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CONSOLATION A M. DU PERRIER

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Ta douleur, Du Perrier, sera donc éternelle,
Et les tristes discours

Que te met en l'esprit l'amitié paternelle

L'augmenteront toujours?

Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,

Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retrouve pas?

Je sais de quels appas son enfance était pleine;
Et n'ai pas entrepris,

Injurieux ami, de soulager ta peine

Avecque son mépris.

Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin;

Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.

Puis, quand ainsi serait que, selon ta prière,
Elle aurait obtenu

D'avoir en cheveux blancs terminé sa carrière,
Qu'en fût-il advenu?

Penses-tu que, plus vieille, en la maison céleste
Elle eût eu plus d'accueil,

Ou qu'elle eût moins senti la poussière funeste
Et les vers du cercueil?

Non, non, mon Du Perrier; aussitôt que la Parque
Ote l'âme du corps,

L'âge s'évanouit au deçà de la barque,

Et ne suit pas les morts.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles.
On a beau la prier;

La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend point les rois.

De murmurer contre elle et perdre patience
Il est mal à propos;

Vouloir ce que Dieu veut est la seule science
Qui nous met en repos.

CHANSON

SUR LE DÉPART DE LA VICOMTESSE D'AUCHT

Ils s'en vont ces rois de ma vie,

Ces yeux, ces beaux yeux,

Dont l'éclat fait pâlir d'envie
Ceux même des cieux.
Dieux, amis de l'innocence,
Qu'ai-je fait pour mériter
Les ennuis où cette absence
Me va précipiter?

Elle s'en va, cette merveille

Pour qui, nuit et jour,
Quoique la raison me conseille,

Je brûle d'amour.

Dieux, amis de l'innocence, etc.

351

En quel effroi de solitude
Assez écarté,

Mettrai-je mon inquiétude

En sa liberté?

Dieux, amis de l'innocence, etc.

Les affligés ont, en leurs peines,
Recours à pleurer;

Mais quand mes yeux seraient fontaines,
Que puis-je espérer?
Dieux, amis de l'innocence, etc.

SONNET

Celle qu'avait Hymen à mon cœur attachée, Et qui fut ici bas ce que j'aimais le mieux, Allant changer la terre à de plus dignes lieux, Au marbre que tu vois sa dépouille a cachée.

Comme tombe une fleur que la brise a séchée, Ainsi fut abattu ce chef-d'œuvre des cieux; Et, depuis le trépas qui lui ferma les yeux, L'eau que versent les miens n'est jamais étanchéc.

Ni prières, ni vœux ne m'y purent servir;
La rigueur de la mort se voulut assouvir,
Et mon affection n'en put avoir dispense.

Toi, dont la piété vient sa tombe honorer, Pleure mon infortune, et, pour ta récompense, Jamais autre douleur ne te fasse pleurer.

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On peut dire qu'avec Du Perron commença la poésie de cour, la poésie des nouvelles cours. Ce n'était plus alors le temps des troubadours, ni des trouvères, ni des amuseurs royaux comme le gentil Marot. La royauté voguait vers les temps difficiles. La Réforme avait donné le branle. La féodalité mourait; la noblesse pensait, ambitieuse, voulant régner ailleurs que chez elle, dans ses comtés, dans ses baronnies. On approchait du jour où, les barrières tombant, ce serait à qui profiterait de la centralisation, à qui saisirait le pouvoir, à qui serait roi de France, puisqu'il y avait enfin une France. L'État surgissait. Jusqu'alors, le Louvre n'avait été qu'un château suprême, cour et donjon. Ses tours dominaient les plus hautes et les plus fières tours du pays de France. Mais l'influence souveraine, la pensée, le biendire, le charme triomphant des lettres ne s'y était pas installé. L'esprit féodal luttait. La Bourgogne avait ses poëtes; la Champagne avait ses conteurs; le Languedoc bataillait en rimant; la Bretagne avait ses hommes et s'en glorifiait. Si quelques-uns plaisaient au roi, aux princesses, aux pages et gardes du Louvre, ce n'était pas pour cela des phénix, des maîtres, des nec plus ultrà; on les niait ailleurs. Le moment allait venir où on ne les nierait plus, où on les acclamerait du jour où on saurait que le roi les avait reçus à son lever, que le dauphin leur avait souri, que la reine les avait écoutés. Avec l'unité politique que rêvait Henri IV, que prépara Richelieu et que consomma Louis XIV, devait naître l'unité de goût, de mode, d'engouement. Le soleil allait se lever au Louvre, s'y lever et s'y coucher; un seul soleil littéraire, qui luirait pour toute la France. Plus de verve locale, plus d'originalité, moins d'abandon, de libre allure et de verte spon

tanéité. Le temps de la férule approche: Malherbe est bien près, et Boileau n'est pas loin. L'ordre menace; la règle est aux portes de la poésie française.

A qui la faute? Hélas, c'est une destinée aveugle qui mène les peuples comme les hommes. On s'instruit, on s'élève, on s'exalte; un besoin irrésistible de secouer les jougs spirituels se fait sentir. La Réforme souffle, et voilà un beau siècle. Mais à quel prix? et quels revers! Des troubles, des malheurs, des guerres, en somme, la défaite. La royauté se raffermit; mais elle a l'expérience. Elle a vu sous la Ligue la puissance nouvelle de l'esprit, du sarcasme et de la raison. Elle a vu la bourgeoise et érudite épigramme dissoudre et vaincre les partis. Le Paris spirituel, railleur et déjà raffiné en éloquence a montré sa tête narquoise; l'esprit va régner, et l'esprit, c'est Paris. Aussi faut-il à toute force que l'esprit de Paris soit l'esprit de la cour, et que l'esprit de la cour soit l'esprit de la France. Mais n'anticipons pas sur les événements littéraires qui suivirent l'époque à laquelle appartient le poëte dont nous avons à nous occuper. Remarquons seulement qu'après l'extinction des troubles de la Ligue et l'avénement d'Henri IV, il y eut en France, comme après toute grande commotion politique, une sorte de restauration, de rappel à l'ordre et à la sagesse, de frein mis aux forces trop vives, aux spontanéités trop libres. Sans que le roi le voulût, sans que personne y songeât, un commencement de poésie d'État, de poésie de bon exemple, pour ainsi dire, d'inspiration par ordre, s'ouvrit. Du Perron, cardinal, ambassadeur, homme d'État et de controverse, érudit prétentieux, apostat, courtisan, prêt à tout, bon à tout, avide d'honneurs, passionné d'influences, aimant à gouverner, affamé de toutes sortes de succès: succès de livres, de négociations et de galanterie; Du Perron fut le premier et reste le plus complet type de ce nouveau genre de poëtes; aussi ne fut-il presque pas poëte.

Il était né dans le canton de Berne. Il était de bonne souche, d'une de ces vieilles familles de basse Normandie qui, dans ces temps-là, firent de leur entêtement de l'héroïsme, en aimant mieux s'exiler que changer de religion. Son père, médecin et, dit-on, professeur de belles-lettres à Genève, lui enseigna le latin et les mathématiques. Jacques Du Perron, de lui-même, voulut mordre plus avant au fruit de la science; il apprit le grec et l'hébreu. Pourquoi, jeune, s'en vint-il à Paris? C'est ce qu'on ne sait point. Était-ce par instinct d'ambitieux, ou son père, étant venu à mourir, l'avait-il laissé sans ressources? Le fait est qu'avec ce flair qui caractérise tous ceux qu'une sourde rage

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