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LETTRE

A MADEMOISELLE DE LENCLOS

LE DESSUS

A Ninon, de qui la beauté
Méritait une autre aventure,
Et qui devrait avoir été
Femme ou maitresse d'Épicure.

LA LETTRE

Si c'est à bonne intention

Qu'à tes lois tu me veux soumettre,

Réponds à mon affection

Lorsque tu réponds à ma lettre.

Mon cœur pour toi forme des vœux, Mes yeux te trouvent sans seconde; Et, si je ne suis amoureux, Je suis le plus trompé du monde.

Mon âme languit tout le jour; J'admire ton luth et ta grâce; J'ai du chagrin, j'ai de l'amour: Dis-moi, que veux-tu que j'en fasse?

Ton entretien attire à soi,
Je n'en trouve point qui le vaille;
Il pourrait consoler un roi

De la perte d'une bataille.

Je me sens toucher jusqu'au vif, Quand mon âme voluptueuse

Se pâme au mouvement lascif
De ta sarabande amoureuse.

Socrate, et tout sage et tout bon,
N'a rien dit qui tes dits égale;
Au prix de toi, le vieux barbon
N'entendait rien à la morale.

Tu possèdes les qualités

Dont un cœur ne peut se défendre.
Peut-on avoir tant de beautés,
Et n'en avoir point à revendre?

Je sais quel nombre de galants
De ton affection se pique;
Trop de Médors, trop de Rolands
Font l'amour à mon Angélique.

Je modère ainsi mon courroux
De ne pouvoir faire des rimes.

Je les voudrais dignes de vous;
Et de pareils souhaits ne sont pas légitimes.

RONDEAU

SUR LES MÉTAMORPHOSES D'OVIDE

Mises en rondeaux par Benserade

A la fontaine où l'on puise cette eau

Qui fait rimer et Racine et Boileau,
Je ne bois point, ou bien je ne bois guère;
Dans un besoin, si j'en avais affaire,
J'en boirais moins que ne fait un moineau.

Je tirerai pourtant de mon cerveau
Plus aisément, s'il le faut, un rondeau,
Que je n'avale un plein verre d'eau claire
A la fontaine.

De ces rondeaux un livre tout nouveau
A bien des gens n'a pas eu l'heur de plaire;
Mais quant à moi, j'en trouve tout fort beau:
Papier, dorure, images, caractère,

Hormis les vers, qu'il fallait laisser faire
A La Fontaine.

PAVILLON

632 1705

Neveu de l'évêque d'Aleth, Etienne Pavillon reçut une éducation très-solide. Sa famille le destinait aux grands emplois. Il fut d'abord avocat général au parlement de Metz, et peu s'en fallut que Mazarin ne le désignât pour la charge d'avocat général au parlement de Paris. La fortune sembla un moment le réserver au rôle d'un Omer Talon : mais son humeur prit le dessus sur les ambitions de famille et les avances de la destinée. Il se sentit doucement entraîné du côté de Voiture, et suivit sans le moindre regret cette pente fleurie. Étienne Pavillon, qui aurait pu devenir un grand magistrat, peut-être un ministre, devint tout uniment un charmant poëte, un aimable discoureur, un spirituel académicien. Connaissant mieux que personne le Droit romain, les ordonnances royales, les constitutions de l'État, les décrets des papes, les décisions des conciles et les libertés de l'Église gallicane, il profita de tous ces avantages sérieux pour choisir le métier d'oisif, de bel esprit, d'épicurien, de rimeur. On l'a traité de libertin, lui aussi; je garantis qu'il fut aussi éloigné du libertinage que de la dévotion. Mondain, galant, insouciant et même bachique, à la bonne heure! Il adressa, du haut de sa chaise de goutteux trèsprécieux, à Me Antoinette-Thérèse Deshoulières, les mêmes préceptes de métaphysique amoureuse que Jean Hesnault avait adressés déjà à la mère de cette jeune muse :

Ne condamnez donc plus les maux que l'amour cause.

Sans examiner autre chose,

Jeune Amarante, engagez-vous.

Vous avez l'esprit grand, le cœur droit et sincère,
Tel qu'il doit être enfin pour bien aimer;
Tel l'avait votre illustre mère,

Tel est celui d'Iris : il s'est laissé charmer.

L'auteur de ces faciles couplets, écrits à la dérive, avait bien tout ce qu'il fallait pour rédiger avec un brin d'innocente raillerie cette gazette galante qui figure dans ses œuvres et qui est si joliment datée' tantôt de l'île des Passions, le 4er du mois d'Inclination, ou de la ville de Beauté, le 18 du mois d'Attachement, tantôt du pays de Grand' Dot le 14 du mois Fortuné, ou du camp devant Cruauté, le 8" jour du mois de Désespoir, ou enfin de la république de Jouissance, le 18 du mois de Délices. Je doute que ce badinage eût entièrement agréé à Mlle Scudéry, qui n'entendait pas raillerie sur la géographie amoureuse. Mais Étienne Pavillon était homme à prendre son parti d'un peu de ressentiment. Il savait parfaitement, lui qui ne se brouilla jamais avec personne, qu'on ne pouvait jamais se brouiller avec lui. Qui fut à cette époque plus conciliant et plus doux, plus ménager de ses amitiés et moins homme de parti dans les lettres, que l'ami de Mme Deshoulières et de Racine, de Furetière et de Charpentier, de Saint-Pavin et de Boileau, oui de Boileau lui-même, quoique la satire déplût à l'épicurien, ainsi qu'il le témoigne dans une espèce de rêve de paix et de vertu, par cette pensée de bon chrétien:

La charité saurait effacer la satire?

Mais quoi! Ne faut-il pas même de la charité à l'égard des satiriques? Chapelle n'est-il pas lié avec Boileau, et Pavillon avec Chapelle ?

L'épicurien Pavillon, qui se montre excellent chrétien à ses heures, regrettera un beau matin d'avoir trop mis en pratique la philosophie qui l'a rendu goutteux; car, si nous avions été toujours vertueux, ditil avec une espèce d'onction évangélique :

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Nous ne sentirions point cette crainte secrète

Qu'un remords dévorant fait naître dans nos cœurs.

Il craint sérieusement le remords, ce galant homme; il est édifié aux oraisons funèbres de Fléchier; il admire la sainteté de Mme de Miramion. Il va quelquefois jusqu'à attaquer le bel esprit, sous prétexte que tout bel esprit est athée. « Voulez-vous, dit-il à l'abbé de Francheville, obtenir le brevet de bel esprit?

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