תמונות בעמוד
PDF
ePub

Il faut parler d'amour, et de liesse.

Ayant choisy une belle maîtresse,

J'ayme, et j'honore et sa race et sa grace;

C'est mon Phoebus, ma Muse, et mon Parnasse :
C'est trop pleuré.

Digne qu'un seul l'ayme, et soit aymé d'elle,

Luy soit espoux, amy, et serf fidelle,
Autant qu'elle est sage, belle et honneste,
Qui daigne bien de mes vers faire feste:
C'est trop pleuré.

Va-t'en, chanson, au sein d'elle te mettre,
A qui l'honneur (qui ne me doit permettre
Telle faveur) est plus cher que la vie.
Ila, que ma main porte à ton heur d'envie!
C'est trop pleuré.

FRAGMENTS

DU POEME INTITULÉ: LE COURTISAN RETIRÉ

Ainsi ce courtisan parloit, se pourmenant, Mais apres quelque pause, il dit, continuant : «Quant au lieu d'où je viens ', et ce qui plus m'offense,

Est que l'homme à la femme y rend obeissance,

Le docte à l'ignorant, le vaillant au couard,

Au prestre le gendarme, à l'enfant le vieillard,

A l'insensé le sage: et vertu fait service
A faveur, ignorance, à fortune, et au vice.

1 La Cour.

Tout y va comme il plaist aux femmes, et au temps!

[ocr errors]

« Cependant mon credit, et mes amis sont morts,
Ma fortune est passée, et souffre mil remorts:
Voyla comme à la cour il m'a fallu repaistre
De fumée et de vent, sans jamais me cognoistre,
Où, perdant mes vertus, je me suis tout perdu:
Voyla comme mon âge en vain j'ay despendu,
Voyla comme mes ans ont esté un mensonge,
Ma vie une mort longue et ma jeunesse un songe,
Mes plaisirs scorpions: bref, la cour a esté
Un jeu où j'ay perdu et temps et liberté.

2

« Le loyer que j'en ay est que je m'en retorne
La memoire gastée, et le jugement morne,
Le chef gris, et la goutte aux jambes et aux mains,
Mes plus beaux ans passez, et la gravelle aux reins.
Ce qui plus me deplaist, est que je deplais ore 3
A tous, et tous à moy, et me deplais encore.

3

«En cour je ne vis oncque un libre, qui jouyssc
De sa liberté vraye, un content, un qui puisse
Satisfaire à chascun: car s'il est gracieux,
On le nomme flatteur: si grave, glorieux:
Si gaillard, éventé: s'il parle peu, ignare:
Si vaillant, estourdy : si ménager, avare.

« La cour est un theatre, où nul n'est remarqué
Ce qu'il est, mais chascun s'y mocque, estant mocqué:
Où Fortune, jouant, de nos estats se jouë,
Qu'elle tourne, et renverse, et change avec sa rouë.

« Tout y est inconstant, tout y est imparfait, L'un monte, et l'autre chet, et nul n'est satisfait.

1 Je, sous-entendu. 2 Pour: retourne. 3 A cette heure.

Tombe.

L'esprit bon s'y fait lourd, la femme s'y diffame,
La fille y perd sa honte, la veufve y acquiert blasme,
Les sçavants s'y font sots, les hardis esperdus,
Le jeune homme s'y perd, les vieux y sont perdus.

«Tous y sont deguisez, la fille y va sans mere,
La femme sans mary, le prestre sans breviaire,
Le moyne sans congé, sans habit le prelat,
Sans livres le docteur, sans armes le soldat.

« Helas, que je vous plains, ô chetifs courtisans Qui par mille soucis accourcissez vos ans,

Puis vous faittes des grands, des maistres et des braves,
Et ne regardez pas que vous estes esclaves
De mil affections, et celuy qui pourroit
Voir vostre cueur à nu, certes il le verroit

Plus tourmenté que n'est la mer, quand pesle-mesle
La tourmentent les vents, la tempeste, et la gresle:
Il le verroit miné d'éternelle langueur,

Rongé d'ambition, et navré de rancueur1!

« O combien plus heureux, celuy qui, solitaire,
Ne va point mendiant de ce sot populaire
L'appuy ni la faveur; qui, paisible, s'estant
Retiré de la cour et du monde inconstant,
Ne s'entre-meslant point des affaires publiques,
Ne s'assubjectissant aux plaisirs tyranniques
D'un seigneur ignorant, et ne vivant qu'à soy,
Est luy-mesme sa cour, son seigneur, et son roy;
Qui, n'estant point tenté d'avarice, d'envie,
D'orgueil, d'ambition, hameçons de la vie,

Et ne cherchant ailleurs qu'en soy-mesme son heur,
Est plus riche et content que le plus grand seigneur ! »

1 Pénétré de regrets.

Adieu, Cour, où l'on passe en vices la jeunesse,
En soucis l'âge mûr, en plaintes la vieillesse :
Adieu, Cour, puisqu'en toi n'y a autre deduit 1,
Que de trotter le jour et de jouer la nuit,

Se moquer de quelqu'un, leurer 2 quelques novices,
Conter quelque nouvelle et songer nouveaux vices.

Contre toi donc, ô Cour, je proteste et te prie
De ne pretendre plus nulle part à ma vie,
Puisque esperer de toy rien ne veux et ne doy,
Et que je ne pretends nulle chose de toy.

A UN SIEN AMY

Si jamais gentilhomme ait eu 3 part aux malheurs,
C'est moy qui n'eus jamais que misere et que larmes,
J'ayme à vivre paisible, et faut suivre les armes,
J'ayme à vivre gaillard, et faut vivre en douleurs :

J'ayme acquerir honneur, et cele mes valeurs 5,

J'ayme en seureté dormir, et n'oy" tousjours qu'allarmes,

J'ayme à voir la vertu, et ne voy que gendarmes,

J'ayme à faire la guerre, et ne voy que volleurs :

J'ayme à voir mon païs, et miserable j'erre,
Par divers temps et lieux, en une longue guerre.

Je n'ayme l'ignorance, et fault l'ouir habler.

J'oy mil' maux, et voudroye plus sourde avoir l'oreille, Je n'ayme le pillage, et s'il me fault piller,

Tandis, je fais des vers, dont chascun s'esmerveille.

1 Plaisir.

2 Tromper. - 3 Pour: a eu. -Gaiement. - Mérites.
8 Et pourtant il... -9 Pendant ce

8 Ce vers a treize pieds. 7 N'entends.

temps.

DU BARTAS

1544- 1590

S'il fallait illustrer par des exemples cette flottante destinée des livres et des écrivains que Terentianus Maurus a notée dans un vers dont notre inconstance, heureuse de s'en prendre à la fatalité, s'est hâtée de faire un proverbe, je citerais tout d'abord l'étrange et vaste épopée, qui se nomme la Sepmaine ou la création du monde, et son auteur Guillaume de Salluste, seigneur du Bartas. A l'heure où l'esprit et l'érudition ont révisé de concert le procès de la poésie méconnue du XVIe siècle, tandis que le moins industrieux des ouvriers de la pléiade regagnait du terrain et rafraîchissait son laurier aux sources vives, Du Bartas, écarté des assises où la critique consacrait ces réhabilitations triomphantes, a eu peine à trouver en France même un avocat pour plaider les circonstances atténuantes. En Allemagne, il a été moins abandonné, et je veux, au début de cette étude, mettre en avant l'apologie; l'accusation reviendra toujours assez vite.

<< Les Français ont eu, au xvr° siècle (c'est tout simplement Gotho « qui parle), un počte nommé Du Bartas, qui fut alors l'objet de leur « admiration. Sa gloire se répandit même en Europe, et on le traduisit << en plusieurs langues. Il a composé beaucoup d'ouvrages en vers a héroïques; c'était un homme d'une naissance illustre, de bonne « société, distingué par son courage, plus instruit qu'il n'appartenait « alors à un guerrier. Toutes ces qualités n'ont pu le garantir de l'in« stabilité du goût et des outrages du temps. Il y a bien des années « qu'on ne le lit plus en France, et si quelquefois on prononce encore « son nom, ce n'est guère que pour s'en moquer. Eh bien! ce même « auteur, maintenant proscrit et dédaigné parmi les siens et tombé du a mépris dans l'oubli, conserve en Allemagne son antique renommée,

« הקודםהמשך »