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CHARLES BAUDELAIRE - THÉODORE DE BANVILLE PH. DE CHENNEVIÈRES
ÉDOUARD FOURNIER - THEOPHILE GAUTIER

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JULES JANIN

EUGÈNE NOEL

LÉON DE WAILLY, ETC.

INTRODUCTION PAR SAINTE-BEUVE

PUBLIE SOUS LA DIRECION DE M. EUGÈNE CREPET

TOME DEUXIÈME

DEUXIÈME PÉRIODE: DE RONSARD A BOILEAU

PARIS

MAISON QUANTIN

COMPAGNIE GÉNÉRALE D'IMPRESSION ET D'EDITION

7, RUE SAINT-BENOIT

1887

Tous droits réservés.

Sibrary

HP. Thieme

4-11-41

LES

POËTES FRANCAIS

2

SEIZIÈME SIÈCLE

PIERRE DE RONSARD

15241585

En tête de l'édition de 1623, publiée par Nicolas Buon, on voit encadrées dans une bordure de rinceaux sur lesquels retombe élégamment une lourde guirlande de fruits et de fleurs, les effigies de Pierre de Ronsard et de sa Cassandre. L'amante du poëte est, comme lui, représentée de profil. Elle est coiffée, ainsi qu'une hétaïre de Corinthe, d'une manière compliquée et savante, avec des bandeaux en ondes qui se terminent par une frisure très-crêpée, tandis que la chevelure, disposée par derrière en rouleaux et en torsades relevés en l'air, se pare d'un diadème à plaques oblongues délicatement ciselées et d'une féronnière de perles. La belle Cassandre, avec son long col héroïque, avec sa gorge nue que laisse voir une draperie ouverte, donnerait à peu près l'idée d'une femme grecque, si l'œil beaucoup plus grand, la lèvre plus charnue, la ligne droite du nez un peu plus inclinée que dans les statues, n'offraient ce caractère d'étrangeté naïve qui n'a manqué à

aucune des figures de la Renaissance. Sur la noble poitrine de celle que le poëte nomme sa guerrière, tombe un éclatant joyau suspendu à une chaîne d'or, comme l'insigne de quelque ordre d'amour chevaleresque. Telle, en effet, devait être représentée la première muse de Ronsard. Pour lui, vêtu à l'antique d'une sorte de cuirasse d'or niellé sur laquelle se drape fièrement un manteau à dentelures, coiffé d'un grand laurier, posé comme un triomphateur et comme un demi-dieu, il apparaît dans cette estampe avec l'attitude que lui conserveront, malgré tout, les âges futurs. Après avoir été l'idole de la France entière, Ronsard a pu trouver l'oubli et l'indifférence; sa statue, renversée du haut piédestal sur lequel elle semblait avoir été dressée pour jamais, a pu être traînée dans la fange et y rester ensevelie pendant des siècles, mais du jour où une main pieuse l'arrachait à l'infamie, elle s'est relevée idole. Car ce ne peut être en vain que Ronsard a été sacré prince des poëtes, et que Marguerite de Savoie, Marie Stuart, la reine Élisabeth, Charles IX, Le Tasse, Montaigne, de Thou, L'Hospital, Du Perron, Galland, Passerat, Scaliger ont reconnu à l'envi cette royauté. Mais, soit à ses heures de martyre, soit à ses heures de victoire, il ne sera jamais un poëte populaire, précisément à cause de ce costume triomphal sous lequel il se présente orgueilleusement à notre admiration. Une telle allure est toute hostile au génie français, qui voit dans son poëte non pas un combattant victorieux, mais un affranchi d'hier bernant ses maîtres et les dominant par la fine raillerie, tout en ayant l'air de leur obéir. C'est ce que prouve notre comédie, où l'imagination, l'esprit et le talent de l'invention appartiennent exclusivement aux valets, tandis que les maîtres, de Valère à Almaviva, sont toujours de superbes niais dont tout le mérite consiste dans un habit brodé. En ce qui touche la poésie, nulle nation plus que la France n'est haineuse de l'étranger et ennemie de toute tentative de renouvellement par un élément extérieur. Aux époques mêmes dont le retour est fatal, et où la séve poétique usée mourrait nécessairement sans une transformation salutaire, la France ne pardonnera pas aux courageux novateurs qui l'auront sauvée par ce secours antinational. Elle a beau reconnaître sa mère spirituelle dans la Grèce antique, elle ne veut rien devoir même à cette mère si riche; elle aime mieux languir, périr s'il le faut, en restant elle-même. Il faut que son poëte s'appelle Jean Bonhomme, qu'il ait la malice et l'aimable ironie du prolétaire, mais elle ne le reconnaîtra jamais sous l'ambitieuse figure d'un Pindare. Ce rôle impérieux, nécessairement voulu par celui qui le joue, d'un poëte

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