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HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR

ANNIBAL CARRACHE.

A peine Michel-Ange et Léonard de Vinci s'étaient-ils fait remarquer par leur talent, qu'aucun des peintres de l'école florentine ne put parvenir à les approcher; et tandis que Raphaël surpassa de beaucoup son maître Perugin, ses imitateurs à leur tour ne le suivirent que de loin : c'était à Bologne que le génie de la peinture semblait s'être transporté, dans l'atelier des Carraches et dans l'école qu'ils fondèrent, et d'où sortirent Guido Reni, Dominique Zampieri et François Barbieri, connu sous le nom de Guerchin.

Annibal Carrache, frère cadet d'Augustin, naquit à Bologne en 1560. Tandis que l'aîné avait été placé chez un orfèvre, celui-ci était resté chez Antoine, leur père, qui exerçait le métier de tailleur mais le goût des arts, inné dans cette famille, en avait ordonné autrement.

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Augustiu obtint de son père la permission d'étudier la peinture, et alors Annibal prit sa place dans l'orfévrerie; mais il n'y resta pas. Le talent dont il donna des preuves dès sa jeunesse engagea Louis son cousin à lui donner des conseils, et un événement le mit dans le cas de se faire remarquer d'une manière tout-à-fait extraordinaire.

Antoine Carrache avait été à Crémone, sa ville natale, pour

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NOTICE HISTORIQUE ET CRITIQUE

vendre le peu de bien qui lui restait dans cette ville, et il fut volé en revenant à Bologne. Ayant été porter plainte au juge, Annibal, qui avait accompagné son père, dessina les voleurs avec tant de ressemblance, qu'ils furent bientôt reconnus et arrêtés. L'argent qu'ils avaient pris fut retrouvé, et mit ainsi Antoine Carrache dans le cas de devoir son aisance aux talens précoces de son fils.

L'étude de la peinture était la seule chose qui eût occupé Annibal; sur tout le reste il était d'une telle ignorance, qu'il avait sans cesse besoin de conseils. Son frère Augustin au contraire avait l'esprit très orné; il cultivait la poésie et les mathématiques aussi bien que les arts. Annibal, d'un caractère jaloux et présomptueux, mettait peu de prix aux connaissances 'de son frère qu'il aimait pourtant, mais dont il avait peine à recevoir les avis; aussi vécurent-ils souvent séparés, mais ils se recherchaient ensuite. Annibal fit un voyage à Parme et à Venise, pendant lequel il copia des ouvrages du Corrége et vit travailler Tintoret et Paul Véronèse. Ces études le mirent dans le cas de perfectionner sa manière au point qu'en revenant à Bologne il devint à son tour le maître de Louis Carrache, tandis qu'Augustin se livra à la gravure, dans la crainte de se voir inférieur à son frère. C'est alors que fut fondée cette académie si illustre, dans laquelle Louis dirigeait tout par ses conseils et son savoir; Augustin y enseignait la perspective, et donnait des leçons d'histoire; Annibal y prêchait d'exemple, et donnait sans cesse des preuves de son profond génie par la variété et la beauté de ses compositions, ainsi que par la correction de son dessin. Un jour même qu'Augustin parlait du Laocoon et vantait dans un discours éloquent les beautés de ce chef-d'œuvre de l'antiquité, Annibal, s'approchant de la muraille, le dessina avec tant de perfection, que tous les spectateurs en furent étonnés; puis, pour critiquer son frère qui faisait des il ajouta que les poètes peignaient avec des paroles et les peintres avec un pinceau.

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La simplicité qu'Annibal affectait dans ses vêtemens contrastait avec la recherche que mettait dans les siens Augustin, qui ne fréquentait que les personnes distinguées par leur naissance. Voulant donc se moquer de ses manières, il lui donna un portrait de leurs père et mère, dont l'un enfilait une aiguille et l'autre coupait un morceau d'étoffe. Il est facile de comprendre qu'avec tant de différence dans le caractère des deux frères, ils devaient avoir de la difficulté à vivre ensemble.

Annibal quitta Bologne en 1600 pour se rendre à Rome et y peindre la galerie du palais Farnèse : il y retrouva son frère Augustin; mais il ne sentit de quelle ressource était pour lui son érudition, que quand de nouveaux motifs de jalousie les forcèrent encore à se séparer. Il eut recours alors aux connaissances et à l'amitié du prélat Agacchi; mais malgré cela il fut souvent obligé d'abattre des morceaux déjà faits; il allait même abandonner ce grand travail, si son cousin Louis ne fût venu l'encourager par ses conseils. Huit années furent employées à décorer cette magnifique galerie, dont la vue fit dire à Poussin : Annibal est le seul peintre qui ait existé depuis Raphaël : dans cet ouvrage il a surpassé tous les peintres qui l'ont précédé, et s'est surpassé lui-même. » Qui croirait qu'un travail de cette nature ne fut pas payé, pour ainsi dire, puisque le peintre recevait seulement par mois dix écus romains, de la valeur environ d'une pièce de cinq francs, et qu'on lui en remit cinq cents lorsqu'il eut terminé. Son désintéressement ne put l'empêcher de regarder ce salaire comme un outrage; on assure même qu'il en ressentit un chagrin qui le conduisit au tombeau. Ne prenant plus ses pinceaux qu'avec répugnance, il chercha à se distraire en faisant un voyage à Naples; mais sa mélancolie s'accrut encore. Il revint à Rome en 1609 : voulant s'étourdir, il commit quelque imprudence, et fut enlevé à l'âge de quarante-neuf ans, demandant à être enterré dans la rotonde, auprès de Raphaël, non pas que par son talent il se

IV

NOTICE HIST. ET CRIT. SUR CANOVA.

crût digne d'une telle sépulture, mais seulement en raison de l'amour qu'il avait eu pour ce grand peintre. Ses élèves lui firent de magnifiques obsèques, auxquelles assistèrent les plus grands seigneurs de Rome.

Recommandable par la grandeur du style et la correction du dessin, la vigueur et la facilité du pinceau, souvent même par la vérité du coloris, Annibal Carrache s'est encore distingué par de grandes compositions où l'on peut admirer son génie; dans ses autres tableaux, il a souvent montré que s'il avait dans l'âme assez d'élévation pour arriver au beau, il n'en avait pas assez pour atteindre le sublime.

La quantité de dessins qu'il a laissés démontre une facilité surprenante; ils sont ordinairement à la plume, légèrement lavés au bistre. Il a aussi gravé à l'eau-forte dix-huit pièces qui ne présentent pas toutes le même mérite dans leur exécution.

Les principaux graveurs qui ont travaillé d'après ses tableaux sont Gérard Audran, Bloemaert, Farjat, Baudet, Roullet, Rousselet, Hainzelman, Château, Desplaces, Cesio, Aquila, Mitelli et Guillain.

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