Ou par la ville, ou au palais, My courbé sur mon estomac, Ou de quelques joyeux devis Tu t'entretiens, ou bien tu chantes, Jeu du temps, que nous ne connaissons plus. 2 A demi. Bref, tu ne prens aucun souci Et que je ne suis rien, si non STANCES Il n'est rien si puissant que l'Amour et la Mort, Amour, comme il lui plaist, nous fait vivre et mourir; Et l'Amour, pour mourir, d'Amour ne se delivre. C'est-à-dire le trésorier, celui qui donne l'argent pour la dépense. * Pour guérir. Jusques dans les enfers, Amour nous va suivant, La Mort, dont le pouvoir s'amortist dans les cieux, Le malheur de la Mort, fin de tous nos malheurs, Noye au fleuve d'oubly nos penibles pensées : L'Amour, commencement de toutes nos douleurs, Nourrit le souvenir de nos peines passées. Si la Mort, nous ayant au tombeau renfermez, Amour, fils de Venus, Mort, fille du Destin, Mais l'une m'est trop douce et l'autre trop amere. 1 C'est-à-dire : ne nous suit que... 2 C'est-à-dire : terrestres Il nous est très-difficile en France d'admirer les grands hommes protestants; il nous est presque impossible de les aimer. Quelles sont les raisons de cette hostilité qui dure encore, malgré les progrès de l'esprit philosophique? Elles sont toutes instinctives, elles sont toutes nationales. Nous sommes des gentils devenus chrétiens, tandis que les protestants semblent des juifs convertis. Comment notre caractère et notre génie d'expansion s'accorderaient-ils avec le caractère concentré, avec le génie tendu de la Réforme? Gaulois et Francs, remués de Grecs et de Romains, aventureux et classiques tout à la fois, païens baptisés dans nos sources pleines de naïades et hantées par les fées, nous avons dû longtemps haïr et combattre ces terribles fils de la Bible, ces nouveaux circoncis qui se disaient régénérés par l'eau du Jourdain. Libres de mœurs, que nous importait la liberté dogmatique et théologique? Enfants gâtés de l'imagination antique et de la légende dorée, qu'avions-nous affaire de ces briseurs d'images qui, sous prétexte de renouveler la foi par la raison, dépeuplaient sans merci le monde surnaturel, traitaient les arts comme de vaines superstitions, et ramenaient à l'humanité moderne le Dieu jaloux de l'Ancien Testament? Deux huguenots seulement ont triomphé de l'antipathie nationale: un homme d'État popularisé par le xvII° siècle, Sully; un guerrier et un poëte en qui étincelaient, malgré l'austérité des doctrines, l'héroïque et pétulante vivacité de la nation française, Théodore - Agrippa d'Aubigné! Rien ne manque aujourd'hui au renom de cet homme illustre. La postérité ne marchande ni son admiration ni son amitié à celui que ses coreligionnaires appelaient autrefois le bouc du Désert. La vie d'Agrippa d'Aubigné n'est ignorée de personne. Elle frappe les imaginations par cette multitude d'épisodes merveilleux qui sont les saillies des caractères vraiment poétiques. Nous n'en rappellerons que les principaux traits, et cela suffira pour en faire éclater l'unité morale, au milieu de l'entraînante diversité des événements. Agrippa d'Aubigné a eu ce bonheur d'agir avec éloquence, et de résumer éloquemment chacune de ses actions par un de ces mots inspirés qui se gravent d'eux-même sur le métal de l'histoire. Son enfance ressemble à celle d'Annibal. Amené par son père devant les gibets des conjurés d'Amboise, il jure de venger les martyrs de sa foi, tandis que résonnent à son oreille ces implacables paroles : « Mon fils, il ne faut point épargner ta tête après la mienne, pour venger ces chefs pleins d'honneur; si tu t'y épargnes, tu auras ma malédiction. » A l'âge de dix ans, menacé des rigueurs de l'inquisition, il laisse échapper cette sublime parole: « L'horreur de la messe m'òte celle du feu, » qui contraste si noblement avec le fameux mot historique de Henri IV: « Paris vaut bien une messe. » Familiarisé de bonne heure avec les études classiques, il sait le latin, le grec et l'hébreu, il traduit le Criton à cette époque de la vie où les autres enfants savent à peine lire. Mais pendant qu'il feuillette les vieux auteurs, des images guerrières passent devant ses yeux. Le voilà qui s'échappe en chemise du logis où on le retient presque captif. Il monte en croupe, à peu près nu, derrière un capitaine de huguenots, et murmure gaillardement: : «< Au moins je n'accuserai pas la guerre de m'avoir dépouillé. » Son brillant courage l'ayant fait distinguer en rase campagne, le jeune Agrippa devient l'écuyer de roi de Navarre, qui trouve en lui du même coup un serviteur et un contrôleur, c'est-à-dire un ami à toute épreuve, décidé à plaire et à déplaire, toujours prêt à blesser pour guérir, à gronder par sollicitude, à morigéner par tendresse. Le dévouement de l'écuyer pour son maître allait tout naturellement jusqu'au sacrifice de la vie, mais il se refusait à toute complaisance qui n'eût pas été d'accord avec l'honneur le plus scrupuleux. Quoiqu'il fût libertin dans sa première jeunesse, et même débauché, comme tout bon gentilhomme de son temps, D'Aubigné ne prêta jamais la main aux galantes intrigues du Diable à quatre. L'ami passionné du roi était l'ennemi passionné des maîtresses. Les écarts du tempérament laissaient toujours saufs en lui le sentiment moral et la croyance religieuse. Henri languissait enchaîné à la cour des Valois : D'Aubigné le jeta dans l'air frémissant de la guerre, la tête exposée à de nobles dangers, l'esprit occupé de mâles distractions, l'âme toute ouverte aux grands desseins. |