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Par d'imperceptibles ressorts,
Le Soleil est-il le génie

Qui fait avec tant d'harmonie
Circuler les célestes corps?

Au milieu d'un vaste fluide,
Que la main du Dieu créateur
Versa dans l'abîme du vide,
Cet astre unique est leur moteur.
Sur lui-même agité sans cesse,
Il emporte, il balance, il presse
L'éther et les orbes errans,
Sans cesse une force contraire,
De cette ondoyante matière
Vers lui repousse les torrens.

Ainsi se forment les orbites
Que tracent ces globes connus:
Ainsi, dans les bornes prescrites,
Volent et Mercure et Vénus.

La Terre suit: Mars, moins rapide,
D'un air sombre s'avance et guide
Les pas tardifs de Jupiter;

Et son père, le vieux Saturne;
Roule à peine son char nocturne
Sur les bords glacés de l'éther.

Oui, notre sphère, épaisse masse,
Demande au Soleil ses présens.
A travers sa dure surface

Il darde ses feux bienfaisans.
Le jour voit les heures légères
Présenter les deux hémisphères
Tour à tour à ses doux rayons;
Et sur les signes inclinée,
La Terre, promenant l'année,
Produit des fleurs et des moissons.

Je te salue, âme du monde,

Sacré Soleil, astre de feu,

De tous les biens source féconde,
Soleil, image de mon Dieu!
Aux globes qui, dans leur carrière,
Rendent hommage à ta lumière,
Annonce Dieu par ta splendeur :
Règne à jamais sur ses ouvrages,
Triomphe, entretiens tous les âges
De son éternelle grandeur.

IMITATION DU PSAUME CXXXVI

SUPER FLUMINA BABYLONIS

Assis sur les bords de l'Euphrate,

Un tendre souvenir redoublait nos douleurs;

Nous pensions à Sion dans cette terre ingrate,
Et nos yeux, malgré nous, laissaient couler des pleurs.

Nous suspendimes nos cithares

Aux saules qui bordaient ces rivages déserts;
Et les cris importuns de nos vainqueurs barbares
A nos tribus en deuil demandaient des concerts.

Chantez, disaient-ils, vos cantiques;

Répétez-nous ces airs si vantés autrefois,

Ces beaux airs que Sion, sous de vastes portiques,
Dans les jours de sa gloire, admira tant de fois.

Comment, au sein de l'esclavage,

Pourrions-nous de Sion faire entendre les chants?
Comment redirions-nous, dans un climat sauvage,
Du temple du Seigneur les cantiques touchants?

O cité sainte! ô ma patrie!

Chère Jérusalem, dont je suis exilé,

Si ton image échappe à mon âme attendrie,
Si jamais, loin de toi, mon cœur est consolé,

Que ma main tout à coup séchée

Ne puisse plus vers toi s'étendre désormais;
A mon palais glacé que ma langue attachée
Dans mes plus doux transports ne te nomme jamais!

Souviens-toi de ce jour d'alarmes,

Seigneur, où par leur joie et leurs cris triomphants, Les cruels fils d'Édom, insultant à nos larmes, S'applaudissaient des maux de tes tristes enfants!

Détruisez, détruisez leur race,

Criaient-ils aux vainqueurs, de carnage fumants;
De leurs remparts brisés ne laissez point de trace,
Anéantissez-en jusques aux fondements!

Ah! malheureuse Babylone,

Qui nous vois sans pitié traîner d'indignes fers! Heureux qui, t'accablant des débris de ton trône, Te rendra les tourments que nous avons soufferts!

Objet des vengeances célestes,

Que tes mères en sang, sous leurs toits embrasés,
Expirent de douleur, en embrassant les restes
De leurs tendres enfants sous la pierre écrasés!

DUCIS

1733- 1846

Si Ducis n'avait laissé après lui que l'exemple d'une noble vie, racontée avec une naturelle éloquence dans les lettres où il exhalait jour à jour les cantiques de son âme pleine de Dieu, en parcourant ces touchants témoignages d'une intelligence pure et fière, on se prendrait volontiers à s'écrier : « Quel dommage qu'il n'ait pas eu toute la volonté de son génie? Pourquoi n'a-t-il pas écrit en vers? » Je viens d'étudier, non sans fatigue, l'œuvre poétique de Ducis, et je me sens agité d'un regret tout contraire. Ces odes, ces élégies, ces épîtres d'une composition indécise, d'un style trop souvent emphatique et trop souvent trivial, d'une versification négligée et traînante, font tort au bon vieillard devant la postérité. Les défaillances de l'artiste ont plus d'une fois empêché les délicats et les paresseux (c'est presque la même race) d'aller plus avant, et de dégager de sa pénombre la vénérable figure du poëte.

Oui, Jean-François Ducis fut un poëte en dépit de la plupart de ses vers. Né à Versailles le 23 août 1733, il y mourut le 30 mars 1816, et jamais patriarche n'honora plus dignement le sacerdoce des longues années. Un jour on disait à Boufflers, qui venait de le visiter en son déclin «Eh bien! le vieux Ducis est tombé en enfance? - Non! répondit-il, il est rentré en jeunesse! ». Ducis n'avait guère cessé d'être jeune privilége magnifique et rare, récompense légitime de ces pieux pèlerins qui ont voyagé en regardant le ciel! Il avait traversé sans s'aigrir les douloureuses saisons où chacun en France eut à souffrir du danger de la grande patrie; il avait subi toutes les attaques, il avait supporté toutes les misères mais il savait que « les vérités de Dieu sont les piliers du monde, » et fermement attaché à ces supports iné

branlables, il alla bravant les naufrages, jusqu'au terme de cette verte vieillesse qui faisait songer à ces hivers heureux que le soleil n'échauffe plus, mais qu'il illumine encore.

« Républicain, catholique, solitaire et poëte, » Ducis ne dévia jamais des quatre articles de sa foi. Républicain. il détesta « les Atrées en sabots de la commune; » plus d'un soir, l'envie le prit « de se réfugier dans la lune et de cracher de là sur tout le genre humain; » mais sous « le couteau de la scélératesse » il croyait encore à la vertu, et devant les folies sacriléges qui défigurèrent un moment l'auguste image de la Liberté, il resta ferme dans sa foi libérale, comme un peu plus tard devant les séductions du génie et les flatteries de la gloire. « Général, vous êtes chasseur!» répondait-il aux avances du premier consul, << voyez-vous ces canards sauvages qui traversent la nue? Il n'y en a pas un qui ne sente de loin l'odeur de la poudre et qui ne flaire le fusil du braconnier. Je suis un de ces oiseaux, je me suis fait canard sauvage.» Catholique, «il baisait, à Cambrai, les degrés de l'autel où avait officié saint Fénelon, » comme les pierres d'un sanctuaire domestique, lui qui sut préserver du vent sa «< petite lampe de religieuse; » lui qui, séparé par la mort de la femme, des filles, des amis qu'il unissait dans un sentiment passionné, se résignait à la volonté suprême, se persuadait qu'ici-bas « notre bonheur n'est qu'un malheur plus ou moins consolé; » et s'estimait « content déjà puisqu'il pouvait descendre dans son cœur sans le trouver méchant et corrompu! » Martyr de la vie, il gardait assez de courage pour défendre ses amis contre «< la mélancolie, cette femme perfide qui vous caresse, qui vous enfonce dans un lit voluptueux et qui finit par vous étouffer.» « C'était la mort qui formait son optique; » mais ses contemplations lui étaient douces; il ne les arrêtait qu'après avoir ébloui ses paupières au soleil des ressuscités. Je ne veux pas dire ce que fut Ducis solitaire; écoutez-lo seulement : « Oui, mon ami, j'ai épousé le désert, comme le doge de Venise épousait la mer Adriatique. J'ai jeté mon anneau dans les forêts. »> Ou bien encore, pendant un séjour en Sologne: « J'ai fait une lieue co matin dans des plaines de bruyères, et quelquefois entre des buissons qui sont couverts de fleurs et qui chantent. » Ducis, recueillons ces paroles d'or de M. Sainte-Beuve, « n'écrivait ainsi en prose que parce qu'il était foncièrement poëte par l'imagination et par le cœur. O poésio française! me suis-je dit bien souvent en lisant Ducis, que tu es femme du monde, volontiers capricieuse et infidèle, et que tu sais aisément trahir ceux qui t'aiment! >>

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