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s'entre-détruire; car il est malheureusement trop certain que si chaque pays produisait tout ce qui est nécessaire pour satisfaire aux besoins de ses habitants et pour contenter leurs désirs, on verrait des guerres perpétuelles entre les différents peuples de la terre. Le désir de dominer, si naturel aux hommes, ne serait alors plus contre-balancé par le sentiment de l'intérêt qu'une nation trouve aujourd'hui dans la conservation d'une autre nation avec laquelle elle est en commerce, et par ces liens d'amitié que les peuples, qui sont en relation les uns avec les autres, contractent insensiblement et presque sans s'en apercevoir. Plus on y réfléchit, plus on voit que le commerce général adoucit la férocité naturelle des humains, et tempère l'ardeur des peuples à étendre les bornes de leur domination et à faire des conquêtes. Quel bonheur pour le genre humain si cette façon de penser faisait des progrès ! Que les voies de la Providence sont admirables! Elle conduit les hommes à s'acquitter de leurs devoirs réciproques par l'intérêt qu'eux-mêmes y trouvent. Si les passions déréglées ne nous cachaient pas souvent nos véritables intérêts, nous verrions évidemment qu'en nous acquittant des devoirs de l'humanité nous nous procurons toujours les plus solides avantages. C'est pour notre bonheur que le souverain législateur nous a prescrit des devoirs, et ce n'est qu'en nous en acquittant que nous pouvons nous flatter d'y parvenir.

Le droit de commerce est donc fondé sur l'obli

gation où les nations se trouvent entre elles de s'assister mutuellement et de contribuer de tout leur pouvoir à leur perfection, à leur bonheur réciproque. Après l'introduction de la propriété, les nations doivent se vendre les unes aux autres, à un juste prix, les choses dont le possesseur n'a pas besoin pour lui-même et qui sont nécessaires à d'autres; parce que depuis cette introduction aucun homme ne peut se procurer autrement tout ce qui lui est nécessaire ou utile pour lui rendre la vie douce et agréable. Et comme le droit naît de l'obligation, celle que nous venons d'établir donne à chaque homme le droit de se procurer les choses dont il a besoin, en les achetant à un prix raisonnable de ceux qui n'en ont pas besoin pour eux-mêmes. C'est le fondement du droit de commerce entre les nations, et en particulier du droit d'acheter.

On ne peut pas appliquer le même raisonnement au droit de vendre les choses dont on voudrait se défaire. Toute nation étant parfaitement libre d'acheter une chose qui est à vendre ou de ne la pas acheter, et de l'acheter de l'un plutôt que de l'autre, la loi naturelle ne donne à qui que ce soit aucune espèce de droit de vendre ce qui lui appartient à celui qui ne souhaite pas de l'acheter, ni à aucune nation celui de vendre ses denrées ou ses marchandises chez un peuple qui ne veut pas les recevoir.

Tout État par conséquent est en plein droit de défendre l'entrée des marchandises étrangères,

et les peuples intéressés dans cette défense n'ont aucun droit de se plaindre, comme si on leur refusait un office d'humanité. Leurs plaintes seraient ridicules, puisqu'elles auraient pour objet un gain que cette nation leur refuse, ne voulant pas qu'ils le fassent à ses dépens. Il est vrai seulement que si une nation était bien certaine que la prohibition de ses marchandises n'est fondée sur aucune raison prise du bien de l'État qui l'interdit, elle aurait sujet de regarder cette conduite comme une marque de mauvaise volonté à son égard et de s'en plaindre sur ce pied. Mais il lui serait très-difficile de juger sûrement que cet État n'aurait eu aucune raison solide ou apparente de se porter à une pareille défense.

Par la manière dont nous avons démontré le droit qu'a une nation d'acheter chez les autres ce qui lui manque, il est aisé de voir que ce droit n'est point de ceux que l'on appelle parfaits, et qui sont accompagnés du droit de contraindre. Développons plus distinctement la nature d'un droit qui peut donner lieu à des querelles sérieuses.

Vous avez droit d'acheter des autres les choses

qui vous manquent et dont ils n'ont pas besoin pour eux-mêmes. Vous vous adressez à moi, je ne suis point obligé de vous les vendre si j'en ai moi-même affaire. En vertu de la liberté naturelle qui appartient à tous les hommes, c'est à moi de juger si j'en ai besoin ou si je suis dans le cas de vous les vendre, et il ne vous appartient

point de décider si je juge bien ou mal, parce que vous n'avez aucune autorité sur moi. Si je refuse mal à propos et sans aucune raison de vous vendre à juste prix ce dont vous avez besoin, je pèche contre mon devoir; vous pouvez vous en plaindre, mais vous devez souffrir mon refus, et vous ne pourriez justement entreprendre de m'y forcer, Par là vous violeriez ma liberté naturelle, et vous me feriez injure. Le droit d'acheter les choses dont on a besoin n'est donc qu'un droit imparfait, suivant la façon ordinaire de parler des jurisconsultes, aussi bien que celui qu'a un pauvre d'attendre une aumône d'un riche; mais si celui-ci la lui refuse, le pauvre est en droit de se plaindre sans cependant être en droit de l'y contraindre. C'est un compte que le riche rendra au juge suprême.

La nécessité extrême n'ayant point de loi, si une nation refuse, sans en avoir de bonnes raisons, à une autre nation des choses nécessaires à la conservation et à la perfection de celle-ci, elle est en droit de s'en emparer par la force. Lors donc qu'une nation manque entièrement de vivres, elle peut contraindre ses voisins qui en ont de reste à lui en céder à juste prix, ou même en enlever de force si on ne veut pas lui en vendre. L'extrême nécessité fait renaître la communauté primitive, dont l'abolition ne doit priver personne du nécessaire. « La nécessité, dit Sénèque le « père, cette grande raison qui est la ressource « de la faiblesse humaine, l'emporte sur toute

« loi, elle justifie toutes les actions auxquelles «<elle contraint (1). »

Par le même principe, si une nation a un besoin pressant de vaisseaux, de chariots, de chevaux, ou du travail même des étrangers, elle peut s'en servir de gré ou de force, pourvu que les propriétaires ne soient pas dans la même nécessité qu'elle. Mais comme elle n'a pas plus de droit à ces choses que la nécessité ne lui en donne, elle doit payer l'usage qu'elle en fait, si elle a de quoi le payer. La pratique de l'Europe est conforme à cette maxime. On retient dans un besoin les vaisseaux étrangers qui se trouvent dans le port, mais on paie le service qu'on en retire.

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Les femmes étant aussi nécessaires à la gation que la nourriture l'est à la conservation, si un peuple d'hommes se trouvait sans femmes, et que ses voisins, en ayant de reste, les lui eussent refusées, il serait en droit de se les procurer les armes à la main. Il faut avouer que ce ne serait pas le moyen de leur faire la cour; mais, bon gré malgré qu'elles en eussent, les hommes obtiendraient également leur but. Nous en avons un exemple fameux dans l'enlèvement des Sabines. Mais s'il est permis à une nation de se procurer en général, même à main armée, des filles en mariage, aucune fille en particulier

(1) Excerpt. Controv., lib. IV. Contr. IV.

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