Marie, levez-vous, vous estes paresseuse, Ja la gaye aloüette, au ciel, a fredonné, Et ja le rossignol doucement jargonné, Dessus l'espine assis, sa complainte amoureuse.
Sus debout, allons voir l'herbelette perleuse, Et vostre beau rosier de boutons couronné, Et vos œillets mignons ausquels aviez donné, Hier, au soir, de l'eau, d'une main si soigneuse.
Harsoir 1, en vous couchant vous jurastes vos yeux, D'estre, plus tost que moy, ce matin, esveillee : Mais le dormir de l'aube, aux filles gracieux,
Vous tient d'un doux sommeil encor les yeux sillee 2. Ça, ça, que je les baise et vostre beau tetin, Cent fois, pour vous apprendre à vous lever matin.
Quiconque aura, premier 3, la main embesongnee A te coupper, forest, d'une dure congnee 3, Qu'il puisse s'enfermer de son propre baston, Et sente en l'estomac la faim d'Erisichthon Qui coupa de Ceres le chesne venerable, Et qui, gourmand de tout, de tout insatiable, Les bœufs et les moutons de sa mere engorgea, Puis, pressé de la faim, soy-mesme se mangea :
hier au soir. 2 C'est-à-dire les yeux encore fermés. Embesognée, c'est-à-dire occupée. Pour cognée.
Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre, Et se devore apres par les dents de la guerre!
Qu'il puisse, pour venger le sang de nos forests, Tousjours nouveaux emprunts sur nouveaux interests Devoir à l'usurier, et qu'en fin il consomme Tout son bien à payer la principale somme!
Que tousjours, sans repos, ne fasse en son cerveau Que tramer pour-néant quelque dessein nouveau, Porté d'impatience et de fureur diverse,
Et de mauvais conseil qui les hommes renverse! Escoute, Bucheron, arreste un peu le bras: Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas; Ne vois-tu pas le sang, lequel degoute à force,' Des Nymphes qui vivoient dessous la dure escorce? Sacrilege meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur, Combien de feux, de fers, de morts, et de detresses Merites-tu, meschant, pour tuer nos Deesses?
Forest, haute maison des oiseaux bocagers! Plus le cerf solitaire et les chevreuls legers Ne paistront sous ton ombre, et ta verte criniere Plus du soleil d'esté ne rompra la lumiere.
Plus l'amoureux pasteur sur un tronc adossé, Enflant son flageolet à quatre trous persé, Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette, Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette : Tout deviendra muet; Echo sera sans vois; Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois,
Dont l'ombrage incertain lentement se remuë,
Tu sentiras le soc, le coutre, et la charruë, Tu perdras ton silence, et Satyres et Pans, Et plus le cerf chez toy ne cachera ses fans.
.Adieu, vieille forest, le joüet de Zephyre, Où premier j'accorday les langues de ma lyre, Où premier j'entendi les fléches resonner D'Apollon, qui me vint tout le cœur estonner; Où, premier admirant la belle Calliope, Je devins amoureux de sa neuvaine trope, Quand sa main sur le front cent roses me jetta, Et de son propre laict Euterpe m'allaita.
Adieu, vieille forest, adieu, testes sacrées, De tableaux et de fleurs en tout temps reverées, Maintenant le desdain des passans alterez, Qui, bruslez en l'esté des rayons etherez, Sans plus trouver le frais de tes douces verdures, Accusent tes meurtriers, et leur disent injures!
Adieu, chesnes, couronne aux vaillans citoyens, Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui, premiers, aux humains donnastes à repaistre; Peuples vrayment ingrats, qui n'ont sçeu recognoistre Les biens receus de vous, peuples vrayment grossiers, De massacrer ainsi leurs peres nourriciers!
Que l'homme est malheureux qui au monde se fie! O Dieux, que veritable est la philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin perira,
Et qu'en changeant de forme, une autre vestira!
De Tempé la vallée, un jour, sera montagne, Et la cyme d'Athos, une large campagne : Neptune, quelquefois, de blé sera couvert : La matiere demeure et la forme se perd.
Mignonne, allons voir si la rose Qui, ce matin, avoit desclose Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu, cette vesprée, Les plis de sa robe pourprée Et son teint au vostre pareil.
Las! voyez comme, en peu d'espace, Mignonne, elle a, dessus la place, Las, las, ses beautez laissé cheoir! O vrayment marastre Nature, Puisqu'une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir!
Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que vostre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez vostre jeunesse : Comme à cette fleur, la vieillesse Fera ternir vostre beauté.
Couché sous tes ombrages vers,
Gastine, je te chante,
Autant que les Grecs, par leurs vers,
La forest d'Erymanthe.
Car, malin, celer je ne puis
A la race future,
De combien obligé je suis
A ta belle verdure.
Toy qui, sous l'abry de tes bois, Ravy d'esprit, m'amuses; Toy qui fais qu'à toutes les fois,
Me respondent les Muses; Toy par qui, de l'importun soin,
Tout franc je me delivre,
Lors qu'en toy je me pers1 bien loin, Parlant avec un livre;
Tes boccages soient tousjours pleins D'amoureuses brigades
De satyres et de sylvains, La crainte des naïades. En toy habite désormais Des Muses le college; Et ton bois ne sente jamais La flame sacrilege!
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