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ses intrigues auprès des cours étrangères, principalement auprès du Pape et du roi d'Espagne.

Clément VIII y est trompé une fois de plus, et, par son ordre, le patriarche de Constantinople (1), vint prier Henri IV d'être plus conciliant à l'égard du duc de Savoie; cette démarche occasionna la belle lettre qu'on va lire plus loin, et qu'Henri IV écrivit au Pape dès que l'accord se fut enfin mis entre lui et le duc de Savoie.

Tout en rassurant son hôte, le roi commence à le voir sous son véritable jour, et, le 16 février, il confie ses craintes à M. de Brèves (2) :

Je ne vous ay escript depuis le VIIe du mois de janvier, à cause des affaires que j'ay tousjours eus avec le duc de Savoye, qui est encore sans y avoir mis fin; de sorte qu'il semble que ce subject nous doive mettre à la guerre; car je suis résolu d'y entrer, s'il ne me rend ce qui m'appartient si justement que faict le marquisat de Saluces, si l'on ne me contente. Auquel cas je ne double point que le Roy d'Espagne ne serve ledit duc, qui est son beaufrère, et le fomente en l'obstination de son usurpation, car seul il seroit faible pour me résister. Toutefois, peutestre changera-t-il d'avis devant qu'il parte; sinon, je Vous asseure que le suivray de près.....

Le duc changea d'avis, mais pour sauver les apparences, car la conduite qu'il tint après son départmontra qu'il n'avait jamais été de bonne foi en signant le traité proposé par les commissaires.

Après de longues discussions, où une partie des commissaires français, Biron tout le premier, favoqu'un huguenot, comme le marquis de Rosny, ne pouvait siéger avec le représentant du Pape. C'était puéril, et Henri IV déjoua cette nouvelle ruse en ordonnant à Sully de rester aux assemblées.

(1) Le P. Bonaventure de Calatagirone, général des Cordeliers, avait été délégué par le Pape pour assister à toutes les réunions.

(2) Lettres missives. V 203,

risait le dessein du duc, on tomba d'accord sur ce plan le duc s'engageait à restituer le marquisat de Saluces ou à céder en échange la Bresse, le Bugey, le pays de Gex et le Valromey. Sur sa demande, on lui accordait trois mois de délai pour adopter l'une ou l'autre solution: le 1er juin était la limite fixée; durant ce laps de temps, il espérait que la persuasion ou la force mettrait le roi dans l'impossibilité de rien réclamer de lui.

Le lundi 27 février le traité fut signé de part et d'autre. Dès le 25, le roi avait tenu à informer le Pape de l'heureuse fin des négociations. Sa lettre (1) laisse voir son grand désir de conserver la paix, et en même temps ses craintes d'être forcé de déclarer la guerre.

Très Sainct Père, comme la révérence que je porte à Vostre Saincteté est relative aux grâces et faveurs que j'ay receues d'elle...,je préfereray toujours le contentement de Vostre Saincteté à toute considération qui concernera mon intérest particulier.... Mais Vostre Saincteté considérera, s'il luy plaît, que Dieu m'ayant confié le régime de ce sceptre français, dévoué de tout temps au service du Saint Siège, je doibs rendre compte à sa divine Majesté et à la postérité de la conservation d'iceluy, et, certainement, je désire m'en acquitter comme mon honneur m'oblige de le faire, estimant que Vostre Sainctelé m'en aimera et prisera toujours davantage.... De quoy j'estime avoir donné à Vostre Saincteté, et à tout le monde, quelques preuves dignes de considération en ce qui s'est faict et passé entre le duc de Savoye et moy, depuis le traité de Vervins, comme Vostre Saincteté sçait mieux que nul aultre, à cause du devoir auquel je me suis mis pour cest effect, meu de mon observance plus que filiale et de ma gratitude immortelle envers Vostre Saincteté, car l'une et l'aultre ont eu tant de puissance sur moy que de m'avoir faict outrepasser les bornes de ma dignité et réputation pour complaire à Vostre Saincteté et faciliter un bon accord entre ledit duc et moy, de quoi je n'auray jamais Lettres missives V - 207.

(1) Archives du Mont-Cassin.

regret, si je sçais avoir faict en cela chose agréable à Vostre Saincteté, comme en vérité je me l'étois persuadé et croyais qu'elle en estoit pleinement satisfaicte, jusqu'à la réception de deux lettres que Vostre Saincteté a pris la peine de m'escrire sur ce subject, le XX VIa du mois de janvier et le iiij du présent, que j'ay receues par les mains du patriarche de Constantinople, les XIII et XXI de ces dits mois, par lesquelles j'ai recogneu que les advis qui ont esté donnez à Vostre Saincteté des difficultez survenues en ce faict depuis la venue par de ça dudict duc ont esmeu et travaillé l'esprit de Vostre Saincteté et l'ont comme mis en doubte de la sincérité de ma volonté, tout ainsy que si moy ou mes Conseillers avoient esté aucteurs desdictes difficultez, dont je ne veulz aultres témoings que la vérité mesme, laquelle j'estime que ledict patriarche luy aura fidellement représentée, comme celuy par les mains et le jugement duquel, représentant icy la personne de Vostre Saincteté, toutes choses ont passé sans aulcun déguisement. Très Sainct Père, je seray toujours des derniers à ennuyer Vostre Saincteté de la justification de mes actions, principalement quand il sera question de ce faire aux déspens d'un aultre, je me contenteray seulement de faire les choses bonnes, comme j'ay eu peine de faire jusqu'à présent. Ce sont aussy les armes avec lesquelles j'ay, en party, vaincus les artifices et insinuations de ceulx qui m'ont voulu souvent priver des bonnes grâces de Vostre Saincteté.

Vostre Saincteté apprendra donc, tant par le projet que par l'isseue de ce qui s'est passé entre le duc et moy, la révérence que j'ay portée aux exhortations et volontés de Vostre Saincteté et le devoir auquel je me suis mis pour composer amiablement le différend dudict marquisat de Saluces, comme il est enfin advenu, suivant le désir de Vostre Saincteté.... laquelle croira pareillement, que je n'ay conseillers ny serviteurs qui ne me secondent volontiers en ceste délibération; et quand quelqu'un d'eux s'oublieroit tant que d'en user aultrement, je ne l'endurerois aulcunement. J'ay aussy appris à distinguer les bons d'avec les mauvais conseillers. Par tant je supplie Vostre Saincteté de n'adjouster foy aux rapports, et de s'arrester

à mes œuvres, que je dirigeray toujours par le droict chemin de la raison comme celuy que je scay qui me sera tousjours plus honorable que tout aultre et qui me peut maintenir plus seurement aux bonnes grâces de Vostre Saincteté, laquelle je supplie de tout mon cœur, puisqu'il luy a pleu estre cause de l'accord qu a esté faict entre ledict duc de Savoye et moy, Elle veuille aussy employer son auctorité pour asseurer de plus en plus nostre amitié et bon voisinage, protestant à Votre Saincteté que je ne désire rien plus que de vivre en bonne amitié et concorde avec tous mes voisins... >>

Le 5 mars, Henri IV écrit encore aux alliés du canton de Berne (1):

«... Le dict colonnel (Jean-Jacob de Diesbach) vous informera de ce qui s'est passé entre moy et mon frère le duc de Savoye, sur les différents que nous avions ensemble et principalement sur celuy du marquisat de Saluces, lequel, enfin; il m'a promis de me restituer dedans le premier jour de juin prochain ou bien de me livrer la récompense que je lui ay demandée... >>

Le samedi 4 mars le duc de Savoie prit congé du roi, mais il ne quitta pas encore l'hôtel de Nevers. « On a dit que le roy et le duc ne pouvaient se séparer tant ils s'aimaient depuis le traité. »

« Le mardy 7 de mars le duc de Savoye, qui depuis le 4 retenait la cour bottée pour l'accompagner, est parti environ les dix heures du matin. »

Aujourd'hui, lorsque des hôtes royaux quittent notre territoire, ils adressent au chef du gouvernement un télégramme de remerciements et de congratulations.

Charles-Emmanuel, en guise de remerciements, adressa des plaintes: il prétendait avoir été mal reçu en Champagne et en Bourgogne.

Immédiatement le roi lui en écrivit cette lettre. pleine de dignité :

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Mon frère, je suis très marry que vous n'avés esté mieux receu et honoré passant par mes provinces de Champagne et de Bourgogne pour retourner en vos Estats; car, comme je vous aime d'entière affection, je vous y eusse volontiers rendu tesmoignage selon mon désir en ceste occasion, ainsy que je m'étois peiné de faire en toutes aultres qui y pourront advancer vostre contentement, mais nos longues guerres nous ayant réduict en si piteux estat que c'est tout ce ce que nous avons peu faire, depuis qu'elles sont finies, que de reprendre haleine, par tant vous attribuerés les manquements que vous y aurés remarquez à la pauvreté publique, et non à la volonté, laquelle, mon Frère, ne peut estre meilleure en vostre endroict. Aussy ne perdray-je jamais la mémoire de la peine que vous avés prise de me venir voir, et rechercheray tous moyens de m'en revancher, comme vous cognoistrés par effect, quand l'occasion s'en présentera, faisant estat de me rendre dans ma ville de Lyon dedans le temps que je vous dis à vostre partement. comme j'espère vous mander bien tost par un homme exprès que je vous despescheray. Sur ce je prieray Dieu qu'il vous ayt, mon frère, en sa garde. Ce XXIX. mars, à Paris 1600.

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Les Mémoires Journaux de Pierre de l'Estoile, (collection Petitot); les Economies royales ou Mémoires de Sully (collection Petitot); la Chronologie Septennaire de P. Cayet; l'Histoire Universelle de d'Aubigné; l'Histoire du règne de Henri IV par Auguste Poirson; les Lettres Missives de Henri IV, par Berger de Xivrcy; les Mémoires d'Etat, par M. de Villeroy; à la Bibliothèque Nationale, les Manuscrits Français, 3640, (pour le procès de Biron); 4017, (Lettres de Henri IV et de Villeroy au Comte de Béthune, ambassadeur à Rome), et 6144, (pour la marquise de Verneuil).

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