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lité; je fais vœu de ne lui donner que des lois utiles et justes, de n'avoir plus de volonté qui ne soit conforme à ses lois. Plus il me rend puissant, moins il me laisse libre. Plus il se livre à moi, plus il m'attache à lui. Je lui dois compte de mes faiblesses, de mes passions, de mes erreurs; je lui donne des droits sur tout ce que je suis; enfin je renonce à moi-même dès que je consens à régner; et l'homme privé s'anéantit pour céder au roi son âme tout entière. Voilà comment pensaient un Antonin, un Marc-Aurèle. Je n'ai plus rien en propre, disait l'un : Mon palais même n'est pas à moi, disait l'autre ; et leurs pareils ont pensé comme eux.

Tous les autres membres de l'Etat sont appelés sujets, c'est-à-dire qu'ils sont dans l'obligation d'obéir au souverain. Or l'on devient membre ou sujet d'un État en deux manières, ou par une convention expresse, ou par une convention tacite. Si c'est par une convention expresse, la chose est sans difficulté; à l'égard du consentement tacite, il faut remarquer que les premiers fondateurs des États, et tous ceux qui dans la suite en sont devenus membres, sont censés avoir stipulé que leurs enfants et leurs descendants auraient en venant au monde le droit de jouir des avantages communs à tous les membres de l'État, pourvu néanmoins que ces descendants, parvenus à l'âge de raison, voulussent de leur côté se soumettre au gouvernement et reconnaître l'autorité du souverain.

Je dis pourvu que les descendants reconnaissent l'autorité du souverain, car la stipulation des pères ne saurait avoir par elle-même la force d'assujettir les enfants malgré eux à une autorité à laquelle ils ne voudraient pas se soumettre; ainsi l'autorité du souverain sur les enfants des membres de l'État, et réciproquement le droit que ces enfants ont à la protection du souverain et aux avantages du gouvernement, sont établis sur un consentement réciproque. Or, de cela seul que les enfants des citoyens, parvenus à un âge de discrétion, veulent vivre dans le lieu de leur famille ou dans leur patrie, ils sont cela même censés se soumettre à la puissance qui gouverne l'État, et par conséquent ils doivent jouir comme membres de l'État des avantages qui en sont les suites; c'est pourquoi aussi les souverains une fois reconnus n'ont pas besoin de faire prêter serment de fidélité aux enfants qui naissent depuis dans leurs États.

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De plus, c'est encore une maxime qui est regardée comme une loi générale de tous les États, que quiconque entre simplement dans les terres d'un État, et, à plus forte raison, ceux qui veulent jouir des avantages que l'on y trouve, sont censés renoncer à leur liberté naturelle, et se soumettre aux lois et au gouvernement établi, du moins autant que le demande la sûreté publi– que et particulière; que s'ils refusent de le faire, ils peuvent être regardés sur le pied d'ennemis, du moins en sorte qu'on ait droit de les faire sortir

du pays; et c'est encore là une espèce de convention tacite, par laquelle on se soumet pour un temps au gouvernement.

Les sujets d'un État sont quelquefois appelés citoyens. Le terme de citoyen répond au mot latin cives, qui ne désigne autre chose que ce qui parmi nous est connu sous le nom vulgaire de bourgeois. A Rome et ailleurs il était défendu aux citoyens, aux personnes libres d'exercer les arts mécaniques; c'était le partage des esclaves : tous les citoyens étaient bourgeois.

Le citoyen est un sujet libre, c'est-à-dire exerçant une profession libre. L'abus que l'on peut avoir fait dans l'octroi des lettres de bourgeoisie ne doit pas anéantir cette règle générale : une société bien gouvernée ne doit pas admettre à ce rang une vile populace. Les affranchis, en Grèce, ni leurs descendants n'étaient pas citoyens, quoique nés Grecs : les besoins de l'État les plus pressants ne purent faire fléchir cette règle. Démosthène, après la fatale journée de Chéronée, harangua le peuple, pour demander que dans Athènes les affranchis fussent déclarés citoyens : il ne put l'obtenir.

A Rome on en usait autrement; être né dans Rome, et y être né libre, suffisait pour être citoyen une multitude de gens issus d'affranchis et d'étrangers inonda la ville.

Les citoyens, comme les sujets, sont naturels ou naturalisés. Parmi les Grecs, il fallait être né de deux naturels pour obtenir le grade de citoyen :

on appelait les autres Métifs; ils n'avaient ni rang ni priviléges; quelques-uns cependant échappaient aux recherches. La gloire d'Athènes et le bonheur de la Grèce voulurent que l'on ignorât que Thémistocle était né d'une mère étrangère. L'usage fut quelque temps le même ́à Rome; on ordonna dans la suite que la seule qualité du père déterminerait la qualité de citoyen. Cette règle est plus conforme aux vrais principes: la femme, qui participe aux dignités du mari, est citoyenne.

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Les prérogatives ne sont pas égales entre le citoyen auquel la naissance a donné ce droit, et celui auquel il a été accordé. Ce dernier participe à la vérité aux priviléges; mais il ne peut, suivant les véritables maximes, exercer les offices municipaux il n'est pas présumé avoir la même connaissance des affaires publiques, ni le même attachement que l'ancien citoyen. En Suisse on n'accorde des charges aux enfants des nouveaux citoyens que lorsqu'ils sont nés après la réception de leurs pères. Dans une grande partie de l'Allemagne l'usage est semblable. A cela près, tout citoyen l'est autant que tout autre c'est à tort qu'Aristote a dit que le noble était plus citoyen que le roturier, et le roturier vivant de ses rentes plus que le négociant ou l'agriculteur. Les grades que chaque citoyen peut avoir dans la république, et qui se multiplient à l'infini, sont des distinctions indépendantes du droit de cité : elles forment des citoyens plus notables, mais ils n'en sont pas plus citoyens.

On peut absolument être citoyen sans être sujet, lorsque ce titre est donné simplement comme un titre d'honneur. Louis XI fut le premier des rois de France qui eut le droit de bourgeoisie chez les Suisses. Les Athéniens avaient donné cet exemple sur la tête de plusieurs rois on a vu de nos jours des républiques accorder ce même titre à des particuliers, qui ne cessent pas d'être sujets de leur souverain; ce sont des exceptions à la règle générale. Il arrive encore qu'une ville donne le droit de bourgeoisie à une autre ville qui en fait autant de son côté. L'une ne devient point sujette de l'autre ; mais le particulier de chacune peut se rendre sujet de celle des deux qu'il lui plaît de choisir il peut changer son habitation, et jouir des priviléges du citoyen, sans avoir besoin d'être naturalisé.

Au reste, les citoyens, outre la relation générale de membres d'une même société civile, ont ensemble diverses relations particulières, que l'on peut réduire à deux principales. L'une qui se forme lorsque quelques-uns composent certains corps particuliers; l'autre, lorsque les souverains confient à certaines personnes quelque partie du gouvernement. Ces corps particuliers sont appelés compagnies, chambres, colleges, sociétés, communautés; mais ce qu'il faut bien remarquer, c'est que ces sociétés particulières sont toutes et en dernier ressort subordonnées au souverain. D'ailleurs on peut considérer les unes comme plus anciennes que les États, et les autres comme

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