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« le fou deviendra si inquiet et si incommode, << qu'il mettra le sage en désordre et le rendra

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incapable de rien faire. Il faut donc que le fou "ait aussi à son tour la liberté de suivre ses ca

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prices, de jouer et folâtrer pour ainsi dire à sa « fantaisie, si vous voulez que vos affaires aillent « leur train et sans peine.

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Enfin il faut nécessairement laisser impunis les vices communs qui sont une suite de la corruption générale, comme l'ambition, l'inhumanité, l'ingratitude, l'hypocrisie, l'envie, l'orgueil, la colère, etc.; car un souverain qui voudrait punir rigoureusement tous ces vices et autres semblables, serait réduit à régner dans un désert. Il faut se contenter de punir ces vices, quand ils portent les hommes à des excès énormes et éclatants.

Il n'y a que les motifs que fournit la religion chrétienne, qui puissent efficacement détourner ou guérir les hommes de ces sortes de vices, et ce sont aussi ceux-là que notre seigneur JésusChrist travaille surtout à déraciner par la sainteté de ses préceptes. La raison éclairée sur ses véritables intérêts, est aussi un excellent remède contre ces vices, qui pour être communs à l'humanité, ne sont ni moins honteux ni moins criminels.

Il n'est pas même nécessaire de punir toujours sans rémission les crimes d'ailleurs punissables, et il y a des cas où le souverain peut faire grâce; c'est de quoi il faut juger par le but même des peines.

TOME II.

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Le bien public est le grand but des peines. Si donc il y a des circonstances où en faisant grâce on procure autant ou plus d'utilité qu'en punis-, sant, alors rien n'oblige précisément à punir, et le souverain doit même user de clémence ; ainsi si le crime est caché, qu'il ne soit connu que de très-peu de gens, il n'est pas toujours nécessaire, quelquefois même il serait dangereux de le publier en le punissant. Car plusieurs s'abstiennent de faire du mal plutôt par l'ignorance du vice, que par la connaissance et l'amour de la vertu. Cicéron remarque sur ce que Solon n'avait point fait de lois contre le parricide, que l'on a regardé ce silence du législateur comme un grand trait de prudence, en ce qu'il ne défendit point une chose dont on n'avait point vu encore d'exemple, de peur que s'il en parlait, il ne semblât avoir dessein d'en faire prendre envie, plutôt que d'en détourner ceux à qui il donnait des lois.

On peut aussi considérer les services person- . nels que le coupable a rendus à l'État, où quelqu'un de sa famille, et s'il peut encore actuellement lui être d'une grande utilité; en sorte que l'impression que ferait la vue de son supplice, ne produirait pas autant de bien qu'il est capable luimême d'en faire. Ainsi, si l'on est sur mer et que le pilote ait commis quelque crime, et qu'il n'y ait d'ailleurs sur le vaisseau aucune personne capable de le conduire, ce serait vouloir perdre tous ceux du vaisseau que de le punir; on peut aussi appliquer cet exemple à un général d'armée.

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Enfin l'utilité publique, qui est la mesure des peines, demande quelquefois que l'on fasse grâce à cause du grand nombre de coupables. La dence du gouvernement veut que l'on prenne garde de ne pas exercer d'une manière qui détruise l'État la justice qui est établie pour la conservation de la société.

Tous les crimes ne sont pas égaux, et il est de la justice que l'on garde une juste proportion entre le crime et la peine. On peut juger de la grandeur d'un crime en général par son objet, par l'intention et la malice du coupable, et enfin par le préjudice qui en revient à la société ; et c'est à cette dernière conséquence que les deux autres se rapportent en dernier ressort.

Selon que l'objet est plus ou moins noble, c'est-à-dire que les personnes offensées sont plus ou moins considérables, l'action est aussi plus ou moins criminelle. Il faut mettre au premier rang les crimes qui intéressent la société humaine en général, puis ceux qui troublent l'ordre de la société civile, enfin ceux qui regardent les particuliers, et ceux-ci sont plus ou moins atroces, selon selon que le bien dont ils dépouillent est plus ou moins considérable. Ainsi celui qui tue son père commet un homicide plus criminel que s'il avait tué un étranger; celui qui injurie un magistrat est plus coupable que s'il avait injurié son égal. Un voleur qui tue les passants, est plus criminel que celui qui se contente de les détrousser.

Le degré plus ou moins grand de malice contribue aussi beaucoup à l'énormité du crime, et il se déduit de plusieurs circonstances.

1o Des motifs qui ont porté au crime, et auxquels il était plus ou moins facile de résister; ainsi celui qui tue ou vole de sang-froid est plus coupable que celui qui succombe à la tentation par la violence de quelque grande passion.

2o Du caractère particulier du coupable, qui outre les raisons générales devait encore le tenir dans le devoir. « Plus un homme a de naissance, « dit Juvénal, plus il est élevé en dignité, et plus « le crime qu'il commet est énorme. Cela a lieu « surtout à l'égard des princes, et d'autant plus « que les suites de leurs mauvaises actions sont << très-pernicieuses à l'État par le grand nombre « de gens qui cherchent à les imiter; c'est la « remarque judicieuse que fait Cicéron. »> On peut aussi appliquer la même remarque aux magistrats et aux ecclésiastiques.

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3o Il faut aussi considérer les circonstances du temps et du lieu dans lequel le crime a été commis, etc., la manière dont on a commis le crime, les instruments dont on s'est servi, etc.

4° Enfin l'on examine encore si le coupable est dans l'habitude de commettre des crimes, et s'il ne l'a fait que rarement; s'il les a commis le premier, ou s'il a été séduit par d'autres, etc.

L'on comprend bien que le différent concours de ces circonstances intéresse plus ou moins le bonheur et la tranquillité de la société, et par

conséquent augmente ou diminue l'atrocité des

crimes.

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Il y a donc des crimes plus ou moins grands les uns que les autres, et par conséquent ils ne méritent pas tous une même peine; mais le genre et le degré précis des peines dépend du souverain. Voici les principales règles qu'il doit suivre là-dessus.

1o Le degré de la peine doit toujours être proportionné au but que l'on se propose, c'est-àdire pour réprimer la malice des méchants, et pour procurer la tranquillité et la sûreté intérieure de l'État; c'est sur ce principe qu'il faut ou augmenter ou diminuer la rigueur de la punition: la peine est trop rigoureuse si l'on peut par des moyens plus doux obtenir les fins que l'on se propose en punissant ; et elle est au contraire trop modérée lorsqu'elle n'est pas assez. considérable pour produire ces effets, et que les méchants s'en moquent, bien loin de la redouter.

2o Suivant ce principe on peut punir chaque crime en particulier, suivant que le demande l'utilité publique, sans considérer s'il y a une égale ou moindre peine établie pour un autre crime, qui en lui-même paraît ou moindre ou plus grand: ainsi le vol, par exemple, est en luimême beaucoup moins criminel que l'homicide : cependant les voleurs peuvent sans injustice être punis de mort en certains cas aussi bien que

meurtriers.

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3° L'égalité que le souverain doit toujours ob

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