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l'étranger, ou qu'ils donnent retraite au coupable.

Sur le premier cas il faut poser pour maxime qu'un souverain qui ayant connaissance des crimes de ses sujets, comme par exemple qu'ils exercent la piraterie sur les étrangers, et qui d'ailleurs, pouvant et devant l'empêcher, ne le fait pas, se rend lui-même coupable, parce qu'il a consenti à l'action mauvaise qu'il laisse commettre, et fournit par conséquent un juste sujet de guerre.

Les deux conditions dont on vient de parler, je veux dire la connaissance et la tolérance du souverain, sont absolument nécessaires, et l'une ne suffit pas sans l'autre : or on présume qu'un souverain sait tout ce que ses sujets font tous les jours d'une manière ouverte et sans se cacher; pour le pouvoir d'empêcher le mal, on le présume aussi toujours, à moins que le prince ne prouve clairement son impuissance.

L'autre manière dont un souverain se rend coupable, par rapport au crime d'autrui, c'est lorsqu'il donne une retraite au coupable, et qu'il empêche aussi qu'on ne le punisse.

1° Depuis l'établissement des sociétés civiles on a effectivement accordé à chaque souverain qu'il serait le seul qui eût droit de punir, comme il trouverait à propos, les fautes de ses sujets qui intéressent proprement le corps dont ils sont membres.

2o Mais on ne leur a pas laissé un droit si absolu et si particulier à l'égard des crimes qui in

téressent en quelque façon la société humaine; en telle sorte que, par rapport à ces crimes, les autres États ou leurs chefs ont droit d'en poursuivre la punition. "

3o A plus forte raison ont-ils ce droit lorsqu'il s'agit des crimes par lesquels ils sont offensés d'une manière directe, et à l'égard desquels "ils ont un droit parfait de punition, pour le maintien de leur société ou de leur honneur; ainsi, dans ces circonstances, l'État ou le chef de l'État chez qui un coupable étranger se retire ne doit apporter pour ce qui le concerne aucun empêchement à l'exécution qui appartient à toute autre puissance.

4° Or comme un prince ne permet pas ordinairement qu'un autre prince envoie sur ses terres des gens armés pour se saisir des criminels qu'il veut punir (et cela aussi serait sujet à de fâcheux inconvénients,) il faut nécessairement que le souverain sur les terres duquel se trouve un coupable atteint et convaincu fasse de deux choses l'une, ou qu'il punisse lui-même le coupable, à la réquisition du souverain offensé, ou qu'il le remette entre les mains de celui-ci pour qu'il le punisse ainsi qu'il le trouvera à propos; et c'est ce qu'on appelle livrer, et dont on trouve tant d'exemples dans l'histoire.

Outre toutes les espèces de guerre dont on a parlé jusqu'ici, on peut encore les distinguer en guerres pleines et parfaites, et en guerres imparfaites. La guerre pleine et parfaite est celle

qui rompt entièrement à tous égards l'état de paix et de société, et qui donne lieu à tous les actes d'hostilité quels qu'ils puissent être. La guerre imparfaite est au contraire celle qui ne rompt pas la paix à tous égards, mais pour de certaines choses seulement, l'état de paix subsistant quant au surplus. C'est à cette dernière espèce de guerre que l'on rapporte communément les représailles, dont il est à propos de traiter ici. On entend donc par les représailles, cette espèce de guerre imparfaite, ces actes d'hostilité que les souverains exercent les uns contre les autres, ou leurs sujets par leur consentement, en arrêtant ou les personnes ou les effets des sujets d'un État qui a commis à notre égard quelque injustice qu'il refuse de réparer, afin de nous procurer des sûretés à cet égard, et pour l'engager à nous rendre justice; et au cas qu'il persiste à nous la refuser, de nous la faire à nous-mêmes, l'état de paix subsistant quant au surplus...

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Dans l'indépendance de l'état de nature, et avant qu'il y eût aucun gouvernement, personne ne pouvait s'en prendre qu'à ceux-là mêmes de qui il avait recu du tort, ou à leurs complices; parce que personne n'avait alors avec d'autres une liaison en vertu de laquelle il pût être censé participer en quelque manière à ce qu'ils faisaient, même sans sa participation. Mais depuis qu'on eut formé des sociétés civiles, c'est-à-dire des corps dont tous les membres s'unissent ensemble pour leur défense commune, il a nécessairement

résulté de là une communauté d'intérêts et de volontés qui fait que, comme la société ou les puissances qui la gouvernent s'engagent à se défendre chacun contre les insultes de tout autre, soit citoyen, soit étranger, chacun aussi peut être censé s'être engagé à répondre de ce que fait ou doit faire la société dont il est membre, ou les puissances qui la gouvernent.

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Aucun établissement humain, aucune liaison où l'on entre, ne saurait dispenser de l'obligation de cette loi générale de la nature, qui veut que le dommage que l'on a causé à autrui soit réparé, à moins que ceux qui sont exposés à en souffrir n'aient manifestement renoncé au droit d'exiger cette réparation; et lorsque ces sortes d'établissements empêchent à certains égards que ceux qui ont été lésés ne puissent obtenir aussi aisément la satisfaction qui leur est due qu'ils l'auraient fait sans cela, il faut réparer cette difficulté en fournissant aux intéressés toutes les autres voies possibles de se faire eux-mêmes

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Or il est certain que les sociétés ou les puissances qui les gouvernent, par cela même qu'elles sont armées des forces de tout le corps, sont quelquefois encouragées à se moquer impunément des étrangers qui viennent leur demander quelque chose qu'elles leur doivent, et que chaque sujet y contribue d'une manière ou d'autre à les mettre en état d'en user ainsi. De sorte que par là il peut être censé y consentir en quelque

sorte que s'il n'y consent pas en effet, il n'y pas après tout d'autre manière de faciliter aux étrangers lésés la poursuite de leurs droits, devenue difficile par la réunion des forces de tout le corps, que de les autoriser à s'en prendre à tous ceux qui en font paṛtie.

Par une suite même de la constitution des sociétés civiles, chaque sujet, demeurant tel, est donc responsable, par rapport aux étrangers, de ce que fait ou doit faire la société ou le souverain qui la gouverne, sauf à lui demander un dédommagement lorsqu'il y a de la faute ou de l'injustice de la part des supérieurs ; que si quelquefois on est frustré de ce dédommagement, il faut regarder cela comme un des inconvénients que la constitution des affaires humaines rend inévitables dans tout établissement humain.

Les représailles étant des actes d'hostilité, et qui dégénèrent même souvent dans une guerre pleine et parfaite, il est bien évident qu'il n'y a que le souverain qui puisse les exercer légitimement, et que les sujets ne peuvent le faire que de son ordre et par son autorité.

D'ailleurs il est nécessaire que le tort ou l'injustice que l'on nous fait, et qui occasionne les représailles, soit manifeste et évident, et qu'il s'agisse de quelque intérêt considérable. Si l'injustice est douteuse, il serait également injuste et périlleux d'en venir à cette extrémité, et de s'exposer ainsi à tous les maux d'une guerre ouverte ; on ne doit pas non plus en venir aux représailles

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