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La ville et la cité sont deux choses si distinctes,

que la loi décide que celui qui a porté hors de la ville ce qu'il était défendu de transporter hors de la cité, n'a point contrevenu à la défense. Une nation, un canton qui vit selon les mêmes lois, les mêmes coutumes, la même religion, qui use du même langage, forme une cité. Je croirais cependant que quelque différence de culte dans un même fond de religion, quelque changement léger dans l'idiome, ne devrait pas faire perdre le nom de cité. Ainsi la ville peut être cité, elle peut ne l'être pas; comme aussi la cité exister sans ville, et consister en villages et hameaux. L'une et l'autre peuvent n'être point république, et en dépendre sans y être incorporées. C'est ainsi que l'on connaît plusieurs territoires simplement sujets des républiques, qui n'en font point partie, leurs habitants n'étant pas dans l'association. Cet usage d'assujettir les villes peut être contre la bonne politique d'une démocratie; mais il n'est pas contre la nature des choses, comme le dit fort bien un auteur célèbre (1).

On ne saurait au contraire imaginer une république sans cité; il faudrait supposer autant de coutumes que de sujets : mais la république peut, absolument parlant, exister sans ville ni bourg. Telle fut la république d'Athènes, lorsque, montant sur des vaisseaux, elle abandonna lá ville à

(1) Esprit des Lois, liv. X, chap. v1.

l'approche du roi de Perse. Ceux de Mégalopolis en usèrent à peu près de même à la vue de Cléomènes, roi de Lacédémone. On aurait pu dire que la cité sortit de la ville lorsque Pompée quitta Rome après en avoir tiré deux cents sénateurs et les plus notables citoyens qui voulurent suivre. Il disait : Non est in parietibus respublica. Ceux de son parti la plaçaient dans son camp.

L'ignorance de ces principes peut être d'une plus grande conséquence qu'on ne pense. Lorsque les Carthaginois envoyèrent leurs ambassadeurs pour recevoir les lois qu'il plairait au sénat de leur dicter, ils le supplièrent seulement de ne pas ordonner la destruction de leur ville, l'une des plus belles du monde, monument des victoires et de la gloire du nom romain. Le sénat répondit que leur cité, civitatem, demeurerait avec tous les droits, priviléges et libertés, dont ils avaient joui jusqu'alors. Les ambassadeurs s'en retournèrent satisfaits. Mais bientôt après le consul demanda trois cents ôtages carthaginois: on les donna. Il demanda que les armes et les machines de guerre lui fussent livrées on les li– vra. I fit ensuite publier que chaque habitant eût à sortir de la ville avec ce qu'il lui plairait d'emporter, et qu'il leur était permis d'habiter où bon leur semblerait, pourvu que ce fût à quatre-vingts stades de la mer. L'indignation et le désespoir fournirent des armes aux Carthaginois; mais leurs efforts n'aboutirent qu'à différer leur perte. La ville fut livrée au fer et aux

flammes on répondit aux imprécations et aux reproches de ces malheureux en leur apprenant la différence qu'il y avait entre une ville et une cité, et ils furent la dupe de cette distinction.

Ceux qui négocient les affaires des princes pourraient faire des fautes bien essentielles, par l'ignorance de ces choses qui, au premier coup d'œil, paraissent de peu d'importance. Par exemple, il est porté au second article du traité de 1505, entre les cantons de Berne et de Fribourg, que l'alliance entre les deux républiques durera autant que les murailles des deux villes paraîtront. L'alliance est entre les peuples, elle est indépendante des murailles : la guerre peut les détruire, un tremblement de terre les faire disparaître. Ces termes n'expriment point l'intention des contractants. Voyez BURLAMAQUI, tom. VI, chap. Iv et v; LOCKE, Gouv. civil, chap. viii; Puffendorf, liv. VII, chap. п1; WATEL, liv. I, chap. 1 et ш.

LEÇON IV.

La source immédiate de la souveraineté, ses fondements, ses caractères, son étendue, ses bornes.

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QUAND nous recherchons ici quelle est la source de la souveraineté, nous demandons quelle en est la source prochaine et immédiate or il est certain que l'autorité souveraine, aussi bien que le titre sur lequel ce pouvoir est établi, et qui en 4

TOME II.

fait le droit, résulte immédiatement des conventions mêmes qui forment la société civile, et qui donnent naissance au gouvernement. Et en effet, considérons l'état primitif de l'homme; il est certain que les noms de souverains et de sujets, de maîtres, d'esclaves, sont inconnus à la nature; elle nous a fait simplement hommes, tous égaux, tous également libres et indépendants les uns des autres; elle a voulu que tous ceux en qui elle a mis les mêmes facultés eussent aussi les mêmes droits : il est donc incontestable que, dans cet état primitif et de nature, personne par lui-même un droit originaire de commander aux autres, ou de s'ériger en souverain. Il n'y a que Dieu seul qui ait par lui-même, et en conséquence de sa nature et de ses perfections, un droit naturel, essentiel et inhérent, de donner des lois aux hommes, et d'exercer sur eux une souveraineté absolue; il n'en est pas ainsi de l'homme par rapport à l'homme ils sont tous, par la nature, aussi indépendants les uns des autres qu'ils sont dépendants de l'empire de Dieu; cette liberté, cette indépendance, est donc un droit naturel à l'homme, et duquel on ne saurait le priver malgré lui sans crime.

:

Mais si cela est ainsi, et s'il y a pourtant aujourd'hui une autorité souveraine parmi les hommes, d'où peut venir cette autorité, si ce n'est des conventions que les hommes ont faites entre eux à ce sujet? Car de la même manière que l'on transfère son bien à quelqu'un par une conven

tion, de même, par une soumission volontaire, on peut se dépouiller en faveur de quelqu'un qui accepte la renonciation, du droit naturel qu'on avait de disposer pleinement de sa liberté et de ses forces naturelles.

Il faut donc dire que la souveraineté réside originairement dans le peuple et dans chaque particulier par rapport à soi-même, et que c'est le transport et la réunion de tous les droits de tous les particuliers dans la personne du souverain qui le constitue tel, et qui produit véritablement la souveraineté. Personne ne saurait douter, par exemple, que lorsque les Romains choisirent Romulus et Numa pour leurs rois, ils ne leur conférassent, par cet acte même, la souveraineté sur eux, qu'ils n'avaient pas auparavant, et à laquelle ils n'avaient certainement d'autre droit que celui leur donnait l'élection de ce peuple.

que

Cet argument est décisif. La société civile est un fait humain, et par conséquent le principe est incontestable : donc tout ce qui en dérive avec le pouvoir civil, l'est aussi. Mais peut-on méconnaître la vérité jusqu'au point de refuser à la nation l'origine du pouvoir souverain? Qu'on ouvre les histoires, si on ne veut pas se donner la peine de raisonner; qu'on lise les formules de la création des souverains, qu'on examine les bornes étroites du pouvoir confié aux premiers monarques; on verra que les premiers royaumes avaient été constitués de manière que la nation avait beaucoup de part au gouvernement.

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