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STANCES

Quand tu me vois baiser tes bras
Que tu poses sur tes draps,

Plus blancs que le linge même;
Quand tu sens ma brûlante main
Se promener dessus ton sein,
Tu sens bien, Chloris, que je t'aime.

Comme un dévot devers les cieux,
Mes yeux tournés devers tes yeux,
A genoux auprès de ta couche,
Pressé de mille ardens désirs,
Je laisse, sans ouvrir ma bouche,
Avec toi dormir mes plaisirs.

Le Sommeil, aise de t'avoir,
Empêche tes yeux de me voir,
Et te retient dans son empire,
Avec si peu de liberté,
Que ton esprit, tout arrêté,
Ne murmure, ni ne respire.

La rose, en rendant son odeur,
Le soleil donnant son ardeur,
Diane et le char qui la traîne,
Une Naïade dedans l'eau,
Et les Grâces dans un tableau,
Font plus de bruit que ton haleine.

Là, je soupire auprès de toi,
Et, considérant comme quoi
Ton œil si doucement repose,
Je m'écrie: O ciel ! peux-tu bien
Tirer d'une si belle chose

Un si cruel mal que le mien?

SUR UNE TEMPÊTE

Parmi ces promenoirs sauvages,
J'ois bruire les vents et les flots,
Attendant que les matelots
M'emportent hors de ces rivages.
Ici, les rochers blanchissants,
Du choc des vagues gémissants,
Hérissent leurs masses cornues
Contre la colère des airs,
Et présentent leurs têtes nues
A la menace des éclairs.

J'ois sans peur l'orage qui gronde,
Et, fût-ce l'heure de ma mort,
Je suis prêt à quitter le port

En dépit du ciel et de l'onde.
Je meurs d'ennui dans ce loisir;
Car un impatient désir

De revoir les pompes du Louvre
Travaille tant mon souvenir

Que je brûle d'aller à Douvre,
Tant j'ai hâte d'en revenir

Dieu de l'onde, un peu de silence!

Un dieu fait mal de s'émouvoir.

Fais-moi paraître ton pouvoir
A corriger ta violence.
Mais à quoi sert de te parler,
Esclave du vent et de l'air,
Monstre confus qui, de nature,
Vide de rage et de pitié,

Ne montre que par aventure
Ta haine, ni ton amitié?

Nochers qui, par un long usage,
Voyez les vagues sans effroi,
Et qui connaissez mieux que moi
Leur bon et leur mauvais visage,

Dites-moi ce ciel foudroyant,

Ce flot de tempête aboyant,

Les flancs de ces montagnes grosses,
Sont-ils mortels à nos vaisseaux,
Et, sans aplanir tant de bosses,
Pourrai-je bien courir les eaux?

Allons, pilote, où la fortune.
Pousse mon généreux dessein;
Je porte un dieu dedans le sein,
Mille fois plus grand que Neptune:
Amour me force de partir,
Et dût Téthys, pour m'engloutir,
Ouvrir mieux ses mortes entrailles,
Chloris m'a su trop enflammer
Pour craindre que mes funérailles
Se puissent faire dans la mer.

O mon ange! ô ma destinée! Qu'ai-je fait à cet élément, Qu'il tienne si cruellement Contre moi sa rage obstinée?

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L'ancre est levée, et le Zéphire,

Avec un mouvement léger,

Enfle la voile et fait nager

Le lourd fardeau de la navire;

Mais quoi! le temps n'est plus si beau,

La tourmente revient dans l'eau!

Dieu! que la mer est infidèle!

Chère Chloris, si ton amour
N'avait plus de constance qu'elle,
Je mourrais avant mon retour.

BOISROBERT

4592- 4662

Dans un petit ouvrage de circonstance, imprimé en 1660, à l'Image Saint-Louis, chez Jean Ribou, sous le titre de la Pompe funèbre de M. Scarron, on suppose que l'auteur du Roman comique, tout près de mourir, est invité comme un conquérant à désigner son successeur. Auprès de son lit, un député de la noblesse spirituelle et galante, un député des libraires, un député des comédiens, assistés d'un tabellion silencieux, attendent respectueusement les dernières volontés du moribond. Qui va-t-il choisir parmi tant de concurrents affamés d'argent et de gloire?

Les trois députés sont admis à proposer des candidats. Le député des comédiens parle le premier : « Puisque vous désirez, monsieur, de faire un testament, veuillez de grâce élire un successeur qui nous puisse faire autant gagner par ses pièces de théâtre que vous avez fait par les vôtres. » Le libraire ajoute qu'il le conjure, par les mêmes raisons, d'accorder un successeur à ses vœux et à ceux de ses confrères. Le jeune seigneur dit ensuite qu'il est urgent pour Scarron de prendre un parti, car les plus galants de la ville ne sauraient plus sans cela où aller se divertir les jours qu'ils auraient été maltraités de leurs maîtresses, ou qu'ils se sentiraient plus chagrins qu'à l'ordinaire.

Prenez l'auteur des Rivales, prenez monsieur Quinault, dit le député des comédiens.

- Véritablement, répond le libraire, monsieur Quinault a de l'esprit, et il a trouvé l'art de réussir au théâtre; mais il n'a pas encore trouvé celui de réussir au Palais.

Et il propose l'auteur de Dom Bertrand, de l'Amour à la mode, de Jodelet prince, monsieur Corneille le jeune.

-Point du tout, réplique le premier, ses pièces coûtent trop cher aux comédiens.

-Je gagne plus, dit le libraire, à des ouvrages qui me coûtent cher `et que je vends bien, qu'à d'autres qui me coûtent peu, et qui tiennent si bien dans ma boutique, qu'ils n'en peuvent jamais sortir.

Là-dessus, dispute des deux députés, et proposition de Desmarets, l'auteur des Visionnaires, par le représentant de la noblesse.

- Mais il y a longtemps, dit Scarron, que monsieur Desmarets ne travaille plus pour le théâtre.

Alors, prenez Molière.

Oh! oh! s'écrie le mourant, celui-là est un bouffon trop sérieux. - A la fin, dit le jeune seigneur, j'ai trouvé l'illustre qui vous doit succéder. C'est un homme qui sait tous les tours et les détours du Parnasse, qui parle aussi bien qu'il écrit, qui sait agréablement entretenir une compagnie, et qui, après vous, peut se vanter d'être l'incomparable en matière de satire galante: enfin, c'est le fameux monsieur de Boisrobert.

Ce nom, jeté dans le débat, conquiert aussitôt tous les suffrages: monsieur de Boisrobert est proclamé le successeur et l'héritier de Scarron.

S'il eût accepté l'héritage, le fameux Boisrobert n'aurait eu que deux ans à en jouir, car il ne survécut à Scarron que de 1660 à 1662. Méritait-il en effet de recueillir par un vote unanime le sceptre-marotte de l'auteur du Virgile travesti? Si l'on décide la question par les écrits, assurément non. Mais ne s'agit-il pas aussi de remplacer Scarron dans l'art de divertir les belles compagnies? Oh! dans cet art-là, Boisrobert est passé maître : il s'est surnommé lui-même un grand dupeur d'oreilles, et les oreilles qu'il a dupées ou charmées ne laissaient pas que d'être fort ombrageuses. C'est au pape Urbain VIII, c'est au cardinal de Richelieu, c'est à la régente Anne d'Autriche qu'il lui fallut plaire d'abord, et le grand charmeur réussit. Il obtint d'Urbain VIII à Rome, un petit prieuré en Bretagne, et d'Anne d'Autriche tout ce que le cardinal de Richelieu voulut donner. Or, le tout-puissant cardinal n'eut qu'à exécuter les ordonnances de son médecin Citois pour faire de « l'ardent solliciteur des Muses incommodées» un abbé de Châtillon-sur-Seine, un conseiller d'État ordinaire, et, qui plus est, un favori. L'esprit de Boisrobert était pour le premier ministre le remède souverain, dans tous les cas de maladie. Le docteur Citois prescrivait toujours avec ses drogues, une ou deux drachmes de Boisrobert, et si l'adroit courtisan tombait par hasard en disgrâce, il lui suffisait pour se remettre en bon pied à la cour, de rapporter une ordonnance du docteur avec ces mots décisifs :

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