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pas rentrer exactement dans le programme de notre revue? Elles ne laissent pas, cependant, de présenter pour nous le plus vif intérêt, puisqu'elles sont écrites par un Fléchois, le « Bon Roi Henry », à un autre Fléchois, Guillaume Fouquet, marquis de la Varenne, (1) bienfaiteur de notre cité.

Disons d'abord de ces lettres, qu'elles sont bien de véritables autographes (2), «escriptes entièrement de la main du roy », comme il est dit au dos de la seconde. J'ai, du reste, pu m'en convaincre par une comparaison très minutieuse avec les lettres d'Henri IV, conservées à la Bibliothèque Nationale (galerie Mazarine et cabinet des manuscrits) (3).

Quant à l'objet de ces lettres, il n'est parfaitement défini que dans la première. Le roi écrit à « La Varanne au sujet de la marquise de Verneuil, Henriette d'Entragues, qui avait remplacé Gabrielle d'Estrées, morte depuis un an. La date est également très précise: c'est le 20 août, jour de la prise de Chambéry qui eut lieu en 1600.

Pour la seconde lettre, il en va tout différemment. D'une allure presque mystérieuse, elle ne nous révèle

(1) On trouve deux orthographes de ce mot: La Varanne et La Varenne. Je garde ici la seconde parceque c'est la plus usitée, et celle qui a prévalu. Je dois dire pourtant que le roi écrit: La Varanne, et que les marquis de La Varenne, eux-mêmes, signent presque -toujours de La Varanne.

(2) Le chartrier de La Varenne possédait autrefois beaucoup d'autres lettres d'Henri IV. Deux seulement y sont restées, et le propriétaire de ces archives, M. le comte de Bagneux, que je veux remercier à nouveau d'avoir bien voulu permettre la présente publication, verrait, avec plaisir, rentrer ces pièces précieuses, depuis longtemps déjà données en communication.

(3) Ce m'est un très agréable devoir de renouveler ici mes respectueux remerciements à M. Couderc, conservateur adjoint au cabinet des manuscrits, qui, dans l'étude et la lecture de ces lettres, m'a apporté l'appui si précieux de sa science historique,

ni son objet ni l'époque où elle fut écrite. Peut-être, néanmoins, pourrait-on découvrir l'un et l'autre en étudiant attentivement le texte lui-même, en cherchant les faits auxquels le roi semble faire allusion; je l'essaierai dans la seconde partie de cet «à-propos ».

HENRI IV & GUILLAUME FOUQUET Mis DE LA VARENNE

Par contre, de la lecture de ces deux épîtres royales, il reste une même impression: la situation importante de La Varenne auprès du roi est confirmée par l'une et par l'autre. Le favori avait toute la confiance du maître, et, si l'on pense maintenant que cette correspondance, réduite aujourd'hui à deux spécimens, avait dù comprendre jadis nombre de billets semblables, on a, très facilement, la clef des paroles de M. de Villeroy (1), secrétaire d'Etat.

C'était en mars 1604. Depuis le commencement de février, Guillaume Fouquet, marquis de La Varenne, contrôleur général des Postes, avait reçu du roi une mission diplomatique auprès du duc de Savoie (2), mission qui devait pallier le mauvais effet de l'échec retentissant du précédent ambassadeur, M. de Barrault (3), à la Cour de Turin. Chacun se rappelait les

(1) Nicolas de Neufville, seigneur de Villeroy (1542-1617) fut secrétaire d'Etat à la mort de son beau-père de L'Aubespine (1567), sous Charles IX et Henri III. Il fut un des membres actifs de la Ligue, mais il reconnut Henri IV en 1594. Reintégré dans ses fonctions de secrétaire d'Etat, il fut chargé spécialement de diriger les Affaires étrangères.

(2) Charles-Emmanuel Ier, dit le Grand, né en 1562, épousa en 1585 Catherine fille de Philippe II, roi d'Espagne, et mourut en 1631. (3) Emeric Gobier de Barrault, fut à son retour de Turin, envoyé comme ambassadeur de France en Espagne. « On rapporte de lui, qu'assistant un jour, en Espagne, à une comédie où l'on représentait la bataille de Pavie, et voyant un acteur espagnol terrasser celui qui représentait François Ier, lui mettre le pied sur la gorge et l'obliger à lui demander quartier dans des termes tout-à-fait outrageants, il monta sur le théâtre, et, en présence de tout le monde, passa son épée au travers du corps de cet acteur ». (Sully. Mémoires, III-402. )

succès du marquis-diplomate, en des circonstances analogues, et l'on attendait impatiemment la correspondance diplomatique en fait foi le résultat de son ambassade.

Seul, l'ambassadeur ne semblait pas s'inquiéter. Tout au moins donnait-il lieu de croire qu'il n'avait hâte de partir. Henri IV écrivait le 10 mars (1): « La Varenne partira dedans quatre jours vers le duc de Savoye », mais le 23 mars, M. de Villeroy écrivait à son tour, non sans une certaine nuance d'ennui : « La Varenne est encore icy où ses affaires le retiennent, lesquelles sont quelquefois meslées avec celles du Roy, et toutesfois, il y a huict jours que sa despesche est sur ma table (2) ».

Ces paroles de M. de Villeroy sont certainement des plus justes et des plus sensées qui aient jamais été dites sur les relations du roi et de La Varenne, et je les ai rapportées d'autant plus volontiers qu'elles sont absolument inédites.

Il est certain que Guillaume Fouquet fut très souvent le « courrier » discret et sûr dont se servit Henri IV, pour correspondre avec ses reines de la main gauche. Mais il ne faut pas oublier non plus que Guillaume était contrôleur général des Postes en France, c'est-à-dire qu'il était à la tête de cette immense et magnifique quoique primitive - organisation des diligences, courriers, etc., dont on ne saurait se faire une idée à notre époque de locomotion ultra-rapide, et de communications télégra– phiques. Tenant en main les fils de cette organisation, dont il demeurait le centre, pour ainsi dire, il était tout naturel qu'il favorisât les « courriers du Roi »>,

(1) Lettre inédite d'Henri IV au comte de Bethune, ambassadeur auprès du Saint-Siège. Bibliothèque Nationale, manuscrit français 4017 fo 296.

(2) Lettre inédite de Villeroy au comte de Bethune. Bib. Nat., ms. fr. 4017 f 299 vo.

qu'ils fussent officiels ou tout à fait intimes, et, partant, « ses affaires se mêlaient souvent à celles du roi ».

Mais de là à conclure, avec Saint-Simon, que le marquis de La Varenne ne dut sa fortune qu'à « son adresse à servir les plaisirs du roi » (1), il y a loin. Le témoignage du noble duc est du reste fort suspect, car on connaît son dédain des « nouvelles grandeurs », son mépris de tous ceux qui n'avaient pas à mettre en façade << une vieille noblesse ». C'était le cas de La Varenne.

Je regarde même comme invraisemblable ou arrangé après coup, le bon mot prêté à Catherine de Bourbon, duchesse de Lorraine, sœur d'Henri IV, qui aurait dit à La Varenne : « Tu as plus gagné à porter les poulets de mon frère, qu'à piquer les miens ». Pour spirituelle qu'ait été « Madame », et capable certes, d'un pareil trait d'esprit, elle n'aurait jamais voulu le faire au détriment de la vérité, puisque Guillaume Fouquet ne fut jamais, je le prouverai ailleurs, ni son marmiton, ni son cuisinier, comme l'affirme Saint-Simon.

Ce n'est donc pas à servir les plaisirs de son roi que La Varenne dut sa fortune, mais bien à son intelligence d'abord, à son habileté diplomatique ensuite, l'une et l'autre employées pour le bien du roi et de la France en maintes circonstances, et enfin à sa bravoure souvent louée et récompensée par Henri IV. Personne ne pourra nier la compétence de ce juge en pareille matière.

Mais l'occasion se présentera de revenir sur ce sujet, dans l'histoire de Guillaume Fouquet; laissonsle donc pour le moment, et présentons, aux lecteurs des Annales Fléchoises, les lettres en question.

(1) Saint-Simon, t. II, p. 427.

PREMIÈRE PARTIE

PREMIÈRE LETTRE AU MARQUIS DE LA VARENNE

La Varanne, Je vous fay ce mot pour vous dyre que Dieu mercy cete vylle cest remyse an mon obéyssance non come sujés du duc de Savoye mes come mes sujés quy ne veullent plus ryvre que sous ma domynasyon tant yls ce sont byen trouvés de celle de mes prédecesseurs. Vous accompagnerés Me la Marquise de Verneuyl et ryendrés avec elle me mandant tous les jours le lycu ou elle vyendra coucher et de ces nouvelles bon soyr Je man vays myeus dormyr que je nay fet despuys que ie suys ycy ce dymanche au soyr XXme aut aus fausbours de Chambéry.

Henry.

Original papier; feuille simple, 18 25. Cette lettre porte au verso la suscription suivante, écrite de la main du roi : A la Varanne.

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