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prisonnier de guerre qui se trouve entre les mains du vainqueur d'avec celui qui est retenu par le vaincu. Si la justice de la guerre était du côté du vainqueur, dès qu'il est tel, il est censé avoir vengé l'injure reçue, ou dont il était menacé, et le droit des gens ne l'autorisait à faire du mal à l'ennemi que jusqu'au point d'avoir obtenu une entière satisfaction et une parfaite sûreté. La condition de vainqueur lui assure l'une et l'autre. Par quel droit donc pousserait-il encore les hostilités contre les ennemis prisonniers et désarmés?

Si le vainqueur a fait une guerre injuste, loin d'avoir droit sur la vie des prisonniers, il est comptable de tous les maux et de toutes les horreurs de la guerre. Comment donc osera-t-il prétendre quelque droit sur les prisonniers?

Si les prisonniers se trouvent entre les mains du vaincu, il faut encore distinguer si la guerre a été juste ou injuste de son côté. Dans le premier cas il n'a point de droit sur les prisonniers, parce que le droit que la guerre donne sur l'ennemi a pour but ou la réparation d'une injure reçue, ou la sûreté d'une injure dont on est menacé. Mais ce ne sera pas sûrement par la mort des prisonniers que le vaincu obtiendra ce qu'il demande, dans la supposition que la justice soit de son côté; car n'ayant pas eu de bonheur contre l'ennemi armé, s'il allait décharger sa mauvaise humeur contre les ennemis désarmés; il irriterait par là le vainqueur, et il s'attirerait

des maux encore plus fâcheux, effets naturels de la colère de l'ennemi irrité.

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Enfin si le vaincu est l'injuste, continuera-t-il à souiller ses mains du sang innocent de ses prisonniers qui ont combattu pour une cause juste? N'est-il pas encore content du sang qu'il a fait répandre dans la chaleur du combat? Ne craindra-t-il pas d'être entièrement écrasé par le vainqueur, irrité justement de la cruauté exercée par son ennemi injuste et vaincu, dans le temps même que, pour son bonheur et celui de ses États, il aurait dû recourir à la clémence et à la générosité du vainqueur?

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L'on voit par là combien se trompent ceux qui prétendent que l'on peut rendre esclaves les prisonniers de guerre. Leur raison est qu'une nation ayant droit sur la vie des prisonniers, peut à plus forte raison les condamner à un esclavage perpétuel. Nous venons de voir que loi naturelle n'accorde point le droit de vie sur les prisonniers, à moins qu'ils ne se soient ren→ dus personnellement coupables de quelque attentat digne de mort. En effet, épargner les jours à un prisonnier, pour le condamner à un sort si contraire à la nature de l'homme, je ne fais que continuer avec lui l'état de la guerre, je continue à le regarder comme ennemi; mais par quel droit?

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La question était autrefois plus embarrassante, lorsque l'ennemi ne pouvait ni garder ni nouvrir ses prisonniers. Lors donc qu'on a une si grande

multitude de prisonniers, qu'il est impossible de les nourrir ou de les garder avec sûreté, serat-on en droit de les faire périr, ou les renverrat-on fortifier l'ennemi, au risque d'en être accablé dans une autre occasion? Aujourd'hui la chose est sans difficulté; on renvoie ces prisonniers sur leur parole, en leur imposant la loi de ne point reprendre les armés jusqu'à un certain temps, ou jusqu'à la fin de la guerre. Et comme il faut nécessairement que tout commandant soit en pouvoir de convenir des conditions auxquelles l'ennemi le reçoit à composition, les engagements qu'il a pris pour sauver sa vie ou sa liberté et celle de sa troupe sont valides comme faits dans les termes de ses pouvoirs, et son souverain ne peut les annuler. Nous en voyons dans toutes les guerres des exemples.

Mais si nous avons affaire à une nation également féroce, perfide et formidable, lui renverrons-nous des soldats qui peut-être la mettront en état de nous détruire? Quand notre sûreté se trouve incompatible avec celle d'un ennemi, même soumis, il n'y a pas à balancer. Mais pour faire périr de sang-froid un grand nombre de prisonniers, il faut qu'on ne leur ait pas promis la vie, et nous devons bien nous assurer que notre salut exige un pareil sacrifice. Pour peu que la prudence permette ou de se fier à leur parole, ou de mépriser leur mauvaise foi, un ennemi généreux écoutera plutôt la voix de l'humanité que celle d'une timide circonspection.

Ne quittons point cette matière, de ce qu'on est en droit de faire contre la personne de l'ennemi, sans dire un mot des dispositions qu'on doit conserver envers lui.

Il ne faut jamais oublier que nos ennemis sont hommes. Réduits à la fâcheuse nécessité de poursuivre notre droit par la force des armes, ne dépouillons point la charité qui nous lie à tout le genre humain. De cette manière nous défendrons courageusement les droits de la patrie, sans blesser ceux de l'humanité. Que notre valeur se préserve d'une tache de cruauté, et l'éclat de la victoire ne sera point terni par des actions inhumaines et brutales. On déteste aujourd'hui Marius, Attila; on ne peut s'empêcher d'admirer et d'aimer César : peu s'en faut qu'il ne rachète par sa générosité, par sa clémence, l'injustice de son entreprise. La modération, la générosité du vainqueur lui est plus glorieuse que son courage; elle annonce plus sûrement une grande âme. Outre la gloire qui suit infailliblement cette vertu, on a vu souvent des fruits présents et réels de l'humanité envers un ennemi.

Autrefois celui qui pouvait tuer le roi ou le général ennemi était loué et récompensé; on sait quel honneur était attaché aux dépouilles opimes. Rien n'était plus naturel; les anciens combattaient presque toujours pour leur salut, et souvent la mort du chef met fin à la guerre. Aujourd'hui, au moins pour l'ordinaire, un soldat n'oserait se vanter d'avoir ôté la vie au roi en

nemi. Les souverains s'accordent ainsi tacitement à mettre leur personne en sûreté. Il faut avouer que dans une guerre peu échauffée et où il ne s'agit pas du salut de l'État, il n'y a rien que de louable dans ce respect pour la majesté royale, rien même que de conforme aux devoirs mutuels des nations. Dans une pareille guerre, ôter la vie au souverain de la nation ennemie quand on pourrait l'épargner, c'est faire peut-être à cette nation plus de mal qu'il n'est nécessaire pour finir heureusement la querelle; mais ce n'est point une loi de la guerre d'épargner en toute rencontre la personne du roi ennemi, et on n'y est obligé que quand on a la facilité de le faire prisonnier. Voyez BURLAMAQUI, tom. VIII, chap. vi; WATTEL, liv. III, chap. VIII, IX; GROTIUS, liv. III, chap. iv.

LEÇON XXVI.

Droits que donne la guerre sur les biens des ennemis.

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A l'égard des biens de l'ennemi, il est incontestable que l'état de guerre permet de les lui enlede les ravager, de les endommager et même de les détruire entièrement; car, comme le remarque fort bien Cicéron, il n'est point contraire à la nature de dépouiller de son bien une personne à qui l'on peut ôter la vie avec justice, et toutes ces sortes de maux que l'on peut causer

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