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PRIÈRE ET CONFESSION

Si je me desguisois, tes clairs yeux sont en moi,
Ces yeux qui peuvent tout et desfont toutes ruses,
Qui pourroit s'excuser, accusé par son Roi?

Je m'accuserai donc, afin que tu m'excuses.

Père plein de douceur, comme aussi juste Roi,
Qui de Grâce et de Loi tiens en main les balances,
Comment pourrai-je faire une paix avec toi,
Qui ne puis seulement faire treve aux offenses?

Je suis comme aux enfers par mes faits vicieux;
Je suis noir et sanglant par mes pechés; si ai-je3
Les ailes de la foi pour revoler aux cieux,
Et l'eau de Siloé 3 me blanchit comme neige.

Exauce-moi du ciel, seul fort, bon, sage, et beau,
Qui donne au jour le clair et le chaut à la flamme,
L'estre à tout ce qui est, au soleil son flambeau,
Moteur du grand mobile, et ame de toute ame.

Tu le feras, mon Dieu, mon espoir est certain,
Puisque tu l'as donné pour arre et pour avance;
Et ta main bienfaisante est cette seule main
Qui parfait sans faillir l'œuvre qu'elle commence.

Ne desploye sur moi ce grand vent consumant
Tout ce qui lui resiste, et ce qu'il veut atteindre :
Mais pour donner la vie au lumignon fumant,
Souffle pour allumer, et non pas pour esteindre.

Tu m'arroses du ciel, ingrat qui ne produis
Qu'amers chardons au lieu de douces medecines.

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Pren ta gaule, Seigneur, pour abatre ces fruicts,
Et non pas la coignée à couper les racines.

Use de chastiment, non de punition;

Esmonde mes jettons 1, laisse la branche tendre,
Ainsi que pour chasser l'air de l'infection 2,
Mettant le feu partout, on ne met rien en cendre.

SONNET

Sire, vostre Citron qui couchoit autrefois
Sur vostre lit sacré, couche ores sur la dure,
C'est ce fidèle chien qui apprit de nature

A faire des amis et des traistres le choix.

C'est luy qui les brigands effroyoit de sa voix,
Des dents, les meurtriers. D'où vient donc qu'il endure
La faim, le froid, les coups, les desdains et l'injure,
Paiement coustumier du service des rois?

Sa fierté, sa beauté, sa jeunesse agreable,
Le fit cherir de vous, mais il fut redoutable
A vos lasches ennemis par sa dexterité 3.

Courtisans, qui jettez vos desdaigneuses veües
Sur ce chien delaissé, mort de faim par les rues,
Attendez ce loyer de la fidélité.

6

(Petites OEuvres meslées.)

1 Rejetons. -2 C'est-à-dire un air infect. Peut-être doit-on lire de l'air l'infection. S'il faut en croire D'Aubigné, le sonnet que nous citons fut attaché au cou de ce chien, qui avait appartenu à Henri IV, et que l'on mit sur le passage du roi, lors d'un voyage qu'il fit à Agen (Voy. la Confession catholique du sieur de Sancy, liv. I, ch. v.) C'est une éloquente allusion à l'ingratitude dont le Béarnais a été accusé par ses serviteurs les plus dévoués. • Maintenant. Ce vers a treize pieds. 5

6 Regards. - 7 Salaire.

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Notre passé littéraire abonde en poëtes peu connus chez qui, lorsqu'on les étudie avec attention, on découvre de ces qualités primesautières qui semblaient devoir les mettre au premier rang, et leur faire occuper dans le souvenir de leurs compatriotes une place plus importante que celle qu'ils y tiennent. Tantôt c'est une hardiesse de tours que seuls ils ont tentée, tantôt c'est un accent nouveau, accent attendri ou fier, un ton sur lequel ils ont chanté dans un moment unique d'inspiration, une note qui se perd, s'évanouit, que leurs successeurs ne retrouvent plus.

Il semble que, pour cette raison même, de tels poëtes nous devraient être plus précieux. Certes, il a mérité sa renommée, celui qui a tenté et accompli une réforme importante dans l'art des vers, qui a enrichi la langue poétique, qui, par des emprunts faits aux langues mortes, a doté la langue française d'épithètes vives en couleurs, éclatantes, neuves, frappantes. Il n'a pas non plus volé sa gloire celui qui, préoccupé de l'harmonie, amoureux de l'ordre et du logique enchaînement des idées, a appliqué son talent à une réforme d'un autre genre, qui, à tort ou à raison, a voulu modérer les excès de l'imagination, brider la fantaisie, mettre l'art dans une voie plus sûre, plus régulière, moins encombrée d'obstacles. La première tentative fut la gloire de Ronsard; c'est à l'autre réforme que Malherbe dut sa renommée. Mais n'est-ce pas une injustice que de dédaigner, de laisser s'anéantir à jamais dans l'oubli un poëte qui n'a été ni voulu être, de sa vie, un réformateur, encore moins un législateur, qui s'est contenté d'être poëte à ses heures, au gré et à la merci de son inspiration, parlant la langue qu'il

savait, écoutant sa muse, et surtout écoutant son âme, presque poëte sans le savoir?

Tel fut Gilles Durant, sieur de La Bergerie. Il était né en Auvergne, et, comme Passerat, il avait étudié le droit à Bourges, sous Cujas. C'était un savant, un jurisconsulte renommé. Elle est vraiment étonnante et admirable, cette famille de poëtes-savants du xvre siècle, qui, après avoir passé quatorze heures par jour à des lexiques, à des commentaires, le soir, entre amis, après un souper frugal, improvisaient des vers, mêlant le badinage avec les études fortes, unissant les travaux opiniâtres aux joyeux propos, la vie de l'esprit la plus raffinée aux mœurs bourgeoises.

Pour quelques-uns, comme on le comprend, cela n'allait pas sans combats intérieurs. En quittant Bourges, Gilles Durant était venu plaider à Paris. En peu de temps, il devint une des gloires du barreau. Mais l'amour des vers était plus puissant et l'empêchait de jouir en paix de ses succès; il était malheureux au milieu de ses triomphes. En vrai poëte, il s'en consolait en le disant au papier:

Mon humeur n'est point tournée

Au train de ma destinée;

Ce que je suis me deplaist,

Ce que je ne suis me plaist.

Et en effet, on le croit sur parole. Ces vers sont si bien tournés, si coulants, si naturels, qu'il doit bien coûter au poëte de se priver du plaisir d'en faire. Mais il lui faut faire son métier d'avocat !

Plaider, consulter, ecrire,

Et me donner de l'ennuy
Pour les affaires d'autruy,
N'est point ce que je desire.

Il eût préféré le sort de Marot, dont il a recueilli l'héritage poétique, quand il lui eût fallu être pauvre comme lui. Au moins, il n'eût pas été toujours à arpenter les salles de ce maudit palais :

Je suis soûl de ma fortune;
Ce que je fais m'importune;
Le Palais m'est un poison.
Je n'aime point le Jason,
Le Balde ni le Bartole.

Oh! antipathie bien naturelle, et comme l'on sent, à l'aisance des vers, que le poëte ne ment pas !

Je ne puis les caresser,

Quand ils devraient m'amasser

Tous les sablons de Pactole.

A ce goût du far niente, à cet amour des vers, Durant joint un penchant invincible à une volupté tour à tour folâtre et mélancolique. Il est un précurseur de Voiture, et parfois sa poésie fait pressentir La Fare et Chaulieu. Il est plus naïf, plus convaincu que ces derniers, et en même temps moins content de lui, moins infatué. C'est la consciencieuse et modeste nature du xvIe siècle. Ce n'est pas un poëte de cour, c'est un bourgeois qui écrit parce qu'il lui plaît d'écrire. On n'imaginait pas alors qu'il fût ridicule à un honnête homme, de mœurs paisibles, de faire des vers:

Et cependant je m'amuse

Aux doux mestiers de la Muse

Qui me font passer le temps.

Non pas qu'il fût un épicurien sans autre passion que celle de rimer. Il était un ardent patriote comme Passerat, il était aussi un catholique attaché de tout son cœur à sa religion. Les misères de son temps ne le laissaient pas indifférent, il s'écriait en s'adressant aux Français d'alors, ce peuple bigarré de tant de factions:

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Se mocquent à vous voir sanglants de vos querelles.

Il souffrait de voir les momeries sanglantes du temps. Il maudissait la Ligue et pourtant il n'était pas athée et encore moins insouciant ou protestant, comme on tenta de l'insinuer contre lui et tous les auteurs de la Ménippée. C'est même comme catholique, qu'il s'indigna à la mort de Marie Stuart et jeta cet appel à son pays :

Je vous dis qu'une royne et vertueuse et belle,
Meurt, contre toutes lois, d'une façon cruelle,
Pour avoir embrassé la foi que vous suivez;
Si c'est crime cela, vivre vous ne devez.

Certes, ce n'est pas un huguenot qui parle, c'est un naïf catholique, fidèle à la foi de ses pères. Il est inutile de faire remarquer l'éloquence

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