תמונות בעמוד
PDF
ePub

la fortune même et l'avenir de la poésie. Dix années d'études ardues, l'intuition vague mais certaine de l'avenir, l'ambition de ressusciter la Grèce parmi les brumes du nord et dans un pays déchiré par les guerres civiles, quarante ans de travaux, l'ennui des cours et la disgrâce des rois, le nom de l'amour glorifié, la France chantée et consolée, une renommée universelle dignement portée, puis la disgrâce, les longues souffrances, l'interminable agonie, une mort chrétienne et stoïque, n'est-ce pas de quoi mériter le noir rameau toujours arrosé de sang et de pleurs? Il n'aura manqué à Ronsard ni l'aspiration vers les infinis du beau, ni le désir de la perfection, ni le martyre, ni l'insulte; ne lui refusons donc pas sa place dans l'Olympe des poëtes, où il a le droit de porter la pourpre, sinon près de ceux à qui il tentait de ressembler, du moins à côté de Virgile et d'Horace, dans ce groupe qui, loin des aveuglantes splendeurs d'Homère, de Pindare et d'Eschyle, traîne après lui une douce lueur d'étoiles et de crépuscule.

THÉODORE DEe Banville.

SONNETS

Je fuy les grands chemins frayez du populairc,
Et les villes où sont les peuples amassez :
Les rochers, les forets, desjà sçavent assez
Quelle trempe a ma vie estrange et solitaire.

Si1 ne suis-je si seul, qu'Amour, mon secrétaire,
N'accompagne mes pieds debiles et cassez;
Qu'il ne conte mes maux, et presens et passez,
A ceste voix sans corps 2 qui rien ne sçauroit taire.

Souvent plein de discours, pour flatter mon esmoy,
Je m'arreste, et je dy: Se pourroit-il bien faire
Qu'elle pensast, parlast, ou se souvinst de moy?

Qu'à sa pitié mon mal commençast à déplaire?
Encor que je me trompe, abusé du contraire,
Pour me faire plaisir, Helene, je le croy.

Je vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs epanies 3:

5

Qui ne les eust à ce vespre cueillies,
Cheutes à terre elles fussent demain.

Cela vous soit un exemple certain

Que vos beautez, bien qu'elles soient fleuries,
En peu de temps cherront" toutes fletries,
Et, comme fleurs, periront tout soudain.

1 Pourtant, je ne suis pas si seul qu'Amour... -2 L'écho. 3 Pour: épanouies. - C'est-à-dire : si on ne les eût... 5 Ce soir. 6 Tomberont.

-

Le temps s'en va, le temps s'en va, ma dame,
Las! le temps non, mais nous, nous en allons,

Et tost serons estendus sous la lame :

Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, ne sera plus nouvelle:
Pour ce', aymez-moy, ce pendant qu'estes belle.

Genèvres herissez, et vous, houx espineux,
L'un hoste des deserts, et l'autre d'un bocage:
Lierre, le tapis d'un bel antre sauvage,
Source, qui bouillonnez d'un surgeon sablonneux;

2

Pigeons, qui vous baisez d'un baiser savoureux, Tourtres, qui lamentez d'un eternel veufvage, Rossignols ramagers, qui, d'un plaisant langage, Nuict et jour rechantez vos versets amoureux;

Vous à la gorge rouge, estrangere arondelle,
Si vous voyez aller ma nymphe en ce printemps,
Pour cueillir des bouquets par ceste herbe nouvelle,

Dites-luy, pour neant, que sa grâce j'attens,
Et que pour ne souffrir le mal que j'ay pour elle,
J'ay mieux aimé mourir que languir si longtemps.

Vous mesprisez nature: estes-vous si cruelle De ne vouloir aymer? Voyez les passereaux Qui demenent l'amour, voyez les colombeaux; Regardez le ramier, voyez la tourterelle:

1 C'est pourquoi. -2 Flot. -31ourterelles.

Voyez, deçà delà, d'une fretillante aile
Voleter par les bois les amoureux oiseaux ;
Voyez la jeune vigne embrasser les ormeaux,
Et toute chose rire en la saison nouvelle.

1

Icy, la bergerette, en tournant son fuseau,
Desgoise ses amours, et là, le pastoureau
Respond à sa chanson: icy, toute chose aime,

Tout parle de l'amour, tout s'en veut enflamer:
Seulement vostre cœur, froid d'une glace extrême,
Demeure opiniastre et ne veut point aimer.

Je mourrois de plaisir, voyant par ces bocages
Les arbres enlacez de lierres espars,
Et la verde lambrunche errante en mille pars
Sur l'aubespin fleuri près des roses sauvages.

Je mourrois de plaisir, oyant les doux ramages
Des hupes, des coqus et des ramiers rouhars
Dessus un arbre verd, bec en bec fretillars,
Et des tourtres, aux bois, voyant les mariages.

Je mourrois de plaisir, voyant, en ces beaux mois,
Debusquer un matin le chevreuil hors du bois,

5

Et de voir fretiller dans le ciel l'alouette;

Je mourrois de plaisir où je languis transi,
Absent de la beauté qu'en ce pré je souhaite :
Un demy-jour d'absence est un an de souci.

1 Raconte. Vigne vierge, -3 Pour coucous. - Roucoulants. tir brusquement, déboucher.

$ Sor

Il ne faut s'esbahir, disoient ces bons vieillars1,
Dessus le mur troyen voyant passer Helene,
Si pour cette beauté nous souffrons tant de peine,
Nostre mal ne vaut pas un seul de ses regars.

Toutesfois il vaut mieux, pour n'irriter point Mars,
La rendre à son espoux, afin qu'il la remmeine,
Que voir de tant de sang nostre campagne pleine,
Nostre havre gaigné, l'assaut à nos rampars

Peres, il ne falloit, à qui la force tremble,
Par un mauvais conseil les jeunes retarder;
Mais, et jeunes et vieux, vous deviez, tous ensemble,
Pour elle, corps et biens, et ville hazarder.
Menelas fut bien sage, et Paris, ce me semble,

L'un de la demander, l'autre de la garder.

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise auprès du feu, devisant et filant,

Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant :

« Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle. »

Lors, vous n'aurez servante oyant 3 cette nouvelle,
Desjà sous le labeur à demy sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s'aille reveillant,
Benissant vostre nom de louange immortelle.

Je serai sous la terre, et, fantosme sans os,
Par les ombres myrteux je prendray mon repos;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et vostre fier desdain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain;
Cueillez dès aujourd'huy les roses de la vie.

1 Allusion à un célèbre passage de l'Iliade. Notre port envahi. tendant. A l'ombre des myrtes.

-3 En

« הקודםהמשך »