Duhamel. Le major prétend qu'un homme qui connaît le monde n'a pas besoin d'autre science, et qu'il est en état de parler de tout avec connaissance de cause. Quant à lui, ses lectures se bornent au journal des modes, et aux feuilletons de M. Duvicquet, dont il admire l'esprit, le goût et l'impartialité.

Comme Floranville est, suivant sa propre expression, un homme répandu, et qu'il passe sa vie dans les salons et dans les coulisses, nous le voyons rarement. Toutefois, il a de l'amitié pour nous, et sa présence nous est agréable, parce qu'il ne manque ni de gaîté, ni d'esprit, et qu'il a même quelquefois du bon sens. C'est lui qui nous instruit de toutes les nouvelles du jour; il est profondément versé dans les intrigues de théâtre; il connaît

toutes les actrices, et il ne tient pas à lui que nous ne croyions qu'il est fort avant dans leurs bonnes grâces. Sans le major, nous ignorerions une foule de choses importantes, telles que la chute ou le succès d'un vaudeville, le début d'une danseuse, l'indisposition d'un acteur, l'arrivée d'une basse ou d'un violon distingué. Il joue lui-même joliment de la flûte; mais il s'en abstient depuis quelques années, pour ne pas faire de peine à M. Berbiguier.

D'après ce que je viens de dire, on se doute aisément que sa morale n'est pas aussi sévère que celle de notre ami Duhamel. Cependant il se pique d'être homme d'honneur ; il s'est battu une fois en duel, parce qu'il s'imaginait qu'un officier d'un autre régiment que le sien le regardait de travers: il ne reconnut que son antagoniste était louche qu'après lui avoir passé son épée au travers du corps.

L'un de ses plus grands plaisirs est de nous raconter ses bonnes fortunes; il ne tarit jamais sur ce sujet, quoiqu'il soit vertement tancé par Kerkabon lorsqu'il lui échappe

quelques expressions peu favorables à l'honneur du beau sexe. Je ne m'étendrai pas davantage sur son caractère, qui se développera suffisamment dans la suite, et fournira la matière de quelques uns de mes chapitres. Quant à moi, comme il faut avoir quelque chose en réserve pour soutenir l'attention du lecteur, je ne me ferai connaître plus particulièrement que lorsque je pourrai placer ma figure dans un cadre avantageux.

CHAPITRE II.

L'AMOUR-PROPRE.

Je me rendis lundi dernier chez Kerkabon, que je trouvai sur le point d'aller faire une promenade aux Tuileries. Je le suivis. Chemin faisant, nous aperçûmes sur le quai Voltaire un petit homme occupé à examiner quelques vieux livres.

« Ecartons-nous, me dit le philosophe : je crains que cet homme ne jette les yeux sur nous; je le connais, c'est un auteur.

[ocr errors]
[ocr errors]

Que craignez-vous? répondis-je aussitôt; il n'a pas l'air très redoutable.

- Eloignons-nous bien vite, répéta mon compagnon de promenade. Ne voyez-vous

pas cet énorme rouleau de papiers qui sort en partie de sa poche gauche ? cette vue me fait frissonner. C'est, je gage, un nouveau poème descriptif de sa façon; et si, par malheur, il m'apercevait, nous serions forcés d'en entendre la lecture jusqu'au dernier hémistiche; rien ne pourrait nous sau

ver. »

Alors nous doublâmes le pas jusqu'à ce que nous fussions hors de la portée du petit métromane.

Mon ami me cita quelques vers d'Horace sur cette maladie incurable des auteurs. Je me préparais à les commenter avec amertume, lorsqu'il m'imposa silence, en disant :

<< Ne soyons pas trop sévères, l'indulgence est un des premiers principes de toute bonne philosophie. Vous êtes trop caustique, Freeman; c'est un défaut dont je veux vous corriger. Je vois que vous avez toutes les peines du monde à retenir le sarcasme qui voudrait s'échapper de vos lèvres. Croyez-moi, avant de blâ

« הקודםהמשך »