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Ainsi tu roules, aloüette,
Ma doucelette mignonnette,
Qui plus qu'un rossignol me plais,
Qui chante en un boccage espais.

Tu vis sans offenser personne,
Ton bec innocent ne moissonne
Le froment, comme ces oiseaux
Qui font aux hommes mille maux,
Soit que
le bled rongent en herbe,
Ou soit qu'ils l'egrainent en gerbe :
Mais tu vis par les sillons vers

De petits fourmis et de vers,

Ou d'une mouche, ou d'une achée 1;

Tu portes aux tiens la bechée,

A tes fils non encor ailez,

D'un blond duvet emmantelez.

A grand tort les fables des poëtes
Vous accusent vous, aloüettes,
D'avoir vostre pere hay,

Jadis, jusqu'à l'avoir trahy,
Coupant de sa teste royale
La blonde perruque fatale;
En laquelle un poil il portoit

En qui toute sa force estoit 2.

Mais quoy? vous n'êtes pas seulettes 3

A qui la langue des poëtes

A fait grand tort : dedans le bois,

Le rossignol à haute vois,

Caché dessous quelque verdure,

Se plaint d'eux, et leur dit injure.

1 Petit ver.

Selon la Fable, Scylla, fille de Nisus, à la prière de Minos, son amant, coupa le cheveu d'or auquel était attachée la fortune de son père, et fut changée en alouette. 3 Les seules.

3

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5

Ne laissez, pour cela, de vivre
Joyeusement, et de poursuivre,
A chaque retour du printemps,
Vos accoustumez passetemps:
Ainsi jamais la main pillarde
D'une pastourelle mignarde,
Parmy les sillons espiant
Vostre nouveau nid pepiant 6,
Quand vous chantez, ne le desrobe

Ou dans sa cage ou sous sa robe.
Vivez, oiseaux, et vous haussez
Tousjours en l'air, et annoncez,
De vostre chant et de vostre aile,
Que le printemps se renouvelle.

(Extrait du recueil des poésies de Ronsard,
qui a pour titre : les Gayetez.)

1 Dans le sens de..., c'est bien ce que... - 2 Onomatopée, imitant le cri de l'hirondelle.. 3 Autre onomatopée.

- A cause...

Le sens est: que ja

mais... 6 Mot formé par onomatopée, pour rendre les petits cris de la couvée dans son nid.

PONTUS DE TYARD'

1521 - 1603

Est-ce une apparition fantastique, une fiction poétique, que cet astre de la Pléiade de Ronsard? son éclat serait-il pareil à celui de ces étoiles filantes que le même regard voit briller et s'éteindre? Sa renommée ne serait-elle qu'une de ces trompettes complaisantes que le moindre souffle de la fortune fait résonner?

Nous serions tenté de répondre affirmativement à ces questions si notre respect filial pour le grand siècle de la Renaissance ne nous imposait le devoir d'y regarder à deux fois avant de nous inscrire en faux contre le témoignage d'une génération tout entière. Nous ne pouvons jeter dédaigneusement au panier, sans les feuilleter, des livres dont faisaient leurs délices des hommes qui par leurs écrits, éprouvés au creuset du temps, charment encore nos loisirs. Ces poëtes, dans lesquels Amyot, Montaigne, De Thou, Dorat, le maître de Ronsard, Muret, son commentateur, et Binet, son biographe, voyaient les rivaux des plus fameux poëtes de l'antiquité, méritent, ce nous semble, un regard attentif et curieux de notre part.

Le moment est venu de la lumière et de la vérité pour tous, depuis qu'un éminent critique, savant sans pédantisme, bienveillant sans faiblesse, sévère sans cesser d'être équitable, a placé sous les yeux des amis des lettres les titres oubliés des poëtes du XVIe siècle. M. Sainte-Beuve, en signalant les richesses littéraires enfouies dans les livres poudreux et dédaignés de cette époque, a

1 Nous croyons devoir déroger ici, par exception, à l'ordre chronologique rigoureusement suivi par nous, à partir de ce second volume. Nous avons voulu laisser Ronsard ouvrir la marche dans le glorieux défilé des poëtes de la seconde moitié du xvie siècle. Pontus de Tyard, comme membre de la Pléiade, ne pouvait venir qu'à la suite de celui qui en fut le prince et le chef. (Note de l'éditeur.)

donné l'exemple à de nombreux investigateurs qui, guidés par lui, comme le mineur par la lampe de sûreté, ont pénétré dans les entrailles de cette mine aux couches puissantes.

Pour notre part, nous nous sommes attaché à la recherche d'un petit filon perdu sous le sol inexploré d'une de nos provinces, la Bourgogne, d'où il s'étendit jusqu'à Paris, où son existence fut révélée, jadis, par Almaque Papillon, un intime de Marot, par Bonaventure Des Periers, par les rabelaisiens Des Autelz et Tabourot, enfin par le docte poëte Pontus de Tyard.

C'est à ce dernier, qui a occupé sur le Parnasse du xvIe siècle une vaste place, qu'il s'agit d'en trouver une petite dans cette nouvelle Anthologie française. Oui, une petite place, c'est tout ce que nous demandons pour ce Pontus de Tyard qui, au dire du Parisien Maurice de La Porte, en ses Épithètes françoises (1580), « fut un des premiers qui retira notre poésie hors du bourbier d'ignorance..,» une petite place pour ce divin Tyard dont le prince du sonnet1 chantait le doux style, et dont notre Terpandre 2 invoquait la muse. Nos prétentions, on le voit, sont modestes, et pour cause; les bouquets poétiques de cette anthologie ne s'adressent pas aux contemporains de Pontus de Tyard; or,

"Le temps qui change tout change aussi nos humeurs."

Le poëte historiographe du grand roi Soleil a-t-il vu dans ce changement ce qu'il faut y voir, non un caprice de la mode, mais l'application de la loi inflexible du progrès qui, après s'être servi de Pontus de Tyard et de ses collègues de la Pléiade, les a renversés pour passer outre? Ils avaient accompli leur mission. C'est à nous de tenir compte de leurs généreux efforts. Pontus de Tyard a donc droit à une mention, à une petite étude dans ce livre, ne fût-ce qu'à titre de sentinelle avancée sur la route que notre littérature a frayée à travers le xvi siècle.

Pontus de Tyard, gentilhomme mâconnais, seigneur de Bissy, naquit dans le petit manoir de ce nom, vers 1521. Il passa une partie de son existence dans les palais de nos rois et mourut dans un château. C'est dire que la vie lui fut aussi accorte et riante que le permirent les orages de ce siècle fiévreux de jeunesse, où les idées et les glaives s'entrechoquaient, où le son des lyres se mêlait au bruit des arquebusades, où l'on répandait le sang humain dans le banquet de la vie comme

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le vin dans les festins. Pontus de Bissy se montra presque à la hauteur de cet âge héroïque; il en refléta les qualités et sut échapper à la plupart de ses défauts. Écolier d'élite de l'Université de Paris en 4537, il s'enrôla, l'un des premiers, pour cette belle guerre que la jeunesse studieuse et lettrée de la fin du règne de François Ier entreprit contre l'ignorance. Nous le découvrons avec Maurice Scève, de Lyon, Théodore de Bèze, de Vézelay, Jacques Pelletier, du Mans, et Étienne Pasquier, de Paris, à l'avant-garde de la légion des poëtes de la Renaissance, alors que Ronsard organisait seulement sa brigade. Aussi, quand elle leva bannière à son tour, Pontus y fut-il reçu avec acclamation; ce n'était pas un conscrit qu'elle recrutait, mais un volontaire aguerri. Deux ans avant la publication de l'Olive de Du Bellay et des premières poésies de Ronsard, il avait déjà composé ses Erreurs amoureuses. On était en 4548, c'est-à-dire encore fort loin de l'Art poétique de Boileau, assez loin même de ceux de Claude Boissière et Vauquelin de La Fresnaye; Thomas Sibilet venait seulement de publier le sien.

La chronologie est d'une grande importance à cet âge enfantin de notre poésie; pour juger celle-ci avec équité, on doit la comparer à ce qu'elle était avant ce temps-là, et non à ce qu'elle fut dans la suite; il faut relever avec soin les dates des livres et les actes de naissance de leurs auteurs.

Contrairement aux habitudes des écrivains et surtout des poëtes qui aiment à parler d'eux-mêmes, Pontus de Tyard ne fit jamais de cette littérature personnelle qui rend si facile la biographie de certains auteurs. Il se montre à peine dans ses préfaces et dans quelques vers où percent sa douce philosophie et ses franches amitiés, comme au début de cette élégie :

Je n'oserois, Ronsard, je n'oserois penser,

Que de toi, qui m'es cher, l'heur me puisse offenser;

Mais je confesse bien que ma trainante vie

Porte à la tienne heureuse une secrète envie;
Non, pour ce que tu as l'œil gracieux du Roi;
Le désir courtisan ne me tient en émoi,
Ni pour ce que Fortune en biens te favorise ;
Elle, aveugle, me suit plus que je ne la prise;
Ni pour ce que, dispos, jeune et beau je te voi:
Nature de tels biens ne fut trop chiche en moi;
Ni pour ce qu'a jamais ton savoir te fait vivre:
En cela me suffit t'admirer et te suivre;
Mais pour ce qu'en amour, duquel nous sommes serfs,
Tu te gaignes toujours, et toujours je me perds.

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