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rons plus amplement quelques autres qui se rapportent à ce sujet.

1° La société humaine est par elle-même et dans son origine une société d'égalité et d'indépendance. 2o L'établissement de la souveraineté anéantit cette indépendance.

3° Cet établissement ne détruit point la société naturelle.

4° Au contraire il sert à lui donner plus de force.

Mais quelque grand que soit le changement que le gouvernement et la souveraineté apportent à l'état naturel, il ne faut pas croire pour cela que l'état civil détruise proprement la société naturelle, ni qu'il anéantisse les relations essentielles que les hommes ont entre eux, non plus que celles de Dieu avec les hommes. Cela ne serait ni physiquement ni moralement possible; au contraire, l'état civil suppose la nature même de l'homme, telle que le Créateur l'a formée; il suppose l'état primitif d'union et de société avec toutes les relations que cet état renferme; il suppose enfin la dépendance naturelle des hommes par rapport à Dieu et à ses lois. Bien loin que le gouvernement renverse ce premier ordre, c'est plutôt pour lui donner un nouveau degré de force et de consistance qu'il est établi. On a voulu mettre les hommes plus en état de s'acquitter des devoirs que les lois naturelles leur prescrivent, et de parvenir plus sûrement à leur destination.

Ainsi, pour se faire une juste idée de la société civile, il faut dire que c'est la société naturelle elle-même modifiée de telle sorte, qu'il y a un souverain qui y commande, et de la volonté duquel tout ce qui peut intéresser le bonheur de la société dépend en dernier ressort, afin que par ce moyen les hommes puissent se procurer d'une manière plus sûre le bonheur auquel ils aspirent naturellement.

L'établissement des sociétés civiles produit encore de nouvelles relations entre les hommes; je veux dire celles qu'il y a entre ces différents corps que l'on appelle États ou Nations, et c'est ce qui donne lieu au droit des gens et à la politique. En effet, du moment que les États sont formés, ils acquièrent en quelque manière des propriétés personnelles, et on peut en conséquence leur attribuer les mêmes droits et les mêmes obligations que l'on attribue aux particuliers, comme membres de la société humaine : et il est bien évident que si la raison impose aux particuliers certains devoirs les uns envers les autres, elle prescrit aussi ces mêmes règles de conduite aux nations (qui ne sont que des composés d'hommes) dans les affaires qu'elles peuvent avoir les unes avec les autres. On peut donc appliquer aux peuples et aux nations toutes les maximes du droit naturel que nous avons ex-pliquées jusqu'ici, et la même loi qui s'appelle naturelle lorsqu'on parle des particuliers, s'appelle droit des gens cu droit des nations lorsqu'on en

fait l'application aux hommes considérés comme formant ces différents corps que l'on nomme États ou Nations.

Il faut donc remarquer que l'état naturel des nations les unes à l'égard des autres est un état de société et de paix; cette société est aussi une société d'égalité et d'indépendance, et qui établit entre elles une égalité de droit qui les oblige à avoir les unes pour les autres les mêmes égards et les mêmes ménagements. Le principe général du droit des gens n'est donc autre chose que la loi générale de la sociabilité, qui oblige à la pratique des mêmes devoirs auxquels les particuliers sont assujettis. Aussi la loi de l'égalité naturelle, celle qui défend de faire du mal à personne, et qui ordonne la réparation du dommage, la loi de la bénéficence, la fidélité dans les conventions, etc., sont tout autant de lois du droit des gens, et qui imposent aux peuples ou à leurs souverains les mêmes devoirs qu'elles produisent à l'égard des particuliers.

C'est avec raison que Hobbes divise la loi naturelle en loi naturelle de l'homme et loi naturelle des États. C'est la loi naturelle des États que l'on appelle droit des gens. « Les maximes, « ajoute-t-il, de l'une et de l'autre de ces lois, « sont précisément les mêmes; et comme les États, du moment qu'ils sont formés, acquiè<< rent en quelque manière des propriétés person« nelles, la même loi qui se nomme naturelle «<lorsqu'on parle des devoirs des particuliers,

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s'appelle droit des gens lorsqu'on l'applique << au corps entier d'un État ou d'une nation (1). »

Il est important de bien faire attention à la nature et à l'origine du droit des gens, telle que nous venons de la représenter; il suit de là que les maximes du droit des gens n'ont pas moins d'autorité que les lois de nature elles-mêmes dont elles font partie, et qu'elles ne sont ni moins sacrées ni moins respectables, puisque les unes et les autres ont également Dieu pour auteur.

Il ne saurait même y avoir un autre droit des gens véritablement obligatoire, et qui ait par lui-même force de loi; car toutes les nations étant les unes à l'égard des autres dans une parfaite égalité, il est évident que, s'il y a entre elles quelque loi commune, il faut nécessairement qu'elle ait Dieu, leur commun souverain, pour

auteur.

Pour ce qui est du consentement tacite ou des usages des nations, sur lequel quelques docteurs établissent un droit des gens, ils ne sauraient produire par eux-mêmes une véritable obligation; de cela seul que plusieurs peuples ont pendant un certain temps agi entre eux d'une certaine manière, par rapport à telle ou telle affaire, il ne s'ensuit pas qu'ils se soient imposé la nécessité d'en user toujours de même à l'avenir, et beau-coup moins encore que tous les autres peuples soient obligés de se conformer à cet usage.

(1) De Cive, cap. XIV, § 4.

Ce que nous venons de dire du droit des gens présente aux princes qui les gouvernent plusieurs réflexions importantes, entre autres que le droit des gens n'étant autre chose dans le fond que le droit naturel lui-même, il n'y a qu'une seule et même règle de justice pour tous les hommes, en sorte que les princes qui l'enfreignent ne commettent pas un moindre crime que les particuliers, d'autant plus que leurs mauvaises actions ont pour l'ordinaire des conséquences beaucoup plus fàcheuses que celles des particuliers.

Une autre conséquence que l'on peut tirer des principes que nous avons établis sur l'état naturel des nations et sur le droit des gens, c'est de se faire une juste idée de cet art si nécessaire aux conducteurs des nations, et qu'on appelle politique. La politique n'est donc autre chose que cet art, cette habileté par laquelle un souverain pourvoit à la conservation, à la sûreté, à la à la prospérité et à la gloire de la nation qu'il gouverne, sans faire tort aux autres peuples, même en procurant leur avantage autant qu'il est possible.

En un mot, ce qu'on appelle prudence par rapport aux particuliers, c'est ce que l'on nomme politique à l'égard des souverains; et comme cette mauvaise habileté par laquelle on cherche ses avantages au préjudice des autres, et que l'on appelle astuce ou finesse, est condamnable dans les particuliers, elle ne l'est pas moins dans les princes, dont la politique va à procurer l'avan

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