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FRAGMENT

DU POEME LE LUTRIN

(Chant second)

A ce triste discours, qu'un long soupir achève,
La Mollesse, en pleurant, sur un bras se relève,
Ouvre un œil languissant, et, d'une faible voix,
Laisse tomber ces mots qu'elle interrompt vingt fois :

« O Nuit! que m'as-tu dit? Quel démon sur la terre
Souffle dans tous les cœurs la fatigue et la guerre?
Hélas! qu'est devenu ce temps, cet heureux temps,
Où les rois s'honoraient du nom de fainéants,

S'endormaient sur le trône, et, me servant sans honte,
Laissaient leur sceptre aux mains ou d'un maire ou d'un comte?
Aucun soin n'approchait de leur paisible cour:

On reposait la nuit, on dormait tout le jour.

Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines

Faisait taire des vents les bruyantes haleines,

Quatre bœufs attelés, d'un pas tranquille et lent,
Promenaient dans Paris le monarque indolent.
Ce doux siècle n'est plus. Le ciel impitoyable

A placé sur leur trône un prince infatigable.
Il brave mes douceurs, il est sourd à ma voix;
Tous les jours il m'éveille au bruit de ses exploits.
Rien ne peut arrêter sa vigilante audace :

L'été n'a point de feux, l'hiver n'a point de glace.
J'entends à son seul nom tous mes sujets frémir.
En vain deux fois la paix a voulu l'endormir,
Loin de moi son courage, entraîné par la gloire,
Ne se plaît qu'à courir de victoire en victoire.

Je me fatiguerais à te tracer le cours

Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours.
Je croyais, loin des lieux d'où ce prince m'exile,
Que l'Église du moins m'assurait un asile.
Mais en vain j'espérais y régner sans effroi .
Moines, abbés, prieurs, tout s'arme contre moi.
Par mon exil honteux la Trappe est ennoblie ;
J'ai vu dans Saint-Denis la réforme établie ;
Le Carme, le Feuillant s'endurcit aux travaux;
Et la règle déjà se remet dans Clairvaux.
Citeaux dormait encore, et la Sainte-Chapelle
Conservait du vieux temps l'oisiveté fidèle;
Et voici qu'un lutrin, prêt à tout renverser,
D'un séjour si chéri vient encor me chasser!
O toi, de mon repos compagne aimable et sombre,
A de si noirs forfaits prêteras-tu ton ombre?
Ah! Nuit, si tant de fois, dans les bras de l'amour,
Je t'admis aux plaisirs que je cachais au jour,
Du moins ne permets pas... » La Mollesse oppressée
Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée;
Et, lasse de parler, succombant sous l'effort,
Soupire, étend les bras, ferme l'œil, et s'endort.

FRAGMENT

DE LA SATIRE X

Mais que plutôt son jeu mille fois te ruine;

Que si la famélique et honteuse lésine,

Venant mal à propos la saisir au collet,
Elle te réduisait à vivre sans valet,

Comme ce magistrat de hideuse mémoire,
Dont je veux bien ici te crayonner l'histoire.

Dans la robe on vantait son illustre maison.
Il était plein d'esprit, de sens et de raison;
Seulement pour l'argent un peu trop de faiblesse
De ces vertus en lui ravalait la noblesse.
Sa table toutefois, sans superfluité,
N'avait rien que d'honnête en sa frugalité.
Chez lui, deux bons chevaux de pareille encolure
Trouvaient dans l'écurie une pleine pâture,
Et du foin, que leur bouche au râtelier laissait,
De surcroît une mule encor se nourrissait.
Mais cette soif de l'or, qui le brûlait dans l'âme,
Le fit enfin songer à choisir une femme;

Et l'honneur dans ce choix ne fut point regardé.
Vers son triste penchant son naturel guidé

Le fit dans une avare et sordide famille

Chercher un monstre affreux sous l'habit d'une fille;
Et, sans trop s'enquérir d'où la laide venait,
Il sut, ce fut assez, l'argent qu'on lui donnait.
Rien ne le rebuta: ni sa vue éraillée

Ni sa masse de chair bizarrement taillée;
Et trois cent mille francs, avec elle obtenus,

La firent à ses yeux plus belle que Vénus.
Il l'épouse; et bientôt son hôtesse nouvelle,
Le prêchant, lui fit voir qu'il était, au prix d'elle,
Un vrai dissipateur, un parfait débauché.
Lui-même le sentit, reconnut son péché,
Se confessa prodigue, et, plein de repentance,
Offrit sur ses avis de régler sa dépense.
Aussitôt, de chez eux tout rôti disparut.

La pain bis, renfermé, d'une moitié décrut.

Les deux chevaux, la mule, au marché s'envolèrent,

Deux grands laquais, à jeun, sur le soir s'en allèrent.
De ces coquins déjà l'on se trouvait lassé,

Et, pour n'en plus revoir, le reste fut chassé.
Deux servantes déjà, largement souffletées,
Avaient à coups de pied descendu les montées,
Et, se voyant enfin hors de ce triste lieu,
Dans la rue en avaient rendu grâces à Dieu.
Un vieux valet restait, seul chéri de son maître
Que toujours il servit et qu'il avait vu naître,
Et qui, de quelque somme amassée au bon temps,
Vivait encor chez eux, partie à ses dépens.

Sa vue embarrassait; il fallut s'en défaire :

Il fut de la maison chassé comme un corsaire.
Voilà nos deux époux sans valets, sans enfants,
Tout seuls dans leurs logis, libres et triomphants.
Alors on ne mit plus de borne à la lésine;

On condamna la cave, on ferma la cuisine.
Pour ne s'en point servir aux plus rigoureux mois,
Dans le fond d'un grenier on séquestra le bois.
L'un et l'autre dès lors vécut à l'aventure

Des présents qu'à l'abri de la magistrature

Le mari quelquefois des plaideurs extorquait,

Ou de ce que la femme aux voisins escroquait.

Mais, pour bien mettre ici leur crasse en tout son lustre,

Il faut voir du logis sortir ce couple illustre;

Il faut voir le mari tout poudreux, tout souillé,
Couvert d'un vieux chapeau de cordon dépouillé,
Et de sa robe, en vain de pièces rajeunie,
A pied, dans les ruisseaux, traînant l'ignominie.
Mais qui pourrait compter le nombre de haillons,
De pièces, de lambeaux, de sales guenillons,
De chiffons ramassés dans la plus noire ordure,
Dont la femme, aux bons jours, composait sa parure?
Décrirai-je ses bas en trente endroits percés,
Ses souliers grimaçants vingt fois rapetassés,

Ses coiffes d'où pendait, au bout d'une ficelle,

Un vieux masque pelé, presque aussi hideux qu'elle?
Peindrai-je son jupon bigarré de latin

Qu'ensemble composaient trois thèses de satin,
Présent qu'en un procès, sur certain privilége,
Firent à son mari les régents d'un collége;
Et qui, sur cette jupe, à main rieur encor,
Derrière elle faisait lire: Argumentabor?

STANCES

A MOLIÈRE

Sur la comédie de l'École des Femmes.

En vain mille jaloux esprits,

Molière, osent avec mépris
Censurer ton plus bel ouvrage :
Sa charmante naïveté

S'en va pour jamais, d'âge en âge,
Divertir la postérité.

Que tu ris agréablement!
Que tu badines savamment!
Celui qui sut vaincre Numance,
Qui mit Carthage sous sa loi,
Jadis, sous le nom de Térence,
Sut-il mieux badiner que toi?

Ta muse avec utilité

Dit plaisamment la vérité;
Chacun profite à ton École :

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