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Ruisseau, sur ma peine passée
Fais rouler l'oubli des douleurs,
Et ne laisse dans ma pensée
Que ta paix, tes flots et tes fleurs.

Le lis frais, l'humble marguerite,
Le rossignol chérit tes bords;
Déjà sous l'ombrage il médite
Son nid, sa flamme et ses accords.

Près de toi, l'âme recueillie Ne sait plus s'il est des pervers; Ton flot pour la mélancolie

Se plaît à murmurer des vers.

Quand pourrai-je, aux jours de l'automne, En suivant le cours de ton eau, Entendre et le bois qui frissonne,

Et le cri plaintif du vanneau?

Que j'aime cette église antique, Ces murs que la flamme a couverts, Et l'oraison mélancolique

Dont la cloche attendrit les airs!

Par une mère qui chemine Ses sons lointains sont écoutés; Sa petite Annette s'incline,

Et dit: Amen! à ses côtés.

Jadis, chez des vierges austères, J'ai vu quelques ruisseaux cloîtrés Rouler leurs ondes solitaires

Dans des clos à Dieu consacrés.

Leurs flots si purs, avec mystère, Serpentaient dans ces chastes lieux,

Où ces beaux anges de la terre
Foulaient des prés bénis des cieux.

Mon humble ruisseau, par ta fuite, -Nous vivons, hélas! peu d'instantsFais souvent penser ton ermite, Avec fruit, au fleuve du Temps.

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Le dieu charmant par qui l'on aime;
Il ne m'a pas quitté de même,
Le dieu charmant qui nous endort.
La fleur soporative et chère
A secoué sur ma paupière

Un sommeil plus doux et plus fort.

En voyant venir la vieillesse,

J'ai pris pour mon maître en sagesse De Minerve le grave oiseau,

Vivant en paix sur son rameau,

Sans bruit, à l'écart et dans l'ombre.
Ermite aussi, pas aussi sombre,

Je vis en paix sous mon berceau,
Des humains fuyant le grand nombre,
Tout soin, tout honneur, tout fardeau,

Sans bâtir projet ni château,
Sans jamais rêver la vengeance.
L'oubli coule avec mon ruisseau.
Peu de besoins fait mon aisance :
Je suis sans peine à leur niveau.
Presque assez, c'est mon opulence.
J'ai du vin vieux dans mon caveau,
Dans mon bosquet, j'ai du silence.
La Parque m'offre ses ciseaux,
Et moi je laisse à ses fuseaux
Dévider ma seconde enfance;
Et ces vers, venus dans mon clos.
Je vais les dire, à peine éclos,
A mon vieil ami qui s'avance.

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Ce charmant abbé napolitain, devenu si français, dont le mot était si vif, les aperçus si fins, l'abbé Galiani, avait caractérisé d'un trait le talent de ces jeunes écrivains apparus, comme les feux follets de la poésie, dans la seconde moitié du dix-huitième siècle : les reconnaissant tous pour des élèves, plus ou moins heureux, du grand maître de la poésie légère, il les nommait les petits Voltaire - Strass. Tout nouveau qu'il nous paraît à sa date, ce mot serait moins piquant, s'il ne contenait une vue littéraire très-judicieuse et très-précise. Ce genre de poésie, dont Dorat fut un instant l'un des représentants les plus signalés, eut en effet, dans le cours de cette époque, deux formes d'expression assez différentes. Pendant la première partie du siècle où Voltaire, grandissant toujours, n'a pas encore établi son ascendant irrésistible, la poésie légère, avec les Bernis, les Gentil-Bernard, et leur suite, garde son allure indépendante et dégagée de la préoccupation d'un modèle unique. Si elle avoue des maîtres, elle nomme Horace ou Ovide, elle s'entretient dans la naïve illusion qu'elle relève ainsi de la pure antiquité; et tout bonnement elle procède de Chaulieu, de ce gracieux épicurien de la société du Temple, de cet art aimable et négligé dont elle altère la franchise et dont elle refroidit l'élan chaleureux. Puis, comme bientôt fatigués, tous ces oiseaux jaseurs se dispersent et font silence; ils ont dit tout ce qu'ils pouvaient dire dans leur gaie saison; ils se taisent au lendemain, si vite venu, des gazouillements amoureux.

Jeune alors, il était là, dans ce groupe de poëtes épicuriens, ce chanteur d'une autre nature, qui prit si facilement, en la modifiant à loisir, la note de ses devanciers, ou qui fit en se jouant sa partie brillante dans ce joli concert, amusant la Régencé et les premiers temps du roi

Louis XV. Mais l'accent particulier de cette voix s'accusait de plus en plus. Bientôt elle domina si fort, qu'elle absorba tout ce qui l'avait d'abord accompagnée. Despotiquement elle changea le ton; et, bon gré, mal gré, on prit enfin celui qu'elle donnait. Les résistants étaient vaincus ou absorbés, et, sans trop s'en rendre compte, ils se laissaient envahir par le prestige; ils subissaient l'influence de la force; ils imitaient le nouveau maître en se défendant de l'imiter. Plus tard, tous ceux qui survinrent ne songèrent pas même à chercher un autre modèle. De Cirey, de Potsdam ou de Ferney venait le diapason régulateur.

A l'heure donc où, à son tour, parut Dorat, le prince de la poésie légère était dans toute sa gloire. Grands et petits genres, il avait d'ailleurs tout tenté dans les diverses formes de l'art d'écrire, et le siècle était si ébloui de cette exubérance de vie intellectuelle, de cette inépuisable fécondité littéraire, que presque généralement on admettait qu'il les avait réussis tous. Qu'avait de mieux à faire, ou que pouvait faire autre chose, un jeune mousquetaire épris de littérature, entiché de poésie, que de lire et étudier les œuvres du poëte que l'admiration universelle préconisait? L'élégant mousquetaire Dorat savait donc par cœur, à n'en pas douter, les Tu et les Vous, le Mondain, et tous ces merveilleux jets d'esprit adressés à tout ce qui brillait à l'horizon: les rois ou les belles. C'était là certainement toute la bibliothèque du littéraire et galant soldat. Lui-même nous en fait quelque part l'implicite aveu. Parlant de Paris, et le vantant comme l'unique patrie de l'esprit et de ces jolis vers qui en procèdent, il déclare « que ce n'est qu'à Paris qu'on a pu écrire les Tu et les Vous, le Mondain, les Vers au président Hénault, à madame de Fontaine-Martel, au maréchal de Richelieu. » Le mousquetaire nourrissait son imagination de toute cette pétillante mousse de poésie. Il n'eût pas mieux demandé d'abord que d'allier cette fringante vie de mousquetaire avec ses goûts littéraires de poëte léger. Il renonça pourtant très-vite aux prestiges du plumet et de la cocarde; et savez-vous pourquoi il y renonça? « Pour complaire à une vieille tante janséniste, dont il était l'héritier, et qui ne croyait pas que sous cette brillante casaque il fût aisé de faire son salut. » Pour constater cet incident de la vie de Dorat, nous avions bien besoin de ce témoignage contemporain et de l'aveu du poëte lui-même. Le sacrifice de l'uniforme aux scrupules de sa vieille tante fut un bon billet-La Châtre que Dorat lui donna. En cessant d'être le soldat du roi Louis XV, il devint tout à fait celui du roi de la poésie légère. Rendu à la vie civile, il ne songea plus qu'aux rimes et aux amours. Très-vite il se glissa

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