RACINE LE FILS 16921703 Chez les Égyptiens, les professions étaient héréditaires : mais jamais en France aucune loi n'a contraint les fils à suivre la carrière des pères de famille. Comment se fait-il donc que Louis Racine ait voulu marcher sur les traces de Jean Racine? A peine sorti du collége, cet ambitieux cadet effrayait déjà sa mère par la vivacité de son goût pour la littérature. Madame Racine l'envoya chez Boileau qui le chapitra vertement: « On n'a point vu de grand poëte fils d'un grand poëte; et d'ailleurs vous devez savoir mieux que personne à quelle fortune cette gloire peut conduire. » Malgré cette semonce, le jeune Louis continua de rêver à la gloire littéraire. Il essaya pourtant de faire son droit, il prit sa licence; après quoi, dégoûté sans doute du barreau et caressant toujours sa chimère, il entra sous l'habit ecclésiastique dans la congrégation de l'Oratoire. S'il eût persisté dans ce dernier parti, Racine le fils aurait été sans doute un excellent oratorien. Il préféra s'adonner tout entier à la poésie, et ce fut dans la maison même de Notre-Dame des Vertus qu'il composa le poëme de la Gráce. La tragédie l'avait d'abord attiré, mais ayant toujours sous les yeux l'OEdipe de Sophocle, et Athalie, une crainte respectueuse l'empêcha de se hasarder au théâtre. « Mon ambition, dit-il, fut mon salut. » Le poëme de la Gráce ne réussit pas. Cet ouvrage de janséniste lui valut une piquante épigramme de je ne sais quel prélat : « J'aimerais mieux que vous fissiez des comédies, » et une épître satirique du jeuno Arouet, moins âgé que lui de deux ans. Cher Racine, j'ai lu dans tes vers didactiques Tu le sers en esclave et je l'adore en fils; Voltaire aurait pu ajouter : « Soyons surtout des poëtes. » Le docteur Louis Racine, en dépit de cette admonestation polie, demeura tout à la fois docteur et versificateur. Au poëme de la Grâce succéda celui de la Religion, accompagné de poésies détachées, parmi lesquelles il n'y a guère à signaler que cette Ode sur l'Harmonie, vantée par La Harpe, où le fils de l'auteur de Phèdre rend pieusement hommage, en véritable enfant de chœur, à Homère, à Virgile, à Horace, à Malherbe, à Corneille, à Boileau, à Racine, à La Fontaine, et même à Jean-Baptiste Rousseau. Le poëme de la Religion eut un grand succès. Il devint presque classique, bien qu'il ne méritât guère cet honneur. Tout ce que nous pouvons dire à sa louange, c'est qu'il est supérieur à celui du cardinal de Bernis sur le même sujet. Le didactique Racine était bien digne de donner des conseils à l'abbé Delille et à Lebrun. Après avoir frappé vainement à la porte de l'Académie française (il était déjà de l'Académie des inscriptions), le triste poëte sembla tourner le dos à la poésie, et, ruiné par le Système, il accepta du cardinal de Fleury la place d'inspecteur général des fermes en Provence. Un malheur de famille, la perte de son fils, décida Louis Racine à quitter le monde. Quand Delille alla visiter l'auteur du poëme de la Religion, il le trouva jardinant dans un petit enclos du faubourg Saint-Denis, n'ayant pour toute société que son chien, et ne lisant plus d'autres livres que des ouvrages de piété. Désabusé de ses rêves, le fils de Racine s'était fait peindre, l'œil fixé sur ce vers de Phèdre: Et moi, fils inconnu d'un si glorieux père. Parmi les Égyptiens littéraires de notre temps, on en compte beaucoup, j'en suis sûr, qui ont eu la présomption de Louis Racine; mais on en trouvera peu qui songent à finir leur carrière comme il a terminé la sienne, par un trait de résignation et de modestie. HIPPOLYTE BABOU. La meilleure édition des œuvres de Louis Racine est celle de Lenormand, 1808, 6 volumes in-8, contenant un éloge de l'auteur, par Lebeau. Voir le Nécrologe de Palissot, année 1766, et l'abrégé de sa vie dans la Galerie française. INSTINCT PATERNEL ET MATERNEL DES OISEAUX Mais pour toi que jamais ces miracles n'étonnent, Et dans de faibles corps s'allume un grand courage. Dans un sage conseil par les chefs assemblé, LES CIEUX, LA MER, LA TERRE Oui, c'est un Dieu caché que le Dieu qu'il faut croire, Et toi, dont le courroux veut engloutir la terre, |