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liers; il faisait rendre la justice avec une impartialité sévère; en un mot, il protégeait les Anglais, qui l'honorèrent du titre flatteur de protecteur. Il mourut paisible dans son lit, et des larmes non suspectes honorèrent son convoi.

Tibère, Louis XI, Ferdinand le Catholique, etc., étaient certainement des princes détestables. Ils se jouaient, au moins les deux premiers, de la vie des hommes, et tous les trois de la sainteté des serments. Ils sacrifiaient tout à l'augmentation de leur pouvoir; cependant on trouve dans leurs histoires peu de règnes aussi fortunés. Pourquoi? c'est parce qu'avec leur cruauté et leur perfidie, ils protégeaient leurs sujets contre les attaques du dedans et du dehors; les propriétés de chacun étaient sacrées au milieu des ordres sanguinaires qu'ils donnaient.

Des princes d'un caractère bien supérieur, des souverains adorés avec raison de tous ceux qui les approchaient, ont été les victimes des plus funestes révolutions, faute d'avoir été les protecteurs de leurs peuples et d'avoir eu cette sévérité rigide qui est la première vertu de leur rang et qui leur convient beaucoup mieux que ce qu'on appelle en eux la bonté. De pareils souverains seraient des particuliers très-estimables, mais ils sont des souverains très-dangereux. Ils ressemblent aux statues faites pour être placées dans des lieux élevés à une grande distance de l'œil du spectateur. Si les traits en sont trop doux,

elles présentent une physionomie basse, elles n'ont aucune beauté, ou plutôt elles paraissent très-désagréables. Pour qu'elles y brillent avec majesté, il faut que le sculpteur ait soin de leur donner des traits mâles, rudes et grossiers ; c'est cette rudesse choquante de près qui en fait la grandeur et la beauté dans l'éloignement.

Il y a une règle générale qui renferme tous les devoirs du souverain, et au moyen de laquelle il peut aisément juger de tout ce qu'il doit faire dans toutes les circonstances, c'est que le bien du peuple doit toujours être pour lui la souveraine loi. Cette maxime doit être le principe et le but de toutes ses actions. On ne lui a confié l'autorité souveraine que dans cette vue, et son exécution est le fondement de son droit et de son pouvoir. Le prince est proprement l'homme du public; il doit, pour parler ainsi, s'oublier lui-même pour ne penser qu'à l'avantage et au bien de ceux qu'il gouverne. Il ne doit regarder comme avantageux pour lui-même que ce qui l'est pour l'État. C'était l'idée des philosophes païens. Ils définissaient un bon prince celui qui travaille à rendre ses sujets heureux, et un tyran au contraire celui qui ne se propose que son utilité particulière.

L'intérêt même des souverains demande qu'ils rapportent toutes leurs actions au bien public; ils gagnent par cette conduite le cœur de leurs sujets, ce qui seul peut faire leur solide bonheur et leur véritable gloire. Les pays où la domination est le plus despotique sont ceux où les sou

verains sont moins puissants. Ils prennent tout, ils possèdent seuls tout l'État; mais aussi l'État languit, il s'épuise d'hommes et d'argent, et cette première perte est la plus grande et la plus irréparable. On fait semblant de l'adorer, on tremble à ses moindres regards; mais attendez quelque révolution, cette puissance monstrueuse, poussée jusqu'à un excès trop violent, ne saurait durer, parce qu'elle n'a aucune ressource dans les cœurs du peuple. Au premier coup qu'on lui porte l'idole tombe, et elle est foulée aux pieds. Le roi qui dans sa prospérité ne trouvait pas un seul homme qui osât lui dire la vérité ne trouvera dans son malheur aucun homme qui daigne ni l'excuser ni le défendre contre ses ennemis. Il est donc également et du bonheur des peuples et de l'avantage des souverains que ces derniers ne suivent d'autre règle, dans leur manière de gouverner, que celle du bien public. C'est avec raison que Sénèque dit :

Qui sceptra duro savus imperio regit,

Timet timentes: metus in autorem redit (1).

Il n'est pas difficile de déduire de cette règle générale les règles particulières. Les fonctions du gouvernement regardent ou l'intérieur de l'État les intérêts du dedans ou ceux du dehors. A l'égard du dedans, le premier soin du souverain

(1) In OEdip., v. 705, 706.

doit être, 1o de former des sujets aux bonnes mœurs. Pour cela il est du devoir du souverain, non-seulement de prescrire de bonnes lois qui enseignent à chacun de quelle manière il doit se conduire pour procurer le bien public, mais surtout de pourvoir de la manière la plus parfaite à l'instruction publique, à l'éducation de la jeunesse. C'est le seul moyen de faire en sorte que les sujets se conforment aux lois par raison et par habitude plutôt que par la crainte des pei

nes.

Le premier soin du prince doit donc être d'établir des écoles publiques pour l'instruction de la jeunesse et pour la former de bonne heure à la sagesse et à la vertu. Les jeunes gens sont l'espérance et la force d'une nation. Il n'est pas temps de corriger les hommes quand ils se sont corrompus; il vaut infiniment mieux prévenir le mal que d'être réduit à le punir. Le roi, qui est le père de tout son peuple, est encore plus particulièrement le père de la jeunesse, qui est pour ainsi dire la fleur de la nation. Et comme c'est dans la fleur que se préparent les fruits, c'est aussi un des principaux devoirs des souverains de veiller à l'éducation de la jeunesse et à l'instruction des citoyens, pour jeter de bonne heure dans leurs cœurs les principes de la vertu, et pour les y entretenir et les y confirmer. Ce ne sont pas proprement les lois et les ordonnances, mais les mœurs qui servent à régler l'État.

Quid leges sine moribus
Vanæ proficiunt?..... (1)

Ceux qui ont une mauvaise éducation ne se font pas scrupule de violer les lois les plus précises, au lieu que les gens bien élevés se con

forment de bon cœur et comme d'eux-mêmes à tous les établissements honnêtes. Enfin rien n'est plus propre à rendre les citoyens véritablement gens de bien que de leur inspirer de bonne heure les principes et les maximes de la religion chrétienne épurée de toutes les inventions humaines. Car la religion renferme la morale la plus parfaite, et dont les maximes sont par elles-mêmes très-capables de produire le bonheur de la société. Voyez BURLAMAQUI, tom. VI, 2 part., chap. vii et vii; WATEL, liv. I, chap. vi à xvi inclusivement; PUffendorf, liv. VII, chap. Ix, etc.

LEÇON X.

Pouvoir législatif; lois civiles qui en émanent.

ENTRE les parties essentielles de la souveraineté nous avons mis au premier rang le pouvoir législatif, c'est-à-dire le pouvoir qu'a le souverain de donner des lois à ses sujets et de leur

(1) Horat., lib. III, od. XXIV, v. 35, 36.

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