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n'a encore rien de particulier, rien d'uniquement propre à Swift, rien qui ne se rencontre en même temps chez les autres humoristes. Ou, du moins, l'élément swiftien ne serait représenté là que par une plus grande abondance de traits anormaux, que par une plus parfaite aisance dans un naturel inverti: il ne consisterait là qu'en une supériorité. Qu'en une différence de degré. Mais si le procédé humoristique relève, là encore, du type général, il n'en est peut-être pas tout à fait de même du but poursuivi: le dévêtement universel. Il est vrai que tous les humoristes cherchent à nous montrer la vérité sous le mensonge ou, ce qui revient au même, le mensonge sous la vérité, et à nous faire parcourir avec eux la Foire mondiale aux vanités, mais Swift s'est spécialisé dans une poursuite plus hâtive et plus efficace des illusions et il a trouvé dans le mythe le plus puissant des auxiliaires, le mythe éolien, l'estétomorphisme, le « mythe animal » enfin qui englobe les deux premiers en combinant avec eux d'autres conceptions essentielles. Le mythe animal ne se borne pas en effet, nous l'avons vu, à la représentation de l'homme sous les traits d'un animal quelconque, mais consiste plutôt dans la dissociation de cet être regardé comme indivisible en un certain nombre d'aspects, tour à tour animaux ou mécaniques. L'homme-habit, l'homme outregonflée de vent, sont des créations de ce mythe au même titre que l'homme à tête d'âne, le freluquet dépecé ou le Yahoo nauséabond et dément de la Section IX. Le mythe animal participe lui-même de la mise à nu: il soulève un pan du manteau respectable et trompeur de l'homme pour faire brusquement apparaître la bête ou la machine, la laideur obscène ou l'ineffable frivolité. Le mythe est image et idée; cette double nature rend compte à la fois de sa puissance de hantise et de sa valeur explicative: par la précision que lui apporte l'image, le trait humoristique devient à la fois plus inoubliable et plus mordant, par le petit nombre et l'universalité de ces mêmes images fondamentales, l'humour swiftien acquiert une signification philosophique, paradoxale, mais difficile à éliminer du cercle rigide où Swift enferme sa vision, car elle s'y fonde avec simplicité sur la ruine des certitudes élémentaires. A la certitude de contempler un beau visage de femme, Swift substitue celle de savoir que sa beauté ne réside qu'en une trompeuse pellicule sanguinolente et hideuse par dessous; à la certitude de croire et de prier, celle de ne voir dans les dogmes et les rites que les inventions de l'imposture ou de la folie; à la certitude de penser et de « raisonner » celle de ne sentir dans la pensée et la raison qu'un afflux d'ordurières vapeurs au

cerveau. L'humour de Swift a donc sa logique à lui qui dément celle de la raison, une logique qu'il suffit à imposer à la pensée de Swift tout entière. Car cette pensée est régie, nous l'avons vu chaque fois, par la force interne de l'image, par le mythe qui se nourrit d'idées, sans doute, mais qui les assimile entièrement, qui leur imprime son caractère et son mouvement propre. Mais, et c'est là peut-être ce qu'il y a de plus déconcertant dans la pensée de Swift, l'imagination n'est pas chez lui une force aveugle, emportant tout sur son passage comme un torrent déchaîné; elle est au contraire, et essentiellement, une force disciplinée, guidée par une volonté sûre, illuminée par l'intelligence. Le mythe se déroule avec ampleur, mais sans violences et sans écarts, il s'impose sa propre loi, et n'en observe que mieux pour cela les limitations et les contraintes; il est lui-même une explication, un système et, à ce titre, redoute les contradictions, les inconséquences. Il se substitue à la science, à la philosophie, à la logique, mais se pique, dans sa dissidence et sous sa formule nouvelle, d'être aussi logique avec soi-même que peuvent l'être la science et la philosophie. Il n'en sera peut-être pas toujours ainsi, ou pas au même degré, dans d'autres œuvres de Swift où l'imagination pourra se laisser entraîner plus tard par certaines de ses tendances favorites. Mais dans le Conte du Tonneau, l'humour est caractérisé par une admirable régularité d'allure et une pleine possession de soi; par une harmonie impressionnante de toutes les forces cérébrales de l'auteur, par un complet assentiment de l'intelligence et de la volonté à cette chevauchée sur les ailes du mythe et par une parfaite docilité de ce Pégase puissant. Mythe et humour, là, sont inséparables, et inséparables aussi de toute pensée. Aussi toute pensée swiftienne prend-elle à partir d'un certain degré de profondeur la forme mythique, et cette forme mythique constitue par elle-même une expression humoristique: l'homme est un manche à balai marchant sur la tête et dressant ses pieds vers le ciel ; le monde, une vaste défroque bariolée; la philosophie, la religion, un peu de vent dans une sorte de vessie. Ainsi, vouloir étudier spécialement ici l'humour de Swift, ce serait recommencer toute l'étude que nous venons de faire et retourner à nouveau le balai sur le bout de son manche. L'humour imprègne tout le Conte du Tonneau, en colore toutes les conceptions, en façonne toute la philosophie; c'est lui qui fait l'attrait littéraire de l'ouvrage, ou, plus exactement, comme nous avons dit, qui en constitue l'attirance, qui séduit par l'appât d'une joie spirituelle et ne laisse après lui qu'une amère saveur, qui, sans s'adresser au cœur ni aux sens, attriste la chair autant que l'intelli

AMERTUME FINALE DE CET HUMOUR

397

gence, qui ne connaît d'autre sérénité que celle d'une constatation irrécusable et sans appel et ignore même le sourire de l'indulgence ou du détachement. Mais le désespoir qui pourra poindre plus tard n'apparaît nullement dans le Conte: nous demeurons avec son auteur dans une position d'attente indéfinie, d'une attente rebelle à se qualifier, à porter un jugement sur elle. En cela, l'humour de Swift pousse plus loin que tout autre humour l'effort de duperie tenté sur les autres et sur soi-même. Parce qu'en lui l'ardeur mythique l'emporte sur la simple recherche du trait, sur le désir de piquer ou de frapper, mais aussi parce que le mythe est pourvu en lui d'un ressort comique simple et puissant. Swift est le plus dramatique des humoristes parce qu'il est le premier des humoristes métaphysiciens, métaphysicien par son attitude anti-métaphysique même (laquelle ne constitue pas un agnosticisme, mais un « anti-gnosticisme » résolu), par son partipris de tout réduire aux causes secondes — et à des causes secondes régies par une mécanique absurde. Aussi laisse-t-il encore loin derrière lui celui qui en plein XIXe siècle voudra l'imiter et le dépasser, chargé d'une bien plus massive idéologie, mais dépourvu de l'acuité simple de son regard, de cette pénétration encore accrue dans un champ plus limité, mieux découpé par des œillères plus nettes. Par sa vertu mythique, la vision humoristique de Swift reste une des plus obsédantes que l'humanité ait connues, et l'impression dominante, au sortir de cette œuvre, est celle d'une sérénité volontaire et obstinée, niant l'angoisse et s'efforçant laborieusement à la rejeter hors d'elle-même, impression comparable à celle qu'on éprouverait devant un ciel orageux d'où les nuages auraient été refoulés très bas, à l'horizon, laissant au centre un paradoxal et vaste gouffre bleu, égal et intense, totalement dénué d'étoiles et de soleil, et d'où le regard ne pourrait s'évader qu'en traversant à nouveau, au-dessous de lui, la zone de « soufre et de feu». Vision surprenante de notre ciel humain, unissant de manière unique l'ampleur des spectacles cosmiques au tumulte circonscrit des scènes terrestres. C'est assez pour donner un sens plein aux paroles sans morgue, presque humbles, prononcées trente ans plus tard par Swift sur cette œuvre sortie de lui depuis si longtemps: Good God, what a genius I had when I wrote that book.

INDEX ALPHABÉTIQUE.

A

Adaéceim 20, 388.

Addison 21, 81, 123, 151.
Aitken (George-A.) 95 (et n. 2),
124 (n. 3).

« Alletz » 65 (n. 1).

Amory (Thomas) 30–34 (et notes), 38.
Anaxagore 322.
Anaximandre 368.
Anaximène 368.
Angellier 1, 394 (n.).
Anne (Reine) 26.
Apollonius de Tyane 387.
Aquin (St-Thomas d') 277, 285.
Arber (Edw.) 303 (n. 2).
Arbuthnot 51 (n. 1), 125 (n. 2),
172, 180, 251, 308, 309, 357, 359
(et n.), 362-363, 380 (n.).
Archimède 268.

Ariel 363.

Arioste 305.

Aristophane 360, 380 (n. 1).
Aristote 127-128 (et notes), 277,
328, 368.

Ashe (Dr) 18 (n. 5), 96 (n. 1), 123-
125.

Atkinson (Geoffroy) 101 (et n. 1),
214 (n. 1), 216 (n. 1), 327 (n. 2).
Athénienne (Société
Lettre à la)

159 (et n. 3).

(Ode à la, voir: « Ode »).
Atlantide (Nouvelle) 215.
Autobiographique (Fragment) 6-7,
28 (n. 2), 79, 114 (n. 1), 159 (n. 4),
160, 174 (n. 2), 202.

B

Bacon 125 (et n. 1), 127, 215, 277,
285, 378.

Baldensperger (F.) 394 (n.) et IV.
Ball (Elrington) 7 (n. 1), 19 (et
n. 4). 74 (n. 3), 93 (n. 4), 95, 98
(n. 1), 102-104 (et notes), 114
(n. 5), 128 (n. 1), 164 (et n. 3),
181 (n. 2), 204, 217 (n.), 239 (n.),
295 (n. 2).

Ballantyne. Voltaire's visit to Eng-
land 41 (n.).

Barber (Alderman) 10 (n. 2).
Barber (Mrs) 10 (et n. 4), II (et
n. 1), 103.

Barrett (Dr) 58-60 (et notes),

74

(n. 3), 129, 130, 131, 132 (n. 2), 133.
Barnes (Joshua) 215.

Bataille des Livres 46 (n. 3), 65

(n. 1), 110.

Bathurst (Lord) 23 (n. 1).
Battan (Dr) 89 (n. 2).
Battifol 332 (n. 1), 341 (n.)

Bayle (Pierre) 43 (n.), 305 (n. 2).
Beddoes (Dr) 54, 57-58 (et notes),
65.

Beddoes (Thomas Lowell) fils du
Dr Beddoes 57 (n. 2).
Bellarmin 277.

Beljame (Alex.) 261 (n. 5).

Bentley (Richard) 258, 260-266, 273,
278-281, 292, 345, 379 (n.).
Bergson 394 (n. 1).

Berkeley (George, Bishop) 96 (n. 1),
119 (et n. 4), 124-126 (et n.).

INDEX ALPHABÉTIQUE

Berkeley (Lord) 103 (n. 3), 125
(n. 2), 159 (n. 2), 225 (et n. 3), 226
(et n. 2), 239 (n.), 345.

Berkeley (Lady) 56, 67, 228-230, 325.
Berkeley (Monck). Voir: Monk- Ber-
keley.

Bernard (Bishop) VII, 19 (n. 2, 3, 4),
96 (n. 3), 98-99 (et n.).

Bernier 214.

Berwick 63 (n. 3), 71 (n. 1).
Bettesworth (Sergeant) 66.
Bibliothèque Britannique 42 (n.).
Boccace 305 (et n. 1), 307 (n. 1).

Boehme (Jacob) 375 (et n. 1).
Boiardo (Le) 305.

Boileau (Despéaux) 276 (et n. 3).
Bolingbroke 217, 226 (n. 1).

Bolton (Archb.) 67 (et n. 2), 75
(n. 1), 96 (n. 2).

Bolton (John) 75 (n. 1), 225.
Bonnard 303 (n. 2).

Boulter 47 (n. 3).

Borkowski 100, IOI (et n.), 215
(n. 2).

Bossuet (Elévation sur les Mystères)

375.

Boswell 46 (n. 1-2), 47 (n. 1), 49-50
(n.).

Boyle (Charles) 22 (n. 4), 257-258,
262, 270 (et n. 4), 277-280.
Boyle (John, 5th Earl of Orrery.
Cf. « Orrery »).

Boyle (Hamilton) 13.
Boyle (Robert) 228 (n. 3).
Bowyer 34 (n. 1), 51 (n. 2).
Blackmore («Prince Arthur « de) 214.
Bradshaigh (Lady Letter to) 59,
129, 160.

-

Brennan (Richard) 57 (et n. 1).
Brent (Mrs) 45 (n. 2), 95.
Brown (Tom) 216 (n. 3), 302.
Browne (Dr Peter) 125, 157.
Browne (Sir Thomas) 217, 321.
Browning (W. E.) 103 (et n. 5).
Bruno (Giurdano) 285.

Buckingham 132, 265 (no 1), 301-302.
Bucknill (Dr) 89 (n. 1), 91-92 (et
notes).

Buncle (John) 30 (n. 2).
Burgersdicius 128.

399

Burnet (Bishop) 212 (n. 2), 214, 345,
359 (n.).

Burnet (History of My Own Time)
212 (n. 2), 214, 222 (n. 3), 225
(n. 2).

Burns I.

Burton (Robert) 369, 378.

Bush 51 (n. 1), 227, 228, 345.
Butler (Samuel) 228 (n. 3), 313,
314 (n. 1).

a

Cadenus II, 18 (n. 2), 78, 104.
Calejava (Histoire de) 216 (n. 1).
Callières (François de) 46 (n. 3), 65
(n. 1). 272-274.
Calvin 127 (n. 2).
Camden 214.

Campanella 215, 379.
Canterbury 6 (n. 2).
Capel (Lord) 197.
Caroline (Queen) 47.
Carlyle 326.

Carteret (Lord) 23 (et n. 1), 125
(n. 2).

Cazamian IV, 394 (n.).

Cellbridge 18 (et n. 2), 68, 80.

Cervantes 219 (Don Quichotte 367).
Challemel-Lacour 85 (n. 1).
Chalmers 71 (et n. 3), 73 (n. 1).
Chasles (Philarète 82 (n.)
Chaucer 231.

Chauffepié (Dictionnaire de) 43 (n.).
Cherbury (Lord Herbert de) 214.
Chetwode (Knightley) 95 (et n. 3)
Cibber (Colley) 8 (n. 3), 13 (n. 1).
Cibber (Théophile) 13 (n. 1).
Cicéron 214.

Clifford (Martin) 301.
Collier (Jeremy) 214.

Collins (Churton) 5 (n. 1), 8, 16, 25
(et n. 3), 41 (n.), 85-88 (et notes),
93 (n. 2 et 4), 236 (n. 1), 248, 249,
253 (n. 1).

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