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Parmi tant de périls divers,

De vos faits allongez l'histoire;
Et, voyant qu'un destin puissant
Doit à votre bras agissant,

Tous les étés, une victoire,

Pour la France et pour votre gloire,
Tâchez d'en vivre jusqu'à cent.

RONDEAUX

Ma foi, c'est fait de moi, car Isabeau
M'a conjuré de lui faire un rondeau.

Cela me met en une peine extrême.
Quoi! treize vers, huit en eau, cinq en ême !
Je lui ferais aussitôt un bateau.

En voilà cinq pourtant en un monceau.
Faisons-en huit en invoquant Brodeau,
Et puis mettons, par quelque stratagème :
Ma foi, c'est fait.

Si je pouvais encor de mon cerveau
Tirer cinq vers, l'ouvrage serait beau;
Mais cependant je suis dedans l'onzième,
Et ci je crois que je fais le douzième;
En voilà treize ajustés au niveau.
Ma foi, c'est fait.

En bon français politique et dévot,
Vous discourez plus grave qu'un magot;
Votre chagrin de tout se formalise,
Et l'on dirait que la France et l'Église
Tournent sur vous comme sur leur pivot.

A tout propos, vous faites le bigot, Pleurant nos maux avecque maint sanglot, Et votre cœur espagnol se déguise

En bon français.

Laissez l'État et n'en dites plus mot,
Il est pourvu d'un très-bon matelot ;
Car, s'il vous faut parler avec franchise,
Quoique sur tout votre esprit subtilise,
On vous connaît, et vous n'êtes qu'un sot
En bon français.

SONNETS

Il faut finir mes jours en l'amour d'Uranie;
L'absence ni le temps ne m'en sauraient guérir,
Et je ne vois plus rien qui me pût secourir,
Ni qui pût rappeler ma liberté bannie.

Dès longtemps je connais sa rigueur infinie;
Mais, pensant aux beautés pour qui je dois périr,
Je bénis mon martyre, et, content de mourir,
Je n'ose murmurer contre sa tyrannie.

Quelquefois ma raison, par de faibles discours, M'invite à la révolte et me promet secours; Mais, lorsqu'à mon besoin je veux me servir d'elle,

Après beaucoup de peine et d'efforts impuissans, Elle dit qu'Uranie est seule aimable et belle, Et m'y rengage plus que ne font tous mes sens.

Des portes du matin l'amante de Céphale Ses roses épandait dans le milieu des airs, Et jetait sur les cieux nouvellements ouverts Ces traits d'or et d'azur qu'en naissant elle étale;

Quand la nymphe divine, à mon repos fatale, Apparut, et brilla de tant d'attraits divers

Qu'il semblait qu'elle seule éclairait l'univers,
Et remplissait de feux la rive orientale.

Le soleil, se hâtant pour la gloire des cieux,
Vint opposer sa flamme à l'éclat de ses yeux,
Et prit tous les rayons dont l'Olympe se dore.

L'onde, la terre, et l'air s'allumaient alentour,
Mais auprès de Philis on le prit pour l'aurore;
Et l'on crut que Philis était l'astre du jour.

IMPROMPTU

La reine Anne d'Autriche, rencontrant Voiture dans les jardins de Rueil, lui demanda à quoi il pensait; le poëte lui répondit par les vers suivants:

Je pensais que la destinée,
Après tant d'injustes malheurs,
Vous a justement couronnée
De gloire, d'éclat et d'honneurs ;

Mais que vous étiez plus heureuse
Lorsque vous étiez autrefois...
Je ne veux pas dire amoureuse,
La rime le veut toutefois.

Je pensais (nous autres poëtes
Nous pensons extravagamment)

Ce
que, dans l'humeur où vous êtes,
Vous feriez, si, dans ce moment,

Vous avisiez dans cette place

Venir le duc de Buckinghan,
Et lequel serait en disgrâce
Du duc ou du père Vincent.

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« O l'admirable tempérament que celui du complaisant M. Colletet! « On ne l'a jamais vu en colère; et en quelque état qu'on le rencontrât, «< on auroit jugé qu'il étoit content et aussi heureux même que Sylla << qui se vantoit de coucher toutes les nuits avec la fortune. Nous << allions manger bien souvent chez lui, à condition que chacun y feroit « porter son pain, son plat, avec deux bouteilles de champagne ou de « bourgogne; et par ce moyen, nous n'étions point à charge à notre « hôte. Il ne fournissoit qu'une vieille table de pierre, sur laquelle « Ronsard, Jodelle, Belleau, Baïf, Amadis, Jamyn, etc., avoient fait ent << leur temps d'assez bons repas. Et, comme le présent nous occupoit <«< seul, l'avenir et le passé n'y entroient jamais en ligne de compte. « Claudine avec quelques vers qu'elle chantoit, y choquoit du verre avec « le premier qu'elle entreprenoit, et son cher époux, M. Colletet, nous « récitoit dans les intermèdes du repas, ou quelque sonnet de sa façon, « ou quelque fragment de nos vieux poëtes, que l'on ne retrouve point « dans leurs livres.

<< C'est assurément un grand dommage que la Vie des poètes, qu'il «< avoit faite, ait été perdue. Il en avoit connu quelques-uns, et par << tradition qui étoit pour lui de fraîche date, il savoit de certaines par<«ticularités dont il pouvoit seul nous informer. Ceux qui se propo<< soient de travailler à son inventaire m'ont assuré qu'il leur en avoit « évité la peine et qu'il n'avoit laissé à Monsieur son fils que le nom de « Colletet pour tout héritage! >>

Cette page, que je transcris du Chevræana, m'a toujours rempli d'attendrissement. C'est un petit tableau complet, charmant, touchant même. On voit ce digne homme, il n'était plus déjà très-jeune alors,

- festinant joyeusement et sans façon avec ses amis et sa femme, dans sa maison, la maison de Ronsard! qu'il avait achetée par piété dans un moment de richesse, et que la détresse le força plus tard à revendre ; interrompant le service pour parler de ses vers et de ceux des autres et mêlant ainsi sa passion pour la poésie aux plaisirs de la table et aux douceurs de l'amitié; sans embarras de sa pauvreté, qui ne lui permettait d'offrir à ses convives que la table littéralement et sa bonne humeur: «< Car, dit Chapelain dans ses lettres, il a passé sa vie dans l'innocence entre Apollon et Bacchus, sans souci du lendemain, au milieu des plus fâcheuses affaires. >>

La matinée avait été bien remplie car Colletet était grand travailleur. Passionné pour la poésie, il se fit archéologue pour en écrire l'histoire. Cette vie des poëtes français que Chevreau croyait perdue et qui vient seulement après deux cents ans de trouver un éditeur, est le premier travail d'ensemble qui ait été entrepris sur notre poésie nationale. C'est un ouvrage considérable, plein de recherches, de particularités, d'érudition, et dont plus d'un s'est servi, qui ne s'en est point vanté. Il savait autant que personne de son temps l'italien et l'espagnol; et il est intéressant de lui voir citer dans ses traités didactiques de poésie, non-seulement Pétrarque, mais Dante que, certes, bien peu de ses contemporains avaient lu. Il a traduit du grec le roman des Amours d'Ismène et d'Isménie, d'Eustathéus; du latin, le poëme des Couches de la Vierge, de Sannazar, la Doctrine chrétienne, de saint Augustin, les Éloges des hommes illustres, de Gaucher de Sainte-Marthe, le Discours, d'Anne Schurmann, sur l'éducation des femmes. Et malgré tant de travaux, la poésie, ses amours, fut toujours sa principale occupation. Luimême, il a peint sa vie dans ce vers:

Mais quand l'utile prose a terminé sa tâche...

Vous voyez d'ici le laborieux poëte, hâtant sa besogne pour revenir plus vite à ses chers loisirs, au travail libre et savoureux de l'inspiration. Colletet, par l'étendue de son savoir et par la variété de ses aptitudes, représente, mieux qu'aucun autre de son temps, le type de l'homme de lettres, tel que nous le concevons à présent; c'est-à-dire un homme confondant le plaisir et l'étude et sachant trouver la satisfaction de ses goûts à travailler pour le public. Il est l'ancêtre de tous les polygraphes du XVIII siècle et du nôtre, des Fontenelle, des La Harpe et des Charles Nodier. Il y a du Voltaire en lui; et les fameuses stances à madame du Châtelet: Si vous voulez que j'aime encore, trouveraient plus d'un pen

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