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de ceux qui croyent devoir fervir aux dépens de l'honneur; celui dont on blàmoit la facilité, fe rend du dernier rigoureux; l'autre qu'on accufoit de dureté, devient nonchalant; en un mot la vertu n'est point ici connue telle qu'elle eft.

Il n'y a tout au plus parmi nous que des demi-fages et des demi-vertueux. Les fiècles les plus feconds en vertus n'en ont jamais produits d'accomplis, et tous ceux que l'antiquité a mis au nombre des fages n'étoient que des hypocrites fuperbes.

A quoi s'eft bornée la fageffe d'un Caton? Jusqu' où s'eft étendue la moderation d'un Diogène? Celui-ci se renferme dans un tonneau seignant de fe vouloir derober à la vue des hommes, pendant que fon coeur eft plus rempli de vanité que celui d'Alexandre dont il méprise la gloire. Caton, le fage Caton, l'a-t-il paru, l'a-t-il été, quand pour éviter la présence de Céfar il s'eft donné la mort?

Quelque imparfait qu'ait été le merite de ces faux fages, nous ne pouvons y atteindre; dirons nous que dans ce dernier âge la vertu eft arrivée à son comble?

Le plus folide merite en aparence n'a qu'un éclat de quelques momens, il s'obscurcit après nous avoir

éblouis.

Nos vertus font fi foibles, qu'un rien les altère et les corrompt. Aujourd'hui on eft fage, demain on fera gloire de ne l'être plus. Tant que l'homme vit, il peut changer, du vice paffer à la vertu, de la vertu au vice.

Il faut les voir. mourir, difoit un ancien qu'on vouloit rendre juge du merite de deux grands hommes. La derniere action de notre vie nous condamne en effet, ou nous juftifie; le ciel ne prononce que fur celle-là.

Les

Les commencemens du regne de Neron furent glorieux, mais il finit mal; Auguste commença en Tyran il exerça, les dernieres années de fon regne, une clemen, ce, qu'on n'attendoit pas de fes premières cruautez. Qui n'eut affuré, que Neron après avoir refufé de figner la mort de deux coupables, auroit épargné le fang des Citoyens? Il répandit celui de sa mere, celui de fon précepteur, celui de milles personnages illuftres. Qui auroit crû en voyant Augufte fi cruel, que Rome et fes premières têtes euffent echapé à la fureur? Changement admirable! il fe fait des loix de douceur et de moderation, pardonne à Cinna, regrete la mort de Mecenas, 'attache à Agrippa, cherit les Citoyens, donne tous fes. foins à la republique, meurt en bon Empereur.

La vertu emprunte quelque chose de belles personnes, un merite mediocre les orne plus incomparablement, qu'un excellent merite ne pare les autres. Vous diriez que les belles personnes donnent à la vertu même l'éclat, au lieu que dans les femmes moins accomplies elle perd toujours un peu de fon luftre; confon-, due et comme ensevelie dans une infinité de défauts, on n'en discerne pas si aisément les charmes.

La vertu ne fait point honneur, fi elle n'eft pratiquée de la belle manière; il y a manière d'ètre vertueux, comme il ya maniere d'ètre propre.

Pour connoître les charmes de la vertu, il faut être vertueux; cela décide que les libertins font naturellement infenfibles. Rarement cependant la voyent-ils fans l'admirer; plongez qu'ils font dans le defordre, ils se favent mauvais gré de ne pas pratiquer le bien.

Le plus débauché estime l'honnête homnie, malgré foi il lui rend juftice et lui donne interieurement, le témoignages que Saul rendit à David, vous êtes plus jufte que moi.

Le defir de se perfectionner est plus communément un effet d'amour - propre qu'une horreur fincere du crime.

Depuis que le merite a ceffé de nous donner des maîtres, il n'eft guère de fuperiorité qui ne foit devenue odieuse: ceux que la naissance et la faveur revêtent de l'autorité publique, font durs ordinairement, et jamais on ne trouva de moderation dans ceux que la fortune ou l'argent ont mis au-dessus de nos têtes.

Ce n'est plus la vertu qui fait le merite, du moins ce n'est plus ce merite qui est reconnu. L'homme de bien eft opprimé, fes plus louables actions font punies comme les plus lâches perfidies meriteroient de l'être. Sa probité qui devoit l'aprocher des grands emplois l'en éloigne, fon definteressement donne de la défiance; fes foins le font passer pour un esprit remuant.

Le tems eft paffé que la feule fagesse ouvroit le chemin de l'honneur. Les avenues de la fortune font fermées aux gens de merite, ils abhorrent ces élevations qui ne s'accordent qu'aux brigues et aux làchetez.

L'honnête homme aime mieux ne rien ajoûter à fon état que d'ôter quelque chose à sa vertu. L'ambition foule aux pieds fageffe, honneur, probité, et fur ces ruines éleve les fondemens de fa grandeur. Confolezvous homme de bien, l'ouvrage du crime n'a qu'un tems, et ce tems eft court.

Nous voyons un homme parvenir à de grands emplois, ne demandons pas quel eft fon merite, peut-être n'en a-t-il point d'autre que celui d'ètre heureux.

`Eft-ce le merite qui contribue à l'élevation? l'exemple d'une infinité de personnes qui ne doivent la leur qu'au hazard, prouve le contraire. Plufieurs deviennent grands avec des talens mediocres; et fans avoir la peine de faire des actions extraordinaires, ils ont le bonheur de paffer pour des gens d'un merite conformé.

Un

Un merite abandonné de la fortune ne fert qu'à rendre celui en qui il fe trouve, plus ridicule. Les noms de Poëte, d'Auteur, de Savant font des titres injurieux, quand on ne jouit pas de ceux de la grandeur, ou qu'avec eux on eft dans la basseffe. Ils étoient honorables à Monfieur le Comte de S. Aignan, à Monfieur de Buffy, à Monfieur le Prince; à mille autres on les donne par raillerie, on les prodigue par mépris.

Les grands ne font rien qui ne leur foit compté, s'ils marquent de merite, la flatterie prend soin de remplacer le vuide qui eft en eux.

Tout parle dans les Grands, dit le flatteur; que d'éloquence dans ces mots, que d'efprit dans ce figne, que de force dans cette occafion, que de politesse dans ces manières!

Nous avons le malheur dans les baffes conditions de faire quantité de chofes qui ne font point remarquées, et qui feroient tout à fait perdues, fi la vertu ne se servoit à elle-même de recompense. Un homme privé aura tous les talens imaginables, le noble quoiqu'inferieur en merite l'emporta fur lui; on ne regarde celuilà qu'à demi, on ne perd pas la moindre action de çelui-ci.

Les Grands font vicieux impunément. La critique fe tait fur leurs défauts. Ils ont de l'honneur d'être vertueux, la flatterie donne à leurs moindres qualitez des couleurs avantageufes. On voit un Courtisan faire une aumône, fa charité reçoit des éloges publics, tandis qu'on pale fous filence l'action d'un fimple bourgeois qui de fes biens a fondé un Hôpital. Un officier connu par la naissance est égal aux Héros pour s'être temerai ment expolé, pendant que le plus brave foldat eft confondu avec les làches.

Je doute qu'on trouve un mérite affez universel pour s'étendre jusqu'à briller également dans toutes les

conditions. Tel dans des emplois tumultueux fe distingue, qui dans le repos ne fe feroit plus valoir; tel dans la retraite éclatera, que d'illuftres negotiations auroient obfcurci. Se mettre dans un état où l'on puiffe donner jour à fon merite, c'eft ce qui eft important.

La moitié du merite d'un Héros doit briller dans la phyfionomie, fes yeux doivent l'annoncer, tout fon dehors doit donner quelque éclaircillement de ses ver tus. Au refte pour juger fainement du merite, des aparences brillantes ne suffisent pas.

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La jeunesse decredite le nerite des plus habiles: jeune Avocat, jeune Médecin, jeune Docteur, jeune Confeiller, tous gens en qui on n'a qu'une legère confiance.

Le plus fur et le plus fignalé merite, n'a pas toûjours le bonheur de plaire. Souvent un homme d'un génie ordinaire excitera l'admiration; il faut l'occafion, il faut le moment, il faut encore avec cela un je ne fais quoi, que je fuis au desespoir d'ignorer.

Si

Milles personnes font ornées par des qualités mediocres, à qui il ne fieroit pas d'en affecter de rares. un homme du commun fe piquoit d'imiter la generofité d'un grand Seigneur, on l'apelleroit prodigue; s'il fe modère dans fes largesses, on le nommera liberal et officieux. Un bourgeois auroit mauvaise grace de disputer la bravoure au Gentilhomme, la politelle au Courtifan, on le traiteroit de fanfaron; pourvu qu'il ne foit pas làche comme un coquin, ni groffier comme le bas Peuple, on l'estimera.

La médiocreté qui decrie la vertu des Grands, fait le plus beau caractere de celle des petits. Paroissez médiocrement généreux, médiocrement poli, médiocrement fpirituel; tout ira bien pour vous. Si vous me donnez le haut bout, dit fort bien Monfieur Pascal, je ne l'accepterai pas; fi vous me donnez le bas bout, je le

refu

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