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faire légitimement, si du moins la persécution ne va pas jusqu'à priver les sujets des avantages auxquels ils ont droit par l'établissement de la société civile. Car si la persécution ne passe pas ces bornes, le souverain ne fait point de tort à ses sujets. Au reste les souverains euxmêmes sont trop éclairés aujourd'hui sur leurs véritables intérêts pour penser d'une manière différente. En effet, le vif intérêt que les nations étrangères ont pris dernièrement pour les Grecs et les dissidents de la Pologne, les efforts que les premières têtes de l'État, et le digne chef lui-même, ont faits pour répondre aux empressements des nations voisines au secours des malheureux; cet exemple, dis-je, montre assez combien l'esprit humain a fait de progrès à cet égard depuis moins d'un siècle. Voyez BURLAMAqui, tom. VII, 3a part., chap. 11; Wattel, liv. H, chap. IV; GROTIUS, liv. I, chap. II.

LEÇON XVI.

Devoirs communs de l'humanité en général, ou la bénéficence des nations.

Ce n'est pas assez que de s'acquitter des devoirs, que la justice civile nous impose. Nous avons remarqué dans plusieurs endroits que la justice naturelle, cette justice qui forme l'honnête homl'homme vertueux, a des bornes beaucoup

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plus étendues que la justice civile, c'est-à-dire cette justice qui ne forme que le bon citoyen; tellement qu'on pourait être tout à la fois juste suivant les lois civiles et un vrai scélérat suivant les lois naturelles. Nous avons même démontré que l'homme, s'il veut agir en être raisonnable, doit s'acquitter non-seulement des devoirs parfaits et rigoureux, mais aussi de ceux que les jurisconsultes appellent imparfaits et non rigoureux; car au tribunal de la raison ils nous obligent tous également. A moins donc que nous ne voulions dire que les hommes en particulier sont obligés d'être honnêtes et vertueux, et qu'assemblés en corps politiques ils peuvent se passer de l'être; ou qu'ils ne soient obligés d'être honnêtes et vertueux que vis-à-vis de ceux avec qui ils forment un même corps, et qu'ils ne sont pas tenus de l'être envers ceux qui vivent dans un autre État et qui forment une société politique différente de la leur; en un mot, à moins que les hommes, par l'établissement des sociétés civiles, n'aient rompu toute liaison naturelle avec les autres hommes, et qu'ils n'aient été dispensés d'être honnêtes et vertueux avec ceux qui ne seraient pas membres de leur corps politique; à moins, dis-je, qu'on ne soutienne de pareilles absurdités, les nations doivent s'acquitter réciproquement de tous les devoirs de l'humanité, de tous ces droits que le jargon ordinaire des jurisconsultes appelle imparfaits et non rigoureux. Oui, l'humanité, la compassion, la charité, la

bienfaisance, la libéralité, la générosité, la patience, la douceur, l'amour de la paix, etc., ne sont ni de vains noms ni des choses indifférentes pour les nations. Notre langage paraîtra bien étrange à la politique des cabinets; je n'en suis point surpris, car il demande une connaissance complète des vrais intérêts des peuples, et cette connaissance est beaucoup plus rare qu'on ne pense. L'esprit humain est très-borné, et ceux qui se trouvent à la tête des affaires partagent leur attention sur un nombre infini d'objets différents; en sorte qu'il est impossible qu'ils puissent porter leurs vues sur tous ces articles aussi loin que la connaissance de la vraie politique et les véritables intérêts des nations le demanderaient. Cicéron, cet homme incomparable, à la tête du plus grand empire qui fut jamais, et grand également dans le sénat et dans la tribune, connut parfaitement bien cette grande vérité. Il regardait l'observation exacte de la loi naturelle et des devoirs de l'humanité comme la politique la plus salutaire pour un État. Nihil est quod adhuc de republica putem dictum et quò possim longius progredi, nisi sit confirmatum non modò falsum esse illud sine injuria non posse, sed hoc verissimum sine summa justitia rempublicam regi non posse (1). L'on sait que par les mots de summa justitia, Cicéron veut exprimer cette justice uni

(1) Frag. ex lib. II. De republ.

verselle qui est l'entier accomplissement de la loi naturelle. Mais il s'explique ailleurs plus clairement à cet égard, et il fait assez connaître qu'il ne borne pas les devoirs mutuels des nations à la justice civile. « Rien, dit-il, n'est si conforme à «< la nature, si capable de donner une vraie sa« tisfaction, que d'entreprendre, à l'exemple « d'Hercule, les travaux même les plus pénibles << pour la conservation et l'avantage de toutes « les nations (1). »

Nous avons vu que l'homme, incapable par sa nature et par son essence de se suffire à lui-même, de se conserver, de se perfectionner et de vivre heureux sans le secours de ses semblables, est destiné à vivre dans une société de secours mutuels, et par conséquent que tous les hommes sont obligés, par leur nature même et par leur essence, de travailler conjointement et en commun à la perfection de leur état. Le plus sûr moyen d'y réussir est que chacun travaille mièrement pour soi-même et ensuite

autres.

pour

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les

De là il suit que tout ce que nous nous devons à nous-mêmes nous le devons aussi aux autres, autant qu'ils ont réellement besoin de secours et que nous pouvons leur en accorder sans nous manquer à nous-mêmes. Puis donc qu'une nation doit à sa manière à une autre nation ce qu'un

(1) De Officiis, lib. III, cap. v.

homme doit à un autre homme, nous pouvons hardiment poser ce principe général : Un État doit à tout autre État ce qu'il se doit à lui-même, autant que cet autre a un véritable besoin de son secours et qu'il peut le lui accorder sans négliger ses devoirs envers soi-même. Telle est la loi immuable et éternelle de la nature, et l'exception a lieu même à l'égard des particuliers entre eux.

Ceux qui pourraient trouver ici un renversement total de la saine politique se rassureront par les trois considérations suivantes: 1° Les corps politiques ou les États souverains sont beaucoup plus capables de se suffire à eux-mêmes que les individus humains, et la nécessité de l'assistance mutuelle ne se présente pas aussi fréquemment. Or dans toutes les choses qu'une nation peut faire elle-même, les autres ne lui doivent aucun secours. 2o Les devoirs d'une nation envers elle-même, et principalement le soin de sa propre sûreté, exigent beaucoup plus de circonspection et de réserve qu'un particulier n'en doit observer dans l'assistance qu'il donne aux autres. 3o Enfin comme un homme n'est pas tenu d'en secourir un 'autre lorsqu'il est sûr que celui-ci fera usage de ce secours pour faire du mal à son bienfaiteur, ainsi une nation n'est pas obligée d'en secourir une autre et de s'acquitter en général des devoirs de l'humanité lorsqu'elle est assurée que la nation secourue tournera ses forces contre la nation bienfaisante. La bienfaisance est bien mal placée lorsqu'elle produit un mal réel à celui qui l'exerce.

TOME II.

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