Tu vois dessous toi l'injustice Ton courage, au monstre fatal, Est toujours plus fort que le mal; Sur le solide honneur sa base est établie: Le droit et la raison l'accompagnent toujours; Et, sans que sa vigueur soit jamais affaiblie, Qu'on cède ou qu'on résiste, il va d'un même cours. Tu n'es point charmé des richesses; Les dons ne te peuvent tenter, Et tu n'en saurais accepter Que pour en faire des largesses. Si ton prince, outre ton souhait, Soudain tu le répands en des grâces diverses; Durant la plus fière tempête, Il abandonne son salut, Et n'a pour véritable but · Que d'en garantir notre tête. Avec quelque noire fureur Que, plein de colère et d'horreur, Le ciel tonne sur nous, et le sort nous poursuive, Ébloui de clartés si grandes, Je te viens faire mes offrandes. L'équitable siècle à venir Adorera ton souvenir, Et du siècle présent te nommera l'Alcide; Tu serviras un jour d'objet à l'univers, Aux ministres d'exemple, aux monarques de guide, De matière à l'histoire, et de sujet aux vers. FRAGMENT DE LA PUCELLE Loin des murs flamboyants qui renferment le monde, De son être incréé tout est la créature; CLAUDE DE MALEVILLE 4597 -1647 Maleville est encore un de ces poëtes courtisans qui firent leur chemin à travers les belles compagnies du commencement du XVIIe siècle. Secrétaire du maréchal de Bassompierre, puis du cardinal de Bérulle, et enfin sccrétaire du roi, il mourut à cinquante ans, à Paris, où il était né, après avoir été l'un des premiers membres de l'Académie française. Maleville avait de l'imagination, du brillant, une facilité heureusement réglée par la belle facture des poëtes de son temps. Il y a telle pièce de lui qui rappelle ces peintures abondantes et compliquées des peintres de la Renaissance où toutes les formes de l'allégorie sont rassemblées pour exprimer un sentiment ou une idée. A cette époque de splendeur pour le sonnet, Maleville eut l'honneur d'être reputé l'un des plus irréprochables sonneurs il eut même la gloire d'effacer Voiture dans l'éclatant tournoi des sonnets de la Belle matineuse, dont Ménage a raconté les péripéties et nombré les combattants dans une lettre fameuse, adressée à V. Conrart. (V. OEuvres diverses de Ménage.) Maleville avait été l'un des hôtes les mieux accueillis de l'hôtel de Rambouillet; il contribua pour neuf fleurs à la célèbre guirlande de Julie. Ses œuvres se composent de sonnets, de stances, de rondeaux, de paraphrases des psaumes, etc. Nous donnons ici un échantillon de la plupart de ces divisions. CHARLES ASSELINEAU. Les poésies de Maleville ont été publiées en 4 vol. in-4. Paris, 1649. Sur Maleville, il faut surtout consulter les papiers de Conrart, que possède la bibliothèque de l'Arsenal, et les historiens modernes de l'hôtel de Rambouillet, MM. V. Cousin, Livet, etc. PARAPHRASE DU PSAUME XXX EXALTABO TE, DOMINE Puisque tu m'as tiré du milieu de la fange, Et, pour le bien du monde, au monde conservé, Je veux tâcher, Seigneur, de porter ta louange Aussi haut que la gloire où tu m'as élevé. J'ai trompé les méchants dont la rage couverte Ne trouvait de plaisir qu'en ma seule douleur, Et lorsqu'ils étaient près de rire de ma perte, Ils se trouvent réduits à soupirer la leur. Le soin de ton amour, qui jamais ne sommeille, A calmé tout les maux dont j'étais agité, Et sitôt que mes cris ont touché ton oreille, Je sens que mes douleurs ont touché ta bonté. Ta main, dont les faveurs ont mon âme assouvie, Ne verse plus pour moi que des fleuves de miel, Des ombres de la mort me conduit à la vie, Et du sein des enfers m'élève dans le ciel. Favoris du Seigneur, grands saints, faites paraître Je ne sens pas plutôt les traits de sa colère, Si, le soir, j'ai reçu quelque plaie inhumaine, Le matin j'en guéris par un doux appareil; |