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ment il doit user de ses droits pour ne pas troubler le repos public.

C'est par le moyen des lois que l'on ramène à l'unité cette prodigieuse diversité de sentiments et d'inclinations que l'on remarque entre les hommes, et que l'on établit entre eux ce concert et cette harmonie essentiellement nécessaire à la société, et qui dirige toutes les actions des membres qui la composent au bien et à l'avantage commun; bien entendu bien entendu que les lois du souverain ne doivent avoir rien d'opposé aux lois divines, soit naturelles, soit révélées.

Le pouvoir législatif est aussi essentiel à la souveraineté que la souveraineté est essentielle à la société civile. Car le but de l'établissement de la société civile, c'est le bien public, qu'on ne saurait se procurer sans une volonté générale qui est celle du souverain, et sans se conformer à cette volonté générale qui contient les lois civiles. A Rome, le sénat, le préteur et le peuple faisaient des lois; mais on remarque une force et une autorité bien différentes dans celles des uns et des autres. On trouvera dans cet éclaircissement combien le pouvoir législatif est essentiel à la souveraineté proprement dite.

Les ordonnances du sénat n'étaient pas proprement des lois; c'étaient des ordonnances que le peuple ne reconnaissait pas le plus souvent. Elles n'étaient pas perpétuelles elles n'avaient pas besoin d'être révoquées pour n'être plus en vigueur. Leur durée naturelle n'était que d'un an;

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elles avaient besoin d'être autorisées par les comices du peuple, et ensuite publiées pour avoir force de lois. Tite-Live dit partout: Senatus decrevit populus jussit.

Ce qu'ordonnaient les préteurs ne portait pas le nom de loi; on l'appelait des édits. Si l'on veut connaître la différence des lois et des édits, on n'a qu'à remarquer ce qui fut pratiqué sous Auguste. Ce qu'il ordonnait comme empereur, comme magistrat de la république, se nommait des édits; ce qu'il statuait et qu'il faisait revêtir du sceau de l'autorité du peuple, le vrai souverain, se nommait leges juliæ.

Les édits des préteurs n'avaient de force que durant leur magistrature. Mais lorsqu'ils contenaient des réglements utiles au bien public, leurs successeurs les conservaient : peu à peu l'approbation tacite et l'usage général leur donnaient quelque force, ainsi qu'aux sénatus-consultes. Julien, préfet de Rome, dont le fils fut empereur, fit un recueil des édits. Il les commenta et les rangea sous différents titres qu'il présenta à l'empereur Adrien. Ils furent homologués par un décret du sénat qui fut autorisé par le prince. Ce fut alors seulement que les édits, en vertu du caractère qui leur fut imprimé, devinrent absolus comme les lois.

Les lois que faisait le peuple portaient un pouvoir bien différent. Elles obligeaient tous les ordres de la république; elles étaient perpétuelles, elles n'avaient besoin d'aucune approba

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tion elles duraient jusqu'à ce qu'il plût à ce même peuple qui les avait faites de les abroger. Il faut que les jurisconsultes qui ont placé au même rang les sénatus-consultes, les édits des préteurs et les plébiscites, n'aient eu aucune connaissance du gouvernement de la république romaine. La souveraineté résidait à Rome dans l'assemblée légitime du peuple. C'est là qu'il en faut chercher le caractère essentiel, qui consiste dans la puissance législative telle que l'avait le peuple, c'est-à-dire sans le secours de supérieur ni d'égal. Les décemvirs, tout souverains qu'ils étaient dans le fond, voulant affecter de ne pas l'être, faisaient accroire au peuple qu'ils ne s'arrogeaient pas le pouvoir législatif. « Rien de ce que nous vous « proposons, disaient-ils au peuple, ne peut «< passer en loi sans votre consentement : Ro<< mains, soyez vous-mêmes les auteurs des lois (( qui doivent faire votre bonheur. »

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Les Grecs ont pensé comme les Romains sur le pouvoir législatif. En général, les hommes ont été toujours tellement persuadés que ce pouvoir était essentiel à la souveraineté, que les plus sages législateurs crurent devoir même s'autoriser de la Divinité, vraie source de toute souveraineté. Minos se retirait de temps en temps dans un antre, où il se vantait d'avoir avec Jupiter des entretiens familiers. Ménès, un des plus renommés et des plus anciens législateurs de l'Égypte, attribuait ses lois à Hermès, autrement dit Mercure. Lycurgue avait eu soin de se munir du

suffrage d'Apollon avant que de travailler à la réforme de Sparte. Zaleucus, législateur des Locriens, se disait inspiré de Minerve. Zathraustès, chez les Arimaspes, publiait qu'il tenait ses or¬ donnances d'un génie adoré de ces peuples. Zamolxis vantait aux Gètes ses communications avec la déesse Vesta. Numa entretenait les Romains de ses conversations avec la nymphe Égérie. On pourrait en citer bien d'autres exemples.

Au pouvoir législatif il faut joindre le pouvoir coactif, c'est-à-dire le droit d'établir des peines contre ceux qui troublent la société par leurs désordres, et le pouvoir de les infliger actuellement; sans cela l'établissement de la société civile et des lois serait tout-à-fait inutile, et on ne saurait se promettre de vivre en paix et en sûreté. Mais afin que la crainte des peines puisse faire une impression assez forte sur les esprits, il faut que le droit de punir s'étende jusqu'à pouvoir faire souffrir le plus grand de tous les maux naturels, je veux dire la mort; autrement la crainte de la peine ne serait pas toujours capable de balancer la force du plaisir et de la passion; en un mot, il faut qu'on ait manifestement plus d'intérêt à observer la loi qu'à la violer. Ainsi ce droit du glaive est sans contredit le plus grand pouvoir qu'un homme puisse exercer sur un autre homme.

Sans le pouvoir exécutif, le législatif serait inu+ tile, de même que l'établissement des sociétés civiles. Car si les lois sans sanction naturelle

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avaient suffi pour contenir les hommes, ils auraient été heureux avec la législation naturelle, et l'établissement des sociétés civiles aurait été inutile. Ce n'est donc que par les peines infligées par les supérieurs des sociétés civiles à ceux qui ne vivent pas conformément aux lois, que l'établissement des sociétés civiles produit la fin que les hommes se sont proposée en les établissant.

Ensuite il est nécessaire pour maintenir la paix dans un État que le souverain ait droit de connaître des différends survenus entre les citoyens, et qu'il les décide en dernier ressort; comme encore d'examiner les accusations intentées contre quelqu'un pour absoudre ou punir par sa sentence, conformément aux lois. C'est ce qu'on appelle la juridiction ou le pouvoir judiciaire. On doit encore rapporter ici le droit de faire grâce aux coupables lorsque quelque raison d'utilité publique le demande.

D'où vient que, lorsque Auguste s'empara peu à peu de toutes les parties de la souveraineté, il fit en sorte qu'on ordonna entre autres choses, et qu'il y aurait appel par-devant lui de la sentence des juges, et qu'il aurait le suffrage de Minerve dans tous les tribunaux, comme nous l'apprend Dion Cassius (1). Or ce calculus Minervæ signifie le pouvoir de faire grâce à ceux qui sont convaincus et condamnés juridique

ment.

(1) Liv. LI.

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