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la justice et l'humanité veulent qu'on en use de cette manière.

Il est vrai que dans l'application de ces maximes, aux cas particuliers, il est très-difficile pour ne pas dire impossible, de marquer précisément l'étendue et les bornes qu'on doit leur donner; mais au moins il est toujours certain que l'on doit tâcher d'en approcher autant que l'on peut et sans blesser nos intérêts bien entendus. Faisons l'application de ces principes aux cas particuliers.

Le droit de tuer l'ennemi ne regarde-t-il que ceux qui portent actuellement les armes, ou bien s'étend-il indifféremment sur tous ceux qui se trouvent sur les terres de l'ennemi, soit qu'ils soient sujets ou étrangers? Je réponds qu'à l'égard de tous ceux qui sont sujets la chose est incontestable; ce sont là les ennemis principaux, et l'on peut exercer sur eux tous les actes d'hostilité en vertu de l'état de guerre.

Pour ce qui est des étrangers, ceux qui lorsque la guerre est commencée vont, le sachant, dans le pays de notre ennemi, peuvent avec justice être regardés comme tels; mais pour ceux qui étaient déjà venus dans le pays ennemi avant la guerre, la justice et l'humanité veulent qu'on leur accorde quelque temps pour se retirer; que s'ils n'en veulent pas profiter on se trouve par là autorisé à les traiter comme nos ennemis mêmes.

A l'égard des vieillards, des femmes et des enfants, il est certain que le droit de la guerre

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n'exige pas par lui-même que l'on pousse les hostilités jusqu'à les tuer, et que par conséquent c'est une pure cruauté d'en user ainsi. Je dis le but de la guerre n'exige pas cela par lui-même; car si les femmes, par exemple, exercent ellesmêmes des actes d'hostilité, si oubliant la faiblesse de leur sexe elles prennent les armes contre l'ennemi, alors on est sans contredit en droit de se servir contre elles de celui que donne la guerre. Disons encore que lorsque le feu de l'action emporte le soldat comme malgré lui, et nonobstant les ordres des supérieurs, à commettre ces actes d'inhumanité, comme, par exemple, à la prise d'une ville qui par sa résistance a irrité les troupes, alors on doit plutôt regarder ces mauxlà comme des malheurs et comme des suites inévitables de la guerre que comme des crimes punissables.

Il en faut dire autant des ministres publics de la religion, des gens de lettres ou autres personnes dont le genre de vie est fort éloigné du métier des armes; non que ces gens-là ni même les ministres des autels aient nécessairement et par leur emploi aucun caractère d'inviolabilité, ou la loi civile puisse le leur donner par rapport à l'ennemi; mais comme ils n'opposent point la force ou la violence à l'ennemi, ils ne lui donnent aucun droit d'en user contre eux. Les laboureurs sont aussi dignes de toute l'attention des conducteurs d'armée, en considération de leur travail si utile au genre humain.

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Il faut à peu près raisonner de la même manière sur les prisonniers de guerre; on ne saurait pour l'ordinaire les faire mourir sans se rendre coupable de cruauté. Je dis pour l'ordinaire, car il peut se rencontrer des cas de nécessité si sants, que le soin de notre propre conservation nous oblige à nous porter à des extrémités qui hors de ces circonstances seraient tout-à-fait criminelles.

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En général les lois même de la guerre demandent l'on s'abstienne du carnage autant qu'il que est possible, et que l'on ne répande pas du sang sans nécessité; l'on ne doit pas directement et de propos délibéré ôter la vie, ni aux prisonniers de guerre, ni à ceux qui demandent quartier, ni à ceux qui se rendent, moins encore aux vieillards, aux femmes et aux enfants, et en général à aucun de ceux qui ne sont ni d'un âge ni d'une profession à porter les armes, et qui n'ont d'autre part à la guerre que de se trouver dans le pays ou dans le parti ennemi. L'on comprend bien encore que les droits de la guerre ne s'étendent pas jusqu'à autoriser les outrages faits à l'honneur des femmes; car cela ne fait rien ni à notre défense, ni à notre sûreté, ni au maintien de nos droits, et ne peut servir qu'à satisfaire la brutalité du soldat..

Mais dans les cas où il est permis d'ôter la vie à l'ennemi, peut-on se servir pour cela de toutes sortes de moyens indifféremment? Je réponds qu'à considérer la chose en elle-même et d'une

TOME II.

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manière abstraite, il n'importe de quelle manière on ôte la vie à un ennemi, que ce soit de vive force, ou par ruse, ou par stratagème, par le fer ou par le poison.

Cependant il est certain que, suivant le droit naturel, c'est une lâcheté criminelle, non-seulement de faire donner à l'ennemi quelque breuvage mortel, mais encore d'empoisonner les puits, les sources, les flèches, les dards, les balles et les autres choses dont on se sert contre lui.

Je dis que le droit naturel défend le poison à la guerre ; car la loi naturelle nous défend expressément d'étendre à l'infini les maux de la guerre. Frappez l'ennemi, mettez-le hors de combat, tuez-le même, tout cela vous est permis ; le droit des gens vous y autorise. Mais lorsque l'ennemi est une fois hors du combat, dès qu'il ne vous résiste plus, faut-il qu'il meure inévitablement de ses blessures empoisonnées? Si vous pouvez prendre une place par le meurtre d'une partie de la garnison, pourquoi voulez-vous absolument que toute la garnison et les habitants même, la plupart innocents, aient le même sort par l'empoisonnement des fontaines, des puits, etc.? Ce serait pousser la cruauté à l'excès et bien au-delà de ce que les lois de la guerre le permettent. La guerre même a ses lois, dit sagement Plutarque, dans l'esprit des honnêtes gens (1); l'on se trompe bien

(1) Vita Camil.

lorsque l'on croit que le droit de guerre permet ce qui n'est pas renfermé dans les borne's de l'honnêteté.

Ce sont donc là de justes précautions que les hommes doivent suivre pour leur propre avantage. Il est de l'avantage commun du genre humain que les périls ne s'augmentent pas à l'infini; en particulier la société y est intéressée par rapport à la conservation de la vie des rois, des généraux d'armée et d'autres personnes considérables du salut desquelles dépend pour l'ordinaire celui des sociétés; car si la vie de ces personnes est plus en sûreté que celle des autres quand on ne l'attaque que par les armes, elles ont d'un autre côté beaucoup plus à craindre du poison, etc., et elles seraient tous les jours exposées à périr de cette manière si la loi naturelle ne les mettait à couvert de ce côté-là. →

Ajoutons enfin que toutes les nations qui se sont piquées de générosité ont toujours suivi ces maximes, et les consuls romains, dans une lettre qu'ils écrivirent à Pyrrhus, disaient qu'il était de l'intérêt de toutes les nations qu'on ne donnât point de tels exemples.

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On demande encore si l'on peut légitimement faire assassiner un ennemi? Je réponds que celui qui se sert pour cela du ministère de quelqu'un des siens le peut en toute justice. Lorsqu'on peut tuer un ennemi, il n'importe que ceux qu'on emploie pour cela soient en grand ou en petit nombre. Six cents Lacédémoniens étant entrés avec

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