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Mes frayeurs cesseront enfin par cette paix
Qui fait de tant d'États les plus ardents souhaits.
Cependant, s'il est vrai que mon service plaise,
Sire, un bon mot, de grâce, au Père de La Chaise.

STANCES

Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.

Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront,
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.

Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m'a vu ce que vous êtes,
Vous serez ce que je suis.

Cependant j'ai quelques charmes

Qui sont assez éclatants

Pour n'avoir pas trop d'alarmes
De ces ravages du temps.

Vous en avez qu'on adore;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.

Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et, dans mille ans, faire croire
Ce qu'il me plaira de vous.

Chez cette race nouvelle
Où j'aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu'autant que je l'aurai dit.

Pensez-y, belle marquise :
Quoiqu'un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu'on le courtise,
Quand il est fait comme moi.

:

STANCES DE DON RODRIGUE

(Le Cid, acte Ier.)

Percé jusques au fond du cœur

D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,

1 Nous nous sommes interdit, par les raisons indiquées dans l'avant-propos du premier volume, les citations empruntées à la poésie dramatique proprement dite mais nous croyons devoir faire entrer dans ce recueil quelques extraits des morceaux lyriques que Corneille et Racine ont introduits dans leurs tragédies. Nous citons les stances du Cid qui nous paraissent supérieures à celles de Polyeucte, et nous donnons à la suite un remarquable chœur tiré d'une tragédie de Robert Garnier, l'un de nos plus anciens poëtes dramatiques. Il n'a écrit que des tragédies, et ne pouvait, par cette raison, avoir une place à part dans notre recueil; nous nous serions reproché toutefois d'omettre, dans un recueil de la poésie française, des vers d'un accent si ferme, et, vu l'époque où ils furent écrits, d'une correction presqu'irréprochable. C'est du reste le seul morceau vraiment digne d'être cité que nous ayons trouvé dans les nombreuses œuvres des prédécesseurs de Corneille. Deux émules de Garnier, Jodelle et Hardy, ont également, à l'imitation des anciens, introduit des chœurs dans leurs tragédies; mais c'est à peine si l'on glanerait chez le premier quelques strophes d'un tour plus élégant qu'énergique, et si, chez le second, on en trouverait une seule qui échappe au reproche de platitude et de prolixité que tous les critiques ont, avec raison, adressé à ce trop fécond improvisateur. (Note de l'éditeur.)

Miserable vengeur d'une juste querelle,
Et malheureux objet d'une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.

Si près de voir mon feu récompensé,

O Dieu, l'étrange peine!

En cet affront mon père est l'offensé,
Et l'offenseur le père de Chimène.

Que je sens de rudes combats!

Contre mon propre honneur mon amour s'intéresse :
Il faut venger un père, et perdre une maitresse.
L'un m'anime le cœur, l'autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,

Des deux côtés mon mal est infini.
O Dieu, l'étrange peine!
Faut-il laisser un affront impuni?

Faut-il punir le père de Chimène?

Père, maîtresse, honneur, amour,

Noble et dure contrainte, aimable tyrannie,
Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie.
L'un me rend malheureux, l'autre indigne du jour.
Cher et cruel espoir d'une âme généreuse,

Mais ensemble amoureuse,

Digne ennemi de mon plus grand bonheur,

Fer qui causes ma peine,

M'es-tu donné pour venger mon honneur?
M'es-tu donné pour perdre ma Chimène?

Il vaut mieux courir au trépas.

Je dois à ma maîtresse aussi bien qu'à mon père.
J'attire en me vengeant sa haine et sa colère;
J'attire ses mépris en ne me vengeant pas.
A mon plus doux espoir l'un me rend infidèle,
Et l'autre indigne d'elle.

Mon mal augmente à le vouloir guérir;

Tout redouble ma peine.

Allons, mon âme; et, puisqu'il faut mourir,
Mourons du moins sans offenser Chimène !

Mourir sans tirer ma raison 1!

Rechercher un trépas si mortel à ma gloire,
Endurer que l'Espagne impute à ma mémoire
D'avoir mal soutenu l'honneur de ma maison !
Respecter un amour dont mon âme égarée
Voit la perte assurée!

N'écoutons plus ce penser suborneur,

Qui ne sert qu'à ma peine.

Allons, mon bras, sauvons du moins l'honneur,
Puisqu'après tout il faut perdre Chimène!

Oui, mon esprit s'était déçu.

Je dois tout à mon père avant qu'à ma maîtresse :
Que je meure au combat, ou meure de tristesse,
Je rendrai mon sang pur comme je l'ai reçu.
Je m'accuse déjà de trop de négligence,
Courons à la vengeance,

Et, tout honteux d'avoir tant balancé,
Ne soyons plus en peine,

Puisque aujourd'hui mon père est l'offensé,
Si l'offenseur est père de Chimène !

1 C'est-à-dire sans me venger.

CHŒUR DE SOUDARTS

EXTRAIT DE LA TRAGÉDIE DE ROBERT GARNIER, INTITULÉE: TORCIE.

(Acte III.)

Soudarts, puisque les ennemis,
Pour leur parricide commis,

De leurs corps mesurent la terre,
Ayons ce qu'on nous a promis,
Devant que d'aller à la guerre.

Ne laschons nos princes vainqueurs,
Qu'ils ne guerdonnent 1 nos labeurs.
Un vaillant soudart ne guerroye,
Si quant et quant ses empereurs
Ne laschent de quelque proye.

3

Nous offrons tous les jours nos corps

A cent et cent diverses morts,
Et toutes fois pour recompense

De tant de belliqueux efforts,
Nous n'emportons qu'une indigence.
Depuis vingt ans combien de fois
Avons-nous vestu le harnois !
Combien de fois sur nos espaules
Avons-nous porté le pavois,

Depuis que nous vismes les Gaules

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