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tage de leur nation au préjudice de ce qu'ils doivent aux autres peuples en vertu des lois de la justice et de l'humanité.

L'on comprend aisément, par ce que l'on vient de dire de la société civile en général, qu'entre tous les établissements humains il n'y en a point de plus considérable, et que comme il embrasse tout ce qui peut intéresser le bonheur de la société humaine, son objet est d'une très-grande étendue : il est donc également important et pour les sujets et pour les souverains de s'instruire làdessus. Voyez BURLAMAQUI, tom. VI, chap. 1; GROTIUS, Disc. prélim., liv. I, chap. 1, § 14 et suiv.; PUFFENDORF, liv. II, chap. i; WATTEL, Préliminaires, etc.

LEÇON II.

Origine des sociétés civiles; ses avantages.

LA société civile, suivant Bodin, est le droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine; par où il désigne un État gouverné par un seul, comme celui qui l'est par plusieurs. Lorsque Bodin dit le droit gouvernement, il distingue les sociétés avouées ou fondées sur la justice des sociétés criminelles, comme celles des brigands, des pirates, etc. Toute société civile est censée avoir pour base la justice. Or de ce but universel

que se propose toute société politique, il résulte une idée générale d'équité qui doit régner entre les nations; et c'est ce qu'on appelle le droit des gens.

Il ajoute, de plusieurs ménages, pour exprimer qu'il faut un certain nombre de familles réunies pour composer une société civile sans cette union de plusieurs familles, on n'aurait que des sociétés passagères, entièrement opposées aux vues que les hommes se sont proposées, puisqu'en formant des corps politiques, ils ont eu dessein qu'ils subsistassent: c'est ce qui paraît dans tous leurs réglements. L'homme qui désire de se perpétuer ne construit pas des édifices pour

un seul jour.

Bodin ajoute, et de ce qui leur est commun : par où il apprend que toute société présuppose un intérêt public, et qu'il est de l'essence du gouvernement de veiller sur cet intérêt commun, tandis que chaque particulier travaille pour l'avantage des associés, pour leur défense et pour la protection publique.

Qu'on imagine un certain nombre de familles, occupées chacune de son intérêt particulier, et refusant tout secours à la cause générale; elles ne sont plus associées. Que l'on imagine un gouvernement qui s'approprie ce que chacun contribue, ce n'est plus un corps politique; car, pour être tel, il faut qu'il y ait une correspondance réciproque, une société entre le peuple et le gouvernement.

Enfin Bodin termine sa définition par ces mots, avec puissance souveraine : c'est le lien qui tient toutes les parties unies l'une à l'autre, comme la quille du vaisseau qui en soutient tous les membres, et sans laquelle il ne serait plus vaisseau. En effet, la société civile n'est point affectée à une ville, à un territoire : elle consiste dans l'étroite et constante union des parties du corps politique sous les mêmes lois, avec l'obligation de les suivre et le pouvoir de les limiter, de les étendre ou de les abroger. C'est là le droit essentiel de la puissance souveraine.

On voit donc d'un coup d'oeil, dans la définition que nous venons de développer, que pour la composition d'une société civile il faut nécessairement un gouvernement droit fondé sur la justice des familles; un intérêt commun, et la souveraineté.

Quand on demande quelle a été l'origine de la société civile, cette question peut être envisagée sous deux faces différentes; car, ou l'on demande par là quelle a été dans le fait la première origine des gouvernements, ou bien l'on demande quel est le droit de convenance à cet égard, c'est-àdire quelles sont les raisons qui doivent porter les hommes à renoncer à leur liberté naturelle et à préférer l'état de nature. Voyons d'abord ce que l'on peut dire sur le fait.

Comme l'établissement de la société et du gouvernement est presque aussi ancien que le monde, et qu'il ne nous reste que très-peu de mo

numents de ces premiers siècles, on ne peut rien dire de bien certain sur la première origine des sociétés civiles; et tout ce que les politiques avancent là-dessus se réduit à des conjectures plus ou moins vraisemblables.

Il est vraisemblable que dans l'établissement des sociétés les hommes ont plutôt songé à remé– dier aux maux dont ils avaient fait l'expérience, qu'à se procurer tous les avantages qui résultent des lois, du commerce, des arts et des sciences, et de toutes les autres choses qui font aujourd'hui la beauté de l'histoire.

Le naturel des hommes et leur manière ordinaire d'agir ne permettent pas de rapporter l'établissement de tous les États à un principe général et uniforme : il est plus naturel de penser que différentes circonstances ont donné naissance aux différents États.

L'on vit sans doute la première image des gouvernements dans la société monarchique ou dans les familles ; mais il y a toute apparence que ce fut l'ambition soutenue de la force ou de l'habileté qui assujettit pour la première fois plusieurs pères de famille sous la domination d'un chef : c'est ce qui paraît assez conforme au naturel des hommes, et cela semble même appuyé par la manière dont l'Histoire sainte parle de Nemrod (1), le premier roi dont nous ayons connais

sance.

(1) Voyez la Genèse, chap. x, vers. 8 et suiv.

Le premier corps politique dont il soit parlé dans l'histoire est le monarchique, qui est sans contredit le plus anciennement et le plus universellement établi; l'Écriture l'atteste (1). Les plus anciens peuples dont Moïse parle, les Babyloniens, les Assyriens, les Égyptiens, les Élamites, les nations qui habitaient proche du Jourdain et dans la Palestine, étaient soumises à des rois. L'histoire profane s'accorde en ce point avec les livres saints. Homère exalte toujours les prérogatives de la royauté et les avantages de la subordination. Ce poète ne paraît pas même avoir eu l'idée d'aucune autre forme de gouvernement. Durant cette longue suite de siècles dont les Chinois se vantent, ils n'ont jamais été gouvernés que par des rois. Ils ne peuvent concevoir ce que c'est qu'un État républicain (2). On en peut dire autant de tous les peuples de l'Orient. Ajoutons que toutes les anciennes républiques, Athènes, Rome, etc., ont commencé par être soumises au gouvernement monarchique.

Il n'est pas difficile de faire sentir par quelles raisons le gouvernement monarchique est le premier dont l'idée a dû se présenter. Il était plus aisé aux peuples, lorsqu'ils ont pensé d'établir l'ordre dans la société, de se rassembler sous un seul

(1) Genèse, X, v. 1o. I. Reg. VIII, v. 20.

(2) Mém. de la Chine, par le P. le Comte, tome 11 lettre IX.

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