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Henri IV écrivait cette lettre après la prise de Chambéry, troisième place enlevée, en moins de quinze jours, au duc de Savoie Bourg-en-Bresse (1)

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(1) Bourg-en-Bresse chef-lieu du département de l'Ain; nous reviendrons sur l'histoire de cette place au XVIIe siècle, lorsque nous publierons les lettres de M. de Sceaux, secrétaire d'Etat, à Guillaume Fouquet, au sujet de la démolition de la citadelle.

et Montmélian (1), sans leur citadelle toutefois, étaient tombées les premières au pouvoir du roi.

Que s'était-il donc passé entre les deux princes pour motiver cette guerre ? C'est ce que je veux rappeler ici, en résumant les rapports du roi et du duc pendant les deux dernières années du XVIe siècle (1599-1600).

Ce ne sera pas, que je sache, hors de propos, surtout à l'heure où le roi d'Italie, Victor-Emmanuel III, le descendant du duc de Savoie, à l'imitation de son ancêtre, Charles-Emmanuel Ier, fait de gracieuses avances à la France. Qu'on veuille bien, cependant, ne pas me prêter l'intention d'établir ici un parallèle entre les membres d'une même famille princière, à trois siècles de distance! Tout parallèle pèche par quelque endroit, et je risquerais fort d'être mauvais prophète en appliquant à la cour de Rome, en 1903, le jugement que portaient sur la cour de Turin, en 1600, Henri IV et ses contemporains.

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Le motif de la guerre entre la France et la Savoie est bien simple à établir.

De tous les voisins de la France, le duc de Savoie s'était montré depuis douze ans le plus hostile et le plus injuste. En 1588, à la fin du règne de Henri III, profitant des troubles de la Ligue, il s'était emparé du Marquisat de Saluces (2) : « C'était un brigandage >> dit M. Poirson. Il le poussa plus loin; toujours à la faveur de nos troubles intérieurs, troubles auxquels il n'était peut-être pas étranger il envahit, de 1590 à 1594, la Provence et le Dauphiné, sous prétexte que ces provinces lui convenaient.

(2) Montmélian, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Chambéry (Savoie).

(3) Saluces, autrefois capitale du marquisat, est une ville de 16.000 habitants, située dans la province, et à 25 k. N. de Coni, près du Pô (Italie). Près de Saluces est l'abbaye de Staffarde où Catinat battit les Piémontais en 1690.

Henri IV, qui ne voulait que la paix, hésitait toujours à se venger de ces injures, et « se bornait à réclamer son bien, le marquisat de Saluces. >>

C'était son bien, en effet, de par le droit commun et les traités. Si « possession vaut titre », c'est bien à la France qu'appartenait d'abord le marquisat, car elle le possédait depuis François Ier. De plus, le traité de Cateau-Cambrésis (1559) l'avait déclaré « partie intégrante des possessions françaises ». C'est même sur les bases de ce traité que fut établi celui de Vervins (1598), et le duc de Savoie ne pouvait oublier qu'il avait luimême ratifié le traité de Vervins, le 21 juin 1598.

Malheureusement, le traité de Vervins (1) n'avait rien statué sur ce deni de justice de la Savoie. Les plénipotentiaires s'étaient contenté, sur la demande — très intéressée du reste de Gaspard de Genève, marquis de Lullins, représentant le duc de Savoie, de faire un compromis entre les mains du Pape. L'article 24 du traité porte en effet : « ... que le surplus des autres différends qui sont entre ledit sieur Roi Très Chrestien et le dit sieur Duc sera remis au jugement de Notre

(1) Vervins, chef-lieu d'arrondissement du département de l'Aisne. Ce traité mit fin à la guerre entre Henri IV et Philippe II d'Espagne. Il fut signé le 2 mai 1598, « au nom du roi, par messire Pomponne de Bellièvre, chevalier, sieur de Grignon, conseiller en son conseil d'Etat, et messire Nicolas Brulart, chevalier, sieur de Sillery, aussi conseiller dudit sieur roi en son conseil d'Etat, et président en sa cour du Parlement de Paris; au nom du cardinal d'Autriche, ayant pouvoir du roi d'Espagne, par messire Jean Richardot,... messire Jean-Bap tiste de Taxis et messire Louis Verteiken, etc. au nom du duc de Savoie par le marquis de Lullins, etc.

Bien que la question du marquisat de Saluces n'ait pas été résolue, Henri IV « ne voulut pas manquer la paix pour cet article »; il signa le traité et prêta serment pour son observation à Paris, le dimanche 21 juin, en présence de Charles de Croy, duc d'Arscot, prince de Chimay, et de Don Francisco de Mendoza et Cordona, amiral d'Arragon.

Le cardinal archiduc d'Autriche fit la même chose à Bruxelles au nom du roi d'Espagne, devant le maréchal de Biron, et le duc dé Savoie prêta serment, le 2 août, à Chambéry, en présence de Guillaume de Guadaigne, seigneur de Botheon, gouverneur de Lyon,

Saint-Père Clément VIII, pour être vidé et decidé par Sa Sainteté dedans un an..... et demeureront les choses en l'état qu'elles sont à présent, etc... »

«Mais, nous dit Sully (1), le temps fixé par le compromis s'était passé sans que Sa Sainteté eût rien décidé sur cette affaire, parce que le duc de Savoie, qui savait mieux que personne, que la décision ne pouvait lui être favorable, s'était servi, pour éluder le jugement de tous les manèges ordinaires à cette petite cour, qui fait sa politique d'employer également, pour sa conservation ou son agrandissement, la ruse, le manque de parole, les soumissions et l'attachement au plus fort. >>

Si le jugement de l'auguste arbitre n'avait pas été rendu, et pour cause, la réclamation du roi n'en demeurait pas moins entière, et le duc cherchait tonjours à reculer la seule solution, capable d'y mettre fin. Ne voulant pas restituer, il pouvait notifier ouvertement son refus à la France, affrontant ainsi courageusement la guerre qui en serait la conséquence forcée; cet acte aurait été d'un soldat brave et franc, mais, chose étrange, chez ce prince, au courage éprouvé comme tous les princes de Savoie, la ruse. parlait plus haut que la bravoure.

Pendant cette affaire du marquisat de Saluces, son caractère nous apparait dans toute sa fausseté et sa déloyauté, avec d'autant plus d'éclat que, d'autre part, Henri IV, la franchise même, se montre, plus que jamais, sous son véritable aspect droit, patient, juste et magnanime.

Charles-Emmanuel pensa tout d'abord, dit-on, à révoquer le compromis de Vervins; c'est peu croyable; c'eût été agir trop carrément, contre ses habitudes de ruse et ses procédés dilatoires.

Depuis le traité de Vervins, il s'était maintenu vingt

(1) Mémoires de Sully. - Livre XI, où nous avons puisé la plus grande partie de nos documents.

fois dans son usurpation en temporisant. Il pensa devoir continuer; gagner du temps, était son seul but. Les négociations ne pouvant manquer de se prolonger, il surviendrait nécessairement des incidents qui l'affranchiraient de l'obligation de se dessaisir.

Il commença par fatiguer le Pape de telle façon, que Clément VIII se désista de son rôle d'arbitre. Ce n'est plus alors le mensonge, mais la calomnie qui entre en scène.

<«< Il manda à son ambassadeur à Rome, nous dit encore Sully, qu'il avoit des avis certains de France et d'Italie que Clément VIII s'était laissé gagner par le roi Henri IV, sous la condition secrète, que S. M. T. C. s'obligeoit à céder ensuite au Pape lui-même tous ses droits sur le marquisat de Saluces. L'ambassadeur, trompé le premier par son maitre, s'expliqua sur cette collusion, de manière que S. S. qui n'avoit accepté l'arbitrage que pour le bien des deux parties, s'en démit aussitôt avec indignation.

«Le duc de Savoie, qui n'avoit point douté que le Pape ne prit ce parti, faisoit cependant entendre au Roi qu'il se remettoit entièrement à sa discrétion, sans qu'il fût besoin, pour ce démêlé, d'aucuns arbitres étrangers. »

S'il éloignait les « arbitres étrangers » dont le jugement devait nécessairement lui être défavorable, il avait soin, par ailleurs, de chercher chez lui « d'autres arbitres » qui, bien instruits de leur rôle par leur maître, iraient, auprès du roi, régler le différend. En termes plus clairs, la mission des «arbitres pouvait se réduire à ceci tout faire pour reculer indéfiniment la restitution du marquisat de Saluces. C'est dans ces dispositions qu'il envoya à Paris quatre commissaires : les sieurs Jacob de La Rochette, marquis de Lullins, de Bretons et de Roncas.

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