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CHŒUR D'ESTHER

(Acte III.)

TOUT LE CHOEUR.

Dieu fait triompher l'innocence :
Chantons, célébrons sa puissance.

UNE ISRAÉLITE.

Il a vu contre nous les méchants s'assembler,
Et notre sang prêt à couler,

Comme l'eau sur la terre, ils allaient le répandre;
Du haut du ciel sa voix s'est fait entendre,
L'homme superbe est renversé ;

Ses propres flèches l'ont percé.

UNE AUTRE.

J'ai vu l'impie adoré sur la terre :
Pareil au cèdre, il cachait dans les cieux
Son front audacieux;

Il semblait à son gré gouverner le tonnerre,
Foulait aux pieds ses ennemis vaincus ;
Je n'ai fait que passer, il n'était déjà plus.

UNE AUTRE.

Ton Dieu n'est plus irrité;
Réjouis-toi Sion, et sors de la poussière;
Quitte les vêtements de ta captivité,

Et reprends ta splendeur première.
Les chemins de Sion à la fin sont ouverts:
Rompez vos fers,

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Tristes captives,

Troupes fugitives,

Repassez les monts et les mers,

Rassemblez-vous des bouts de l'univers.

UNE ISRAELITE, seule.

Je reverrai ces campagnes si chères.

UNE AUTRE.

J'irai pleurer au tombeau de mes pères.

TOUT LE CHOEUR.

Repassez les monts et les mers, Rassemblez-vous des bouts de l'univers.

UNE ISRAELITE, seule.

Relevez, relevez les superbes portiques
Du temple où notre Dieu se plaît d'être adoré!
Que de l'or le plus pur son autel soit paré,
Et que du sein des monts le marbre soit tiré.
Liban, dépouille-toi de tes cèdres antiques;
Prêtres sacrés, préparez vos cantiques.

UNE AUTRE.

Dieu descend et revient habiter parmi nous;
Terre, frémis d'allégresse et de crainte;
Et vous, sous sa majesté sainte,

Cieux, abaissez-vous.

UNE AUTRE.

Que le Seigneur est bon, que son joug est aimable!
Heureux qui, dès l'enfance, en connaît la douceur!
Jeune peuple, courez à ce maître adorable;
Les biens les plus charmants n'ont rien de comparable
Aux torrents de plaisirs qu'il répand dans un cœur.
Que le Seigneur est bon, que son joug est aimable!
Heureux qui, dès l'enfance, en connaît la douceur!

UNE AUTRE.

Il s'apaise, il pardonne;
Du cœur ingrat qui l'abandonne

Il attend le retour;

Il excuse notre faiblesse;

A nous chercher même il s'empresse;
Pour l'enfant qu'elle a mis au jour
Une mère a moins de tendresse.
Ah! qui peut avec lui partager notre amour!

TROIS ISRAELITES.

Il nous fait remporter une illustre victoire.

L'UNE DES TROIS.

Il nous a révélé sa gloire.

TOUTES TROIS ENSEMBLE.

Ah! qui peut avec lui partager notre amour!

TOUT LE CHOEUR.

Que son nom soit béni! que son nom soit chanté!
Que l'on célèbre ses ouvrages

Au delà des temps et des âges,
Au delà de l'éternité!

ÉPIGRAMME

SUR LA TRAGÉDIE D'ANDROMAQUE

Le vraisemblable est peu dans cette pièce, Si l'on en croit et d'Olonne et Créqui : Créqui dit que Pyrrhus aime trop sa maîtresse, D'Olonne, qu'Andromaque aime trop son mari.

CHAULIEU

1639 -1720

Le nom de Chaulieu éveille dans l'esprit une image très-nette: on se figure tout de suite une belle tête de vieillard épanoui, riant et pétillant sous sa blanche chevelure, un patriarche de la volupté, une espèce d'Anacréon gaulois et rabelaisien, un abbé de Thélème, qui sait par cœur Horace et Tibulle; c'est le berger débraillé du troupeau d'Épicure à la fin du XVIIe siècle. Comme poëte, on le voit escorté de son ami La Fare, de son maître Chapelle, de Saint-Aulaire et d'Hamilton, ainsi qu'il est représenté dans le Temple du Goût. Dans toute sa personne, la vie éclate et déborde; il a des étincelles dans les yeux, la chanson sur les lèvres et le verre à la main. L'abbé, malgré le poids des ans, serait la mobilité même, si ses pieds n'étaient enchaînés; mais quel est l'épicurien qui ne soit devenu goutteux? Chaulieu a la goutte, comme tous ces philosophes videurs de quartes, aux nez rouges et lumineux, » qu'a célébrés si gaillardement, en rimes redoublées, le compagnon de voyage de Bachaumont.

A l'aspect de ce vieillard anacréontique, on ne se douterait guère que l'ambition a tourmenté ce beau front couronné de pampre et de myrte. Guillaume Amfrye de Chaulieu rêva pourtant dans sa jeunesse tout autre chose que l'aimable gloire du « premier des poëtes négligés »> de son temps. Quoi qu'en dise Saint-Simon, qui le traite d'homme de peu, il était de bonne souche, puisque, selon le témoignage de l'abbé d'Estrées, il avait pour ancêtre un certain Roulph Amfrye qui eut l'honneur de combattre l'Anglais sous l'étendard de Charles VIII. Fils d'un maître des comptes, d'un conseiller à brevet, employé par Anne d'Autriche et par Mazarin, il avait naturellement ses entrées dans le monde de l'intrigue et de la brigue. Condisciple des

La Rochefoucauld, il parut de bonne heure dans les plus grandes maisons du royaume. Il se lia avec les Bouillon, les Condé, les Vendôme, et, trouvant l'occasion d'accompagner M. de Béthune dans son ambassade auprès de Sobieski, il espéra un instant de rester en Pologne avec le titre de résident de France. M. de Béthune revint sans grands résultats, et Chaulieu reparut à sa suite, ne rapportant de son voyage quc le fruit amer de ses mécomptes, une expérience précoce qui lui fit prendre une belle résolution: celle de s'attacher, pour être libre, à un maître qu'il pût dominer. L'abbé ne tarda pas à s'installer au Temple, entre les deux Vendôme, le duc et le grand-prieur. Il y gagna d'être bientôt comblé de bénéfices; il devint abbé d'Aumale et de Poitiers, de Chenel et Saint-Étienne, seigneur spirituel et temporel de SaintGeorges en l'île d'Oleron; il eut à peu près trente mille livres de rente. Sa philosophie d'épicurien n'en demandait pas davantage. Chaulieu, guéri de l'ambition, se résigna sans effort au bonheur. Il vécut à la Vendôme, c'est-à-dire dans un tourbillon d'ivresse, de bombance et de volupté quelquefois très-voisine de la crapule. Son tempérament énergique, et peut-être aussi son amour des lettres, si frivole qu'il fût, le sauvèrent de l'abrutissement où tomba son ami La Fare, que le chevalier de Bouillon appelait M. de La Cochonnière.

Quand on relit les poésies de Chaulieu, qui ne furent jamais imprimées de son vivant, mais qui sortirent un beau jour, pour le public, des portefeuilles du prince d'Auvergne, de madame de Bouillon et de M. de Talvende, neveu de l'abbé, on est étonné qu'elles aient si peu gardé la rebutante odeur de l'hôtel Vendôme. Sans doute la grossièreté n'en est pas tout à fait bannie, mais là même où elle se montre sans voile, elle est toujours sauvée par le naturel, par le rapide courant d'une verve étourdie, par mille souvenirs de l'antiquité poétique, gracieuses images dont le docteur Atterbury, le fameux évêque de Rochester, se trouvait charmé. Les contemporains de Chaulieu, d'ailleurs, ne s'offensaient pas de certaines libertés qui choqueraient les moins sévères d'entre nous. Ils le regardaient presque unanimement comme le poëte de la bonne compagnie. Ce surnom lui fut maintenu assez longtemps pour que l'abbé Prévost, dans le Pour et le Contre, y trouvât un prétexte d'attaquer vertement la prétendue influence de la bonne compagnie sur les écrivains. Voici la boutade assez singulière de l'abbé Prévost: Benserade et Voiture ont écrit pour la bonne compagnie de leur temps; celle d'aujourd'hui ne goûte guère leurs ouvrages. Écrire pour la bonne compagnie n'est autre chose que suivre le goût à la mode,

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