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RACINE LE FILS

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Chez les Égyptiens, les professions étaient héréditaires : mais jamais en France aucune loi n'a contraint les fils à suivre la carrière des pères de famille. Comment se fait-il donc que Louis Racine ait voulu marcher sur les traces de Jean Racine? A peine sorti du collége, cet ambitieux cadet effrayait déjà sa mère par la vivacité de son goût pour la littérature. Madame Racine l'envoya chez Boileau qui le chapitra vertement: « On n'a point vu de grand poëte fils d'un grand poëte; et d'ailleurs vous devez savoir mieux que personne à quelle fortune cette gloire peut conduire. » Malgré cette semonce, le jeune Louis continua de rêver à la gloire littéraire. Il essaya pourtant de faire son droit, il prit sa licence; après quoi, dégoûté sans doute du barreau et caressant toujours sa chimère, il entra sous l'habit ecclésiastique dans la congrégation de l'Oratoire. S'il eût persisté dans ce dernier parti, Racine le fils aurait été sans doute un excellent oratorien. Il préféra s'adonner tout entier à la poésie, et ce fut dans la maison même de Notre-Dame des Vertus qu'il composa le poëme de la Gráce.

La tragédie l'avait d'abord attiré, mais ayant toujours sous les yeux l'OEdipe de Sophocle, et Athalie, une crainte respectueuse l'empêcha de se hasarder au théâtre. « Mon ambition, dit-il, fut mon salut. » Le poëme de la Gráce ne réussit pas. Cet ouvrage de janséniste lui valut

une piquante épigramme de je ne sais quel prélat : « J'aimerais mieux que vous fissiez des comédies, » et une épître satirique du jeuno Arouet, moins âgé que lui de deux ans.

Cher Racine, j'ai lu dans tes vers didactiques
De ton Jansénius les leçons fanatiques.
Quelquefois je t'admire et ne te crois en rien.
Si ton style me plait, ton Dieu n'est pas le mien;
Tu m'en fais un tyran, je veux qu'il soit un père.

Tu le sers en esclave et je l'adore en fils;
Crois-moi, n'affecte plus une inutile audace,
Il faut comprendre Dieu pour comprendre sa grâce;
Soumettons nos esprits, présentons-lui nos cœurs,
Et soyons des chrétiens et non pas des docteurs.

Voltaire aurait pu ajouter : « Soyons surtout des poëtes. » Le docteur Louis Racine, en dépit de cette admonestation polie, demeura tout à la fois docteur et versificateur. Au poëme de la Grâce succéda celui de la Religion, accompagné de poésies détachées, parmi lesquelles il n'y a guère à signaler que cette Ode sur l'Harmonie, vantée par La Harpe, où le fils de l'auteur de Phèdre rend pieusement hommage, en véritable enfant de chœur, à Homère, à Virgile, à Horace, à Malherbe, à Corneille, à Boileau, à Racine, à La Fontaine, et même à Jean-Baptiste Rousseau.

Le poëme de la Religion eut un grand succès. Il devint presque classique, bien qu'il ne méritât guère cet honneur. Tout ce que nous pouvons dire à sa louange, c'est qu'il est supérieur à celui du cardinal de Bernis sur le même sujet. Le didactique Racine était bien digne de donner des conseils à l'abbé Delille et à Lebrun. Après avoir frappé vainement à la porte de l'Académie française (il était déjà de l'Académie des inscriptions), le triste poëte sembla tourner le dos à la poésie, et, ruiné par le Système, il accepta du cardinal de Fleury la place d'inspecteur général des fermes en Provence. Un malheur de famille, la perte de son fils, décida Louis Racine à quitter le monde. Quand Delille alla visiter l'auteur du poëme de la Religion, il le trouva jardinant dans un petit enclos du faubourg Saint-Denis, n'ayant pour toute société que son chien, et ne lisant plus d'autres livres que des ouvrages de piété.

Désabusé de ses rêves, le fils de Racine s'était fait peindre, l'œil fixé sur ce vers de Phèdre:

Et moi, fils inconnu d'un si glorieux père.

Parmi les Égyptiens littéraires de notre temps, on en compte beaucoup, j'en suis sûr, qui ont eu la présomption de Louis Racine; mais on en trouvera peu qui songent à finir leur carrière comme il a terminé la sienne, par un trait de résignation et de modestie.

HIPPOLYTE BABOU.

La meilleure édition des œuvres de Louis Racine est celle de Lenormand, 1808, 6 volumes in-8, contenant un éloge de l'auteur, par Lebeau. Voir le Nécrologe de Palissot, année 1766, et l'abrégé de sa vie dans la Galerie française.

INSTINCT PATERNEL ET MATERNEL DES OISEAUX

Mais pour toi que jamais ces miracles n'étonnent,
Stupide spectateur des biens qui t'environnent,
O toi, qui follement fais ton Dieu du hasard,
Viens me développer ce nid qu'avec tant d'art,
Au même ordre toujours architecte fidèle,
A l'aide de son bec maçonne l'hirondelle!
Comment, pour élever ce hardi bâtiment,
A-t-elle, en le broyant, arrondi son ciment?
Et pourquoi ces oiseaux, si remplis de prudence,
Ont-ils de leurs enfants su prévoir la naissance?
Que de berceaux pour eux aux arbres suspendus!
Sur le plus doux coton que de lits étendus!
Le père vole au loin, cherchant dans la campagne
Des vivres qu'il rapporte à sa tendre compagne ;
Et la tranquille mère, attendant son secours,
Échauffe dans son sein le fruit de leurs amours.
Des ennemis souvent il repousse la rage,

Et dans de faibles corps s'allume un grand courage.
Si chèrement aimés, leurs nourrissons un jour
Aux fils qui naîtront d'eux rendront le même amour.
Quand des nouveaux zéphyrs l'haleine fortunéc
Allumera pour eux le flambeau d'hyménée,
Fidèlement unis par leurs tendres liens,
Ils rempliront les airs de nouveaux citoyens :
Innombrable famille, où bientôt tant de frères
Ne reconnaîtront plus leurs aïeux ni leurs pères!
Ceux qui, de nos hivers redoutant le courroux,
Vont se réfugier dans des climats plus doux,
Ne laisseront jamais la saison rigoureuse
Surprendre parmi nous leur troupe paresseuse.

Dans un sage conseil par les chefs assemblé,
Du départ général le grand jour est réglé :
Il arrive, tout part. Le plus jeune, peut-être,
Demande, en regardant les lieux qui l'ont vu naître,
Quand viendra ce printemps par qui tant d'exilés
Dans les champs paternels se verront rappelés!

LES CIEUX, LA MER, LA TERRE

Oui, c'est un Dieu caché que le Dieu qu'il faut croire,
Mais, tout caché qu'il est, pour révéler sa gloire,
Quels témoins éclatants devant moi rassemblés!
Répondez, cieux et mers; et vous, terre, parlez!
Quel bras peut vous suspendre, innombrables étoiles?
Nuit brillante, dis-nous qui t'a donné tes voiles?
O cieux, que de grandeur, et quelle majesté !
J'y reconnais un maître à qui rien n'a coûté,
Et qui dans vos déserts a semé la lumière,
Ainsi que dans nos champs il sème la poussière.
Toi qu'annonce l'aurore, admirable flambeau,
Astre toujours le même, astre toujours nouveau,
Par quel ordre, ô soleil! viens-tu, du sein de l'onde,
Nous rendre les rayons de ta clarté féconde?
Tous les jours je t'attends, tu reviens tous les jours:
Est-ce moi qui t'appelle, et qui règle ton cours?

Et toi, dont le courroux veut engloutir la terre,
Mer terrible, en ton lit quelle main te resserre?
Pour forcer ta prison tu fais de vains efforts :
La rage de tes flots expire sur tes bords.
Fais sentir ta vengeance à ceux dont l'avarice
Sur ton perfide sein va chercher son supplice.
Hélas! prêts à périr, t'adressent-ils leurs vœux :
Ils regardent le ciel, secours des malheureux.

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