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plus avant dans la Fronde, et mieux armé de cet esprit, qui, pendant la folle guerre, fit feu bien plus souvent et à coups plus sûrs que les canons et les mousquets.

Blot, qu'on appelait l'esprit, du nom de sa marchandise, n'arrêta plus la mousquetade, du moment qu'il l'eut commencée; il allait en batteur d'estrade sur tous les domaines; enfant perdu de la satire et du couplet, il tiraillait à tort et à travers, même sur ses amis, sur ses patrons. Gaston se l'était attaché, et il chansonnait Gaston et ses maîtresses.

« Ce prince, dit P. Le Gouz, dans son supplément manuscrit du Ménagiana, le réprimandoit un jour vivement au sujet de quelques vaudevilles qui couroient sur une de ses amies, et dont il le croyoit l'auteur. Blot nia le fait sans façon : « Mais de qui donc sont ces couplets? » dit le prince. Blot ayant essayé inutilement de jeter le soupçon sur d'autres: «Ma foi! Monseigneur, dit-il, voulez-vous que je parle natuturellement, je crois qu'ils se font tout seuls. >>

Gaston ne lui tint pas rancune; il le garda dans sa maison, où Blot, qui avait une main dans les deux partis, laissant son esprit indépendant rire et planer au milieu, vivota, jusqu'à sa mort, et des bienfaits du prince et d'une pension de deux mille livres que Mazarin avait fini par lui infliger, sans parvenir à le faire taire.

C'est à Blois, chez Gaston, qu'il mourut le 13 mars 1655. Les derniers moments, suivant Chapelle et Bachaumont, furent «< d'une âme sensée; » ce qui, n'étant dit qu'à propos de sa mort, donnerait à croire que sa vie n'avait pas toujours été de même. Chapelle et son ami tenaient la preuve de cette fin édifiante, de la bouche même de M. Colomb, qu'ils avaient vu peu de temps après, lors de leur passage à Blois.

Du temps de Blot, on n'imprima rien de ce qu'il avait écrit, si ce n'est dans quelques Mazarinades 1 dont les auteurs crurent bon de se faire de l'esprit avec le sien. Il riait, il rimait, il chantait en courant, ne s'inquiétant pas de ce qu'il laissait derrière lui, et le laissant ramasser aux autres. Des collectionneurs, dont le nombre était déjà grand alors, eurent le soin qu'il n'avait pas voulu prendre. Ils recueillirent, mais, fidèles à leur instinct, ils ne publièrent pas. De temps à autre ils montraient leur recueil avec une délectation égoïste, puis le resserraient bien vite en avares, Lancelot, de l'Académie des inscriptions, en avait un de ce genre; Segrais en avait un autre : « Segrais, dit madame de Sé

1 V. Moreau, Bibliographie des Mazarinades, t. I, p. 76, 278; III, 29, 225.

vigné 1, nous montra un recueil qu'il a fait des chansons de Blot; elles ont le diable au corps; mais je n'ai jamais vu tant d'esprit. » Ce mot-là donne bien des désirs, bien des regrets, d'autant que ce que nous connaissons des chansons de Blot ne le justifie pas assez. C'est, à ce qu'il paraît, le bon qui s'est perdu; un souffle a emporté la fleur du panier. Peut-être aussi la passion du temps, qui n'était pas encore tout à fait éteinte en 1670, prètait-elle aux chansons de Blot un esprit et une verve qu'elles n'avaient pas d'elles-mêmes. Alors les fusées de ce feu d'artifice pouvaient se ralumer et pétiller encore; nous n'en avons plus que les tubes de carton noirci.

ÉDOUARD FOURnier.

1 Lettres du 1er mai 1670.

CHANSON

Que vous nous causez de tourment

Fâcheux Parlement!

Que vos arrêts

Sont ennemis de tous nos intérêts!

Le cardinal a perdu tous ses charmes; Tout est en armes,

Et les Amours

Sont effrayés par le bruit des tambours.

La guerre a chassé l'amour
Ainsi que la cour;

Et de Paris

La peur bannit et les Jeux et les Ris.
Adieu le bal, adieu les promenades,
Les sérénades,

Car les Amours

Sont effrayés par le bruit des tambours.

Mars est un fort mauvais galant;
Il est insolent,

Et la beauté

Perd tous ses droits auprès de La Ferté. On ne peut pas accorder les trompettes Et les fleurettes,

Car les Amours

Sont effrayés par le bruit des tambours.

Mars ôte tous les revenus

A dame Vénus;

Les chères sœurs

N'ont à présent ni argent, ni douceurs.

On séduirait pour un sac de farine

La plus divine,

Car les Amours

Sont effrayés par le bruit des tambours.

Place Royale, où tant d'amants
Montraient leurs tourments,

Où leur destin

Était toujours flatté par Constantin,

On n'entend plus, au lieu de tant d'aubades, Que mousquetades,

Et les Amours

Sont effrayés par le bruit des tambours.

Que de plaisirs fait le blocus

A tant de cocus!

Car désormais

Ils n'auront plus chez eux tant de plumets. Les cajoleurs, ces diseurs de sornettes, Font leurs retraites,

Et les Amours

Sont effrayés par le bruit des tambours.

MARIGNY'

Le gros Marigny fut un homme singulier : par l'adresse qu'il eut de s'attacher à deux personnages puissants, le cardinal de Retz et le prince de Condé, il conquit l'indépendance et l'impunité des bouffons de cour, d'un Triboulet ou d'un l'Angely. Marigny pourtant valait mieux qu'un bouffon. Sa gaieté spirituelle, son humeur légère et bachique, sa verve de causeur et de rimeur, lui donnèrent partout ses grandes entrées, au moment de folie héroï-comique où l'on s'abordait en chantant:

Êtes-vous du parti,
Mon ami,

De Condé, Longueville et Conti?

C'était le moment des Mazarinades, pamphlets en prose et en vers, qui s'envolaient chaque matin des galeries du Palais et du Pont-Neuf, ainsi que le remarque Naudé dans son Mascurat, comme des essaims de mouches et de frelons qu'auraient engendrés les plus grandes chaleurs, « quam sit muscarum et crabronum, quum calet maxime. » Les écrivains de la Samaritaine, les secrétaires de Saint-Innocent, tous ces pauvres diables qui mettaient leur plume au service des libraires, gagnaient à peine quelques sols tapés à ce vil métier de libelliste. Encore même ne les payait-on fort souvent qu'au retour des colporteurs et crieurs, lorsque ceux-ci avaient complétement vidé le panier d'osier où ils entassaient leurs feuilles volantes. Marigny n'eut affaire

1 Les dates de sa naissance et de sa mort sont incertaines. En l'absence de tout document positif, il nous a paru naturel de placer auprès de Blot, son émule et son contemporain, le seul poëte de la Fronde qui, par son talent, ait également mérité d'échapper à l'oubli. (Note de l'édit.)

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