תמונות בעמוד
PDF
ePub

développement des devoirs & des droits réciproques des nations. En effet comme les hommes font naturellement égaux, & que les nations ne font que des compofés d'hommes, confidérées comme autant de perfonnes morales qui jouiffent d'une liberté parfaite; il s'enfuit qu'elles doivent fe regarder comme naturellement égales. La puiffance ou la foibleffe de quelquesunes d'entr'elles, ne produifent à cet égard aucune différence: comme un nain eft auffi bien un homme qu'un géant ainfi une petite République n'eft pas moins un Etat fouverain que le plus puiffant Royaume; & par conféquent tous les droits que les grands Royaumes de France, d'Efpagne s'attribuent, conviennent auffi aux Républiques de Lucques & de St. Marin; & tous les devoirs dont ces Républiques font obligées de s'acquitter, n'obligent pas moins les Royaumes de France & d'Efpagne.

L'on comprendra encore mieux cette égalité des nations, fi l'on fait attention que par l'établiffement de la fociété civile, les hommes, loin de céder aucuns de leurs droits, ont au contraire eu en vue de fe les affurer. Ainfi un corps politique n'eft proprement qu'un compofé d'hommes, qui confervant tous leurs droits naturels, ont établi des moyens sûrs pour

les faire valoir contre tout injufte agreffeur. Or ces moyens ne regardent que la fociété particuliere qui les a établis, & qui n'a pas voulu ni pú y obliger les autres hommes qui ne fe trouvoient pas compris dans cette même fociété. Ainfi la conftitution qui affure, par exemple, aux Lucquois leurs droits, n'eft pas la même que celle qui procure le même avantage

Efpagnols; donc point de convention entr'eux, point de fociété que celle que la nature elle-même y a établie. Donc ils fe trouvent entr'eux dans un état de nature d'une égalité parfaite, & d'une entiere indépendance.

[ocr errors]

Et comme l'égalité eft le fondement de l'équité, fuivant la judicieuse remarque de Séneque, (*) c'eft méconnoître cette égalité naturelle des nations entr'elles que de violer la juftice que chacune doit aux autres, puifque la fociété humaine, bien loin d'être une communication de fecours & de bons offices, ne feroit plus qu'un vafte brigandage, fi l'on n'y refpectoit pas cette vertu qui rend à chacun le fien. Mais elle eft plus néceffaire encore entre les nations qu'entre les particuliers : parce que l'injustice. a des fuites plus ter

(*) Epic. XXX.

ribles dans les démêlés de ces puiffans corps politiques, & qu'il eft plus difficile

d'en avoir raison.

Toutes les nations font donc étroitement obligées à cultiver la juftice entre elles, à l'obferver fcrupuleufement, à s'abftenir avec foin de tout ce qui peut y donner atteinte. Chacune doit rendre aux autres ce qui leur appartient, refpecter leurs droits & leur en laiffer la paifible · jouiffance. Obligation qui fonde dans chaque nation le droit d'empêcher qu'on lui enleve aucune de fes prérogatives, ni rien de ce qui lui appartient légitimement; car en s'y oppofant il ne fait rien que de conforme à tous fes devoirs, & c'est en quoi confifte le droit.

Ce droit eft parfait, c'eft-à-dire accompagné de celui d'ufer de force pour le faire valoir. En vain la nature nous donneroit-elle le droit de ne pas fouffrir l'injustice, en vain obligeroit-elle les autres à être juftes à notre égard, fi nous ne pouvions légitimement ufer de contrainte quand ils refufent de s'acquitter de ce devoir. Le jufte fe verroit à la merci de la cupidité & de l'injustice, tous ces droits lui deviendroient bientôt inutiles. Et delà naiffent comme autant de branches : 1o. le droit d'une jufte défenfe qui appartient à toute nation, ou le droit d'opposer

la force à quiconque attaque fes membres, fes propriétés ou fes droits. C'est le fondement de la guerre défenfive. 2°. Le droit de fe faire rendre juftice par la force fi on ne peut l'obtenir autrement, ou de pourfuivre fon droit à main armée. C'est le fondement de la guerre offenfive. L'injuftice faite fciemment eft fans doute une léfion on eft donc en droit de s'en pro curer la réparation. Le droit de ne pas fouffrir une injuftice, eft une branche du droit de sûreté: droit fi facré pour chaque nation.

Ce droit que les nations ont de punir les injuftices eft général; c'est-à-dire que s'il y avoit une nation qui fit ouvertement profeffion de fouler aux pieds la justice, méprifant & violant les droits d'autrui, toutes les fois qu'elle en trouveroit l'occafion, l'intérêt de la fociété humaine autoriferoit toutes les autres à s'unir pour la réprimer & la châtier. Il eft vrai qu'il n'eft pas permis aux nations de s'ériger en juge les unes des autres." Et dans les cas particuliers & fufceptibles du moindre doute, on doit fuppofer que chacune des parties peut avoir quelque droit: l'injuftice de celle qui a tort peut venir de fon erreur, & non d'un mépris général pour la juftice. Mais fi maximes conftantes, par une conduite

par

des

foutenue, une nation fe montre évidemment dans cette difpofition pernicieuse, fi aucun droit n'eft facré pour elle; le falut du genre humain exige qu'elle foit réprimée & exterminée même. Former & foutenir une prétention injufte, c'eft faire tort feulement à celui que cette prétention intéresse : se moquer en général de la juftice, c'eft bleffer toutes les nations. Ainfi, par exemple, les Corfaires étant des ennemis déclarés du genre humain, chaque nation peut les traiter fur ce pied-là.

L'égalité naturelle des nations montre affez que le prétendu droit de la préféance eft auffi chimérique que le fujet. Pourquoi une nation parfaitement, en tant que telle, égale à une autre, lui céderoit-elle le pas? Si le pas eft une prérogative, il ne doit être accordé ni à l'une ni à l'autre des nations fuppofées dans une parfaite égalité: mais fi le pas n'eft point une prérogative, Bien fot; dit Martial, qui fe crotte pour avoir le haut du pavé (*). Cependant, confultant plutôt la façon ordinaire de penfer des hommes, que la raifon, comme on attache aujourd'hui quelque marque d'honneur à ce pas,

(*) Martial. Lib. X. Epigr. X. v. 7.

[ocr errors]
« הקודםהמשך »