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phrase qui nous semble aujourd'hui si excessive: « On regardait alors comme originaux trois poëtes du temps, savoir Corneille, Voiture et Benserade. » Ne sourions pas trop d'une pareille exagération. Benserade n'eut pas le génie sans doute, mais il posséda ces qualités qui y touchent de si près, l'esprit, la précision, la noblesse, l'allure indépendante et hardie, la verve féconde et infatigable. S'il est impossible de le laisser au premier rang, on ne pourrait pas non plus supprimer son œuvre sans appauvrir d'un de ses fleurons la couronne poétique du XVIIe siècle.

THEODORE DE BANVILLE.

Les ouvrages de Benserade ont été imprimés à Paris, 2 vol. in-4 2, 4697, et en Hollande, 4698.

Consulter sur Benserade, Ch. Perrault (Parallèle des anciens et des modernes); Senecé (Histoire du Théâtre-Français); d'Olivet (Histoire de l'Académie française); Goujet (Bibliothèque française); Niceron (Mémoires).

SONNET

Job, de mille tourments atteint,
Vous rendra sa douleur connue,
Et raisonnablement il craint
Que vous n'en soyez point émue.

Vous verrez sa misère nue;
Il s'est lui-même ici dépeint :
Accoutumez-vous à la vue

D'un homme qui souffre et se plaint.

Bien qu'il eût d'extrêmes souffrances, On voit aller des patiences

Plus loin que la sienne n'alla.

Il souffrit des maux incroyables;

Il s'en plaignit, il en parla;
J'en connais de plus misérables.

ENTRÉES DE BALLETS

POUR LE ROI

QUI DEVAIT REPRÉSENTER UN COURTISAN

Ce parfait courtisan a la mine si haute,
Qu'en le croyant un roi, si c'est faire une faute,
C'est conscience aussi de la vouloir punir;

Il est jeune, il se pousse, il entreprend, il ose,
Et n'a rien tant à cœur comme de parvenir;
Je crois qu'il fera quelque chose.

A son âge, il possède une charge honorable,
Un établissement assez considérable,
De moins ambitieux s'en tiendraient à cela :
Mais à plus de grandeur sa vertu se dispose,

L'apparence n'est pas qu'il en demeure là;
Je crois qu'il fera quelque chose.

Il passe d'assez loin les titres ordinaires,

Il serait beaucoup mieux qu'il n'est dans ses affaires,
N'était son grand procès contre un proche parent:
On sait le demêlé du Lis et de la Rose;

S'il peut venir à bout de ce vieux différend,
Je crois qu'il fera quelque chose.

C'est le plaisir des yeux et la douleur des âmes;
Tout ce qu'on voit briller de filles et de femmes,
Ont pour lui, dans le cœur, d'étranges embarras :
Et s'il prend quelque part à la peine qu'il cause,
Que je lui vois tomber d'affaires sur les bras!
Je crois qu'il fera quelque chose.

POUR MADAME 1

REPRESENTANT PALLAS

A voir la dignité, la pompe, les richesses,
L'éclat de la personne et la splendeur du nom,
Et tout ce qui convient aux premières déesses,
Diriez-vous pas que c'est la superbe Junon?

A voir comme on la suit en adorant ses traces;
Comme elle enchaîne ceux qui d'elle sont connus,
Comme elle a dans ses yeux les amours et les grâces;
Diriez-vous pas que c'est la charmante Vénus?

C'est Pallas elle-même, ou quelque autre héroïne,
Qui cache sa fierté sous beaucoup de douceur:

* Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, femme de Monsieur, frère de Louis XIV.

Et, sans en affecter la redoutable mine,
Elle en a les vertus, l'esprit, le noble cœur.

Si Pâris revenait, nous verrions ce jeune homme
Bien moins embarrassé qu'il ne fut autrefois :
Il n'aurait qu'à donner à celle-ci la pomme,

S'il voulait être quitte envers toutes les trois.

POUR MADAME LA PRINCESSE DE CONTI
REPRÉSENTANT ARIANE

Ce n'est point Ariane aux solitaires bords,

Qui gémit et se plaint d'un amant infidèle;
Celle-ci ne connaît l'amour ni ses remords;

Elle est jeune, elle est pure, elle est vive, elle est belle,
Et le monde et la cour ne sont faits que pour elle.

Bacchus est le premier de ceux qu'elle a vaincus,
Bacchus est trop heureux de l'avoir épousée,
Leur chaîne par le temps ne saurait être usée,
Et l'on dira toujours: Ariane et Bacchus,
Mais l'on ne dira point: Ariane et Thésée.

ÉPITAPHE D'UNE JEUNE FILLE

Ci-git qui n'avait que quinze ans,

Qui voulait plaire au monde et qu'on la trouvât belle. Quel dommage pour lui! quel dommage pour elle! Que de beaux jours perdus, aimables et plaisants!..

CHARLEVAL

1612- 4693

Poëte et amoureux sans verve ni tempérament, Charleval avait en partage la complexion négative du bel esprit. Il en eut conscience, et fort soucieux de sa frèle personne, il ne voulut pas d'autre emploi. C'est à ce titre, selon Tallemant, qu'il figurait parmi les amants de madame de Courcelles. « Elle avait Brancas pour brave, Barillon pour payeur; » Du Boulay était l'amant du cœur, et Charleval le bel esprit. La cour ainsi se trouvait complète. Chez Ninon, Charleval n'avait pas non plus d'autre bagage; aussi, comme il fallait plus, pour y obtenir droit de séjour durable, Tallemant ne nous le montre-t-il que parmi les passants de cette maison galante où tant de gens passèrent. Charleval, en un mot, fut le Voisenon de son temps, moins le petit collet, et moins aussi la verve en toutes choses. Voisenon passa toute sa vie à mourir d'un asthme, comme lui-même le disait, et Charleval mit quatre-vingts ans à tâcher de vivre de sa mauvaise santé. Né en 1642, il ne mourut qu'en 1693.

<< M. de Charleval, lisons-nous dans les Mélanges de Vigneul Marville1, était d'une si faible complexion, qu'on ne pensait pas qu'il dût vivre : cependant par son bon régime, il a prolongé ses jours jusqu'à quatrevingts ans, amusant tout doucement l'espérance de ses héritiers, qui regardaient, dès son enfance, sa succession comme une chose toute prête. La nature, qui lui avait donné un corps si délicat, et si bon tout ensemble, lui avait fait l'esprit de même. Il aima toute sa vie les belleslettres avec tendresse, et les posséda avec jalousie, ne se communiquant pas facilement à tout le monde. Les gens de son temps les plus polis chérissaient sa personne et recherchaient son entretien. »>

11699, in-8, p. 234.

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