תמונות בעמוד
PDF
ePub
[ocr errors]

Oui, Paul en Bossuet nous est venu des cieux; Je le connais au feu qui brille dans ses yeux,

A cet éclat de zèle, à cette voix qui tonne.

Mais le comble, après tout, de mon heureux destin, C'est de voir tout ensemble, en la même personne, L'éloquence de Paul et le rang d'Augustin.

INSCRIPTION

POUR DES LIVRES

Ici rangés au gré du maître
Qui de nos œuvres a fait choix,
Nous le divertirons peut-être,
Et l'endormirons quelquefois.

Auteurs que j'estime et que j'aime,
Imprimés chez Barbin, Elzévir, Le Petit,
Qu'à mon tour ne puis-je, de même,
Vous imprimer dans mon esprit !

Savoir ensemble instruire et plaire

N'est pas une petite affaire.
Un auteur est assez heureux,

Quand il sait faire l'un des deux.

O vous! qui par le dos voyez tant d'écrivains,
Les uns géants, les autres nains,
N'en jugez point par l'apparence :

L'esprit, plus que la taille, en fait la différence.

A BOILEAU

AU SUJET DE SA SATIRE SUR L'EQUIVOQUE

Dans ces vers beaux à merveille
Qui semblent venus du ciel,
On sent la douceur du miel
Et l'aiguillon de l'abeille.
Mais si l'abeille, toujours,
Trouve la fin de ses jours
Dans sa piqûre caustique,
Boileau, dis-moi par quel sort
Ici ton aiguillon pique
Seulement après ta mort?

INSCRIPTION

POUR UNE FONTAINE

L'onde qui, claire et douce, à boire nous convie,
Après mille détours va se perdre en la mer.
Pécheur, vois dans cette eau l'image de ta vie;
Si le cours en est doux, le terme en est amer.

ÉPIGRAMME

Tu dis partout du mal de moi;
Je dis partout du bien de toi.
Mais vois quel malheur est le nôtre :
On ne nous croit ni l'un ni l'autre !

EUSTACHE LE NOBLE

16431711

Les romanciers et ceux qui se plaisent à raconter les aventures amoureuses n'ont pas négligé la vie romanesque d'Eustache Le Noble; les historiens littéraires ont à peine gardé son souvenir. Tous les curieux connaissent l'amant de la belle épicière: tout le monde ignore les œuvres de l'écrivain. Qui a lu Fradine ou les Ongles coupés ? Qui a lu les Noyers, ce poëme satirique dont Boileau louait l'esprit et la grâce, en pardonnant les imperfections à la jeunesse de l'auteur? Qui sait un mot de ses romans, de ses promenades, de ses dialogues, de ses odes, de ses fables, de ses sonnets, de ses comédies? Quel érudit lettré a parcouru un seul des vingt volumes qui contiennent ses œuvres complètes? Voilà le destin de ces esprits faciles!

Capables de tout, ils gâtent tout par leur précipitation; prodigues d'eux-mêmes, ils se répandent sans réserve, à travers tous les sujets, et se livrent sans choix à tout ce qui les sollicite; vifs, gracieux, lé– gers, ils sont lus, goûtés et applaudis par le siècle qui passe avec eux; le siècle qui les suit ne les connaît plus.

Peut-être Eustache Le Noble fût-il parvenu à garantir son talent de cette facilité dangereuse qui donne trop promptement des succès éphé– mères, peut-être eût-il poursuivi et atteint la perfection qui assure la durée des œuvres; mais il eut devant lui des ennemis puissants qu'il ne put vaincre les passions et la misère. La folie des plaisirs le saisit tout jeune et ne lui laissa point de trêve. Bien qu'il fût d'une maison honorée et sans souillure, baron de Ténelière et de Saint-Georges, procureur général au parlement de Metz, fils d'un lieutenant général au bailliage de Troyes, petit-fils d'un conseiller d'État, il n'eut contre l'entraînement des sens ni le respect de lui-même, ni le respect de sa famille et de sa charge. Accusé d'avoir fabriqué de faux actes, con

damné, enfermé à la Conciergerie, il ne pleure pas ses fautes, il ne prend pas la résolution de les réparer par une vie plus sage et plus retenue; l'amour entre avec lui dans la prison. Sous les mêmes verrous Gabrielle Perreau, la belle épicière, expiait ses désordres et la colère de son mari. A peine Le Noble la vit qu'il l'aima. Avec l'amour lui revint la gaieté, et c'est à la Conciergerie qu'il composa ses ouvrages les plus légers et le plus vivement écrits.

Les relations des Causes célèbres disent avec quelle habileté il fit évader sa maîtresse; les chroniques indiscrètes du temps font entendre qu'il dut lui-même sa délivrance à la ruse d'une amante passionnée qu'elles ne nomment pas, mais qu'elles désignent clairement, la fille de madame Deshoulières.

Laissons aux amateurs de curiosités les mystérieuses anecdotes, et pénétrons dans cette triste chambre de la rue de la Lune, où Eustache Le Noble et Gabrielle Perreau cachèrent, pendant plusieurs années, leur amour, leurs enfants et leur misère. C'est là que la vie littéraire de Le Noble prend une physionomie distincte. Il n'a qu'un talent, celui d'écrivain; il n'a qu'une ressource, son travail; il ne peut, comme avant sa ruine, rimer pour son plaisir; il ne peut être non plus le protégé, le pensionné d'un grand seigneur; il faut qu'il soit tout simplement un homme de lettres, qu'il vive de sa plume, de sa prose et de ses vers. Cette situation indépendante qui est l'honneur des écrivains de nos jours était, au XVIIe siècle, une nouveauté; on ne l'acceptait pas librement et par choix; la nécessité l'imposait à Le Noble. Il se mit, comme on disait alors, aux gages des libraires. II obtint la permission de publier régulièrement des dialogues satiriques sur les affaires du temps. La vivacité de son esprit, la légèreté de son style le rendaient, plus que personne, propre à ce travail rapide, où les traits, les saillies, les épigrammes devaient voler à toutes les pages. Le succès fut très-grand et très-suivi, depuis les premiers dialogues entre Pasquin et Marforio, jusqu'à la lettre du sieur Disanvray, bourgmestre de Bruxelles, au sieur Deguizetout, directeur des gazettes hollandaises.

Là se termina cette longue publication, où une prose claire et incisive est fréquemment coupée par des fables, des épigrammes, des sonnets et même des odes.

C'est surtout dans ses fables que Le Noble gaspilla les heureuses facultés dont il était doué. On sent qu'il a le mouvement, l'esprit, la grâce; mais soit insouciance, paresse ou manque de temps, il ne tra

vaille, il ne cultive rien; tout vient à l'aventure. Le mouvement se change en désordre, l'esprit tourne aux concetti, et de la grâce naturelle qu'il trouve sans la chercher il tombe, sans paraître y prendre garde, dans de grossières trivialités. Quelquefois il se replie sur luimême, il rassemble ses forces et cherche à lutter contre de plus grands écrivains. Il ne réussit ni en chantant, après Boileau, la Prise de Namur, ni en refaisant le Chêne et le Roseau; mais dans la Mort et le Bücheron, s'il n'égale point La Fontaine l'inimitable, il atteint à une précision, à une netteté, égales au moins à celles de Boileau et de J.-B. Rousseau, dans la même fable.

Ses sonnets, ses épigrammes, ses pièces amoureuses, sont les meilleures de ses œuvres en vers; un goût plus pur, une élégance plus cherchée les distingue, et, quelle que soit la pente du sujet, jamais un mot n'y fait soupçonner le héros des aventures tour à tour brillantes et tristes que nous avons effleurées en passant.

Cette réserve nous touche et nous incline à l'indulgence pour des erreurs et des passions auxquelles son esprit semble n'avoir pas eu de part, et qui, malgré son courage et ses efforts, le menèrent à la plus profonde misère. Pendant les dernières années de sa vie, il vécut d'une faible somme que lui envoyait M. D'Argenson, le lieutenant de police, et la paroisse de Saint-Séverin, sur laquelle il mourut, l'enterra par charité.

Quelques pièces de vers de cet ingénieux poëte méritent de vivre, en elles-mêmes d'abord, et surtout pour conserver la mémoire d'un écrivain qui fut, par sa vie littéraire, une singularité au XVIIe siècle.

JEAN MOREL.

Les œuvres d'Eustache Le Noble ont été publiées en 20 vol. in-12, à Paris, 1748, chez Pierre Ribou, seul libraire de l'Académie royale de musique, Quai des Augustins, A l'image de saint Louis.

« הקודםהמשך »