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vent lui être rendus, à moins que la loi fondamentale ne les ait déterminés ou que les limitations apportées à son pouvoir ne s'opposent manifestement à ceux qu'il voudrait s'attribuer. Ses sujets sont obligés de lui obéir en cela comme dans tout ce qu'il commande en vertu d'une autorité légitime.

Au reste il en est des titres comme de la monnaie qui n'a cours que sur le pied établi par l'usage. D'ailleurs les mêmes titres n'ont pas toujours désigné ni le même degré d'autorité ni la même marque d'honneur. Pour éviter tout différent et pour s'assurer des titres et des honneurs de la part des autres puissances, il faut en convenir par des traités. Ceux qui ont pris des engagements par cette voie sont désormais obligés envers le souverain à qui une fois ils en ont accordé; et ils ne peuvent s'écarter du traité sans lui faire injure. Ainsi le czar et le roi de Prusse eurent soin de négocier d'avance avec les cours amies pour s'assurer d'en être reconnus dans la nouvelle qualité qu'ils voulaient prendre. Les papes ont prétendu autrefois qu'il appartenait à la tiare seule de créer de nouvelles couronnes : ils osèrent espérer de la superstition des princes et des peuples une prérogative si sublime. Elle s'est éclipsée à la renaissance des lettres comme les brouillards se dissipent au lever du soleil. Les empereurs d'Allemagne qui ont formé la même prétention avaient pour eux l'exemple des anciens empereurs romains. Il ne leur manque que

la même puissance pour avoir le même droit.

Par ce que nous venons de dire de l'égalité et de l'indépendance des souverains, il est clair qu'en ne consultant que le droit naturel nul souverain, quelque grand, quelque puissant qu'il soit, ne peut ni ne doit s'arroger le droit d'accorder des titres et des honneurs à un autre, quelque petit qu'il soit. Car celui qui accorde quelque chose à un autre s'arroge la supériorité sur ce dernier, ce qui répugne à l'égalité et à l'indépendance des souverains entre eux. Mais comme les hommes ont été toujours les mêmes, c'est-à-dire qu'ils ont écouté plutôt la voix des passions dans leurs démarches que celle de la raison, ils ont perdu entièrement de vue l'égalité et l'indépendance naturelle des souverains entre eux; et lorsque la puissance et la force leur en faisaient voir l'impunité, ils ont osé violer les lois les plus sacrées de la nature. Quoi de plus humiliant pour la souveraineté que cette fréquence de rois à Rome pour y faire la cour au moindre sénateur? Mais alors les beaux jours de Rome pauvre et vertueuse s'étaient éclipsés; et elle ne s'arrogea le droit de donner la loi aux souverains que lorsqu'elle ne connaissait plus de règles. Mais ces mêmes déréglements qui lui faisaient fouler aux pieds les devoirs les plus respectables de l'humanité, lui forgèrent à elle-même ses fers, et enfin la perdirent sans ressource.

Donnons cependant quelque chose à l'humanité. Un grand monarque représentant un plus

grand nombre d'hommes qu'un petit, et jouant un plus grand rôle dans la société générale de l'humanité, peut, sans blesser en aucune manière l'égalité des droits des nations, exiger qu'on lui rende en tout ce qui n'est que de pur cérémonial, des honneurs auxquels un petit prince ne saurait prétendre; et celui-ci ne peut refuser au monarque toutes les différences qui n'intéressent point son indépendance et sa souveraineté.

Toute nation, tout souverain a droit de maintenir sa dignité en se faisant rendre ce qui lui est dû, et ne pas souffrir. qu'on y donne atteinte. Il doit cela à la nation qui l'a choisi pour chef. S'il est donc des titres, des honneurs qui lui appartiennent par un usage constant, il peut les exiger; et il le doit dans les occasions où sa gloire se trouve intéressée. Mais il faut bien distinguer entre la négligence ou l'omission de ce qui aurait dû se faire suivant l'usage communément reçu, et les actes positifs contraires au respect et à la considération, les insultes. On peut se plaindre de la négligence, et si elle pas réparée, la considérer comme une marque de mauvaises dispositions, et l'on est en droit de poursuivre même par la force des armes la réparation d'une insulte. Le czar Pierre Ier se plaignit dans son manifeste contre la Suède de ce qu'on n'avait pas tiré le canon lors de son passage à Riga. Il pouvait trouver étrange qu'on ne lui eût point rendu cet honneur, il pouvait

n'est

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s'en plaindre ; mais en faire le sujet d'une guerre, c'est prodiguer étrangement le sang humain. Voyez BURLAMAQUI, tom. VII, 3° part., chap. 1; WATEL, liv. II, chap. 1 et ш.

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LEÇON XV.

Droit de sûreté des nations, soit à l'égard du corps entier, soit

par rapport à chacun de leurs membres; suites naturelles de leur indépendance.

ON ne saurait se former l'idée d'un droit sans voir en même temps un devoir, une obligation qui garantit ce droit. En vain la nature, les lois accorderaient des droits aux hommes, si elles n'en ordonnaient en même temps la sûreté. Les lois, en accordant à l'homme le droit de vie, imposent en même temps l'obligation à tous les autres hommes de respecter ce droit, et le devoir sacré de ne pas le gêner dans la paisible jouissance de son droit. Tout propriétaire a un droit absolu sur son bien; les lois naturelles et positives le lui accordent, mais en même temps elles imposent un devoir indispensable aux autres hommes de le lui conserver, en leur défendant de lui donner la moindre atteinte.

Mais comme tout droit suppose nécessairement un devoir de la partie des autres, tout droit est fondé sur un devoir réciproque. Le droit que l'homme a de se procurer ce qui est nécessaire à

sa conservation est fondé sur le devoir de se conserver, sous peine de douleur et de mort. L'homme a le droit d'acquérir, parce que sans acquisition il ne peut se nourrir, et que sans nourriture il ne peut se conserver. Et comme le droit d'acquérir serait inutile sans celui de conserver, et qu'on ne pourrait pas conserver sans posséder, le droit de propriété est fondé sur le devoir de se conserver. En général, l'examen approfondi de nos différents droits nous fera clairement voir que chaque droit est fondé sur un devoir, et c'est ce même fondement du droit qui nous autorise à le défendre contre tout agresseur. Car ce n'est pas proprement le droit qui nous y autorise, mais c'est le devoir sur lequel le droit est fondé et que nous devons remplir. Si je n'étais pas obligé rigoureusement de conserver ma vie, je n'aurais pas le droit de la défendre à main armée contre un injuste agresseur.

La nature, en imposant l'obligation rigoureuse aux hommes de se conserver, d'avancer leur propre perfection et celle de leur état, impose la même obligation aux corps politiques, qui sont des composés d'hommes assemblés dans le but de s'acquitter de ces devoirs avec plus de sûreté. Or comme elle a donné aux hommes en particulier ensuite de ce devoir le droit de repousser par la force tout ce qui s'oppose à l'exécution de ces devoirs, il est clair qu'elle est censée l'avoir aussi accordé à ces mêmes hommes assemblés en sociétés civiles; institution humaine à la vérité,

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